Préjudice d’anxiété : la Cour de cassation tire les conséquences de sa nouvelle jurisprudence
9 octobre 2020
Revenant sur une solution établie depuis 2010, l’assemblée plénière a reconnu à tout salarié justifiant d’une exposition à l’amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, le droit de rechercher la responsabilité de son employeur, dans les conditions du droit commun, pour obtenir réparation de son préjudice d’anxiété, même s’il a travaillé dans un établissement non classé sur la liste des établissements ouvrant droit à l’allocation de cessation anticipée d’activité des travailleurs de l’amiante (ACAATA), fixée par arrêté ministériel (Cass. ass. plén., 5 avril 2019, n° 18-17.442).
Tirant logiquement les conséquences de cette nouvelle jurisprudence, la Cour de cassation revient sur sa décision qui excluait toute réparation du préjudice d’anxiété pour le salarié exposé à l’amiante dans le cadre de sa mise à disposition par son employeur dans une entreprise exploitant un établissement classé, au motif que son employeur n’était pas éligible à l’ACAATA (Cass. soc., 22 juin 2016, n°14-28.175).
Ainsi, désormais, un salarié exposé à l’amiante dans l’établissement classé d’une société tierce au sein de laquelle il a été mis à disposition par son employeur dans le cadre d’un contrat de sous-traitance peut rechercher la responsabilité de celui-ci au titre de son préjudice d’anxiété (Cass. soc., 30 septembre 2020, n° 19-10.352).
Un salarié exposé à l’amiante dans le cadre de sa mise à disposition auprès de l’établissement classé d’une société tierce peut rechercher la responsabilité de son employeur au titre de son préjudice d’anxiété. C’est ce que décide la Cour de cassation dans un arrêt du 30 septembre 2020 (n° 19-10.352). Depuis 2010, une jurisprudence constante de la Cour de cassation réservait aux seuls salariés, bénéficiaires de l’ACAATA – c’est-à -dire ayant travaillé dans un établissement figurant sur une liste fixée par arrêté ministériel pendant une période où y était fabriqué ou traité de l’amiante – un droit à réparation du préjudice d’anxiété résultant de leur crainte de développer à tout moment une maladie grave. En outre, pour que l’action soit recevable, la Cour de cassation exigeait que l’employeur lui-même, soit inscrit sur la liste des établissements éligibles à l’ACAATA ce qui excluait toute réparation du préjudice d’anxiété pour le salarié exposé à l’amiante dans le cadre de sa mise à disposition par son employeur dans l’établissement classé d’une autre entreprise (Cass. soc., 15 décembre 2015, n° 14-22.458 ; Cass. soc., 22 juin 2016, n° 14-28.175).
Préjudice d‘anxiété : les conditions du droit à réparation
Par une décision du 5 avril 2019 (n° 18-17.442), l’assemblée plénière a reconnu à tout salarié justifiant d’une exposition à l’amiante générant un risque élevé de développer une pathologie grave, la possibilité d’agir contre son employeur pour manquement de ce dernier à son obligation de sécurité, et ce, même si l’établissement dans lequel il a travaillé n’est pas inscrit sur la liste fixée par arrêté ministériel.
Ce droit à réparation s’exerce alors dans les conditions du droit commun de la responsabilité civile. Il appartient donc au salarié :
-
- de rapporter la preuve de son exposition à l’amiante;
-
- de rapporter la preuve du manquement de son employeur à l’obligation de sécurité ;
-
- d’établir la réalité et l’étendue du préjudice d’anxiété qu’il a personnellement subi.
A cet égard, la Cour de cassation a pris le soin de préciser que la reconnaissance de ce droit à réparation ne remettait pas en cause le dispositif applicable aux salariés éligibles au dispositif ACAATA, lesquels continuent à bénéficier d’une triple présomption les dispensant de rapporter ces éléments de preuve.
Le droit à réparation du salarié mis à disposition dans une entreprise classée « amiante »
Tirant les conséquences de cette nouvelle jurisprudence, la Cour de cassation revient logiquement sur les solutions retenues par les décisions de 2015 et de 2016 qui écartaient toute possibilité d’indemnisation du préjudice d’anxiété pour un salarié exposé à l’amiante dans le cadre de sa mise à disposition au sein de l’établissement classé d’une entreprise tierce, dès lors que son employeur ne figurait pas sur la liste des établissements classés.
Le salarié pourra donc désormais agir en réparation contre son employeur. Cette action devra être exercée dans les conditions du droit commun de la responsabilité civile.
A cet égard, la Cour a récemment précisé le point de départ et le délai de prescription applicable à cette action de droit commun : elle doit s’exercer dans un délai de deux ans à compter de « la date à laquelle le salarié a eu connaissance du risque élevé de développer une pathologie grave résultant de son exposition à l’amiante », sans que ce point de départ ne puisse être antérieur à la date à laquelle cette exposition a pris fin (Cass. soc., 8 juillet 2020, n° 18-26.585).
Ce délai de prescription de deux ans devrait également s’appliquer à l’action engagée par les salariés ayant travaillé dans un établissement classé. Néanmoins, dans ce dernier cas, la jurisprudence qui fixe le point de départ de la prescription à la date de publication du premier arrêté ministériel inscrivant l’établissement sur la liste permettant la mise en Å“uvre du dispositif ACAATA (Cass. soc., 19 novembre 2014, n° 13-19.263 ; Cass. soc., 29 janvier 2020, n° 18-15.388), ne devrait pas être remise en cause.
Par cette décision, la Cour de cassation poursuit la construction jurisprudentielle amorcée par l’arrêt du 5 avril 2019 et consacre la coexistence de deux régimes de réparation distincts selon que l’employeur est ou non inscrit sur la liste des établissements éligibles à l’ACAATA.
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