Prélèvement à la source, comment sera garantie la confidentialité de la situation personnelle du contribuable vis-à-vis de l’employeur ?
6 juillet 2018
A compter du 1er janvier 2019 le prélèvement à la source (PAS) de l’impôt sur le revenu est institué. Il a pour objectif de supprimer le décalage d’un an entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt sur ces revenus. Du point de vue du droit du travail, l’employeur va devoir mettre en œuvre ce prélèvement à la source sur les rémunérations versées aux salariés.
En tant que collecteur du PAS, l’employeur sera donc tenu de prélever à la source, lors du paiement du salaire, la somme correspondante à l’application du taux de prélèvement ou, à défaut, du taux qui résulterait de l’application de la grille de taux par défaut.
Dès le 1er janvier 2019, les salariés verront ajouter sur leur bulletin de paie, le revenu net de cotisation sociale, le taux du PAS, la nature du taux (à savoir personnalisé, individualisé ou taux neutre), le montant du PAS appliqué à leurs rémunérations ainsi que le montant du revenu net à verser après application du PAS.
La réglementation n’impose pas d’obligation particulière d’information à la charge de l’employeur vis-à-vis des salariés sur l’entrée en vigueur de ce dispositif ainsi que les modalités de son application, dès lors que l’imposition demeure une relation entre le contribuable et l’administration fiscale.
Pour autant et afin d’éviter les interrogations que pourraient se poser les salariés dans le cadre de la mise en œuvre du prélèvement à la source, il est recommandé à l’employeur d’informer les salariés par la diffusion d’une note de service ou d’une note d’information pouvant être annexée au bulletin de paie.
L’administration fiscale a fixé les règles et les modalités de mise en œuvre de ce nouveau dispositif de prélèvement à la source afin de garantir le respect de la confidentialité de la donnée privée, que constitue le taux de prélèvement du salarié envers l’employeur qui est désormais associé à la procédure d’imposition.
Le niveau de confidentialité qui sera appliquée est à géométrie variable, selon le choix du salarié.
Absence de confidentialité : application du taux personnalisé
Lors de la déclaration d’impôt sur les revenus 2018 pour les rémunérations perçues en 2017, l’administration fiscale informe les salariés du taux personnalisé qui leur sera applicable dès le 1er janvier 2019 s’ils l’acceptent. Ce taux pourra alors être transmis à l’employeur, afin qu’il puisse effectuer le PAS. Le contribuable peut choisir une autre option à partir de son espace personnel impots.gouv.fr, avant le 15 septembre 2018 au plus tard.
Le taux du PAS est en principe fixé pour chaque foyer fiscal. Il doit donc tenir compte des revenus réels des différentes personnes rattachées au foyer fiscal, et ce peu important les disparités de revenus qui peuvent exister entre eux, s’ils sont soumis à une imposition commune.
Ce taux est calculé sur la base des dernières informations connues de l’administration fiscale. Il sera égal à 0% pour un salarié non imposable.
Pour les années suivantes, le taux personnalisé sera transmis par l’administration fiscale à l’employeur via la déclaration sociale nominative (DSN) où la déclaration « prélèvement à la source revenus autres » (PASRAU).
Selon les cas, l’employeur souscrira la DSN en indiquant les salaires, les traitements et les indemnités qu’il verse ; mais pour les revenus de remplacement (par exemple : complément de salaire versé en cas d’arrêt maladie) l’indication se fera par le biais de la déclaration dite PASRAU.
Le taux transmis par l’administration fiscale est valable au maximum jusqu’à la fin du deuxième mois qui suit sa mise à disposition.
Néanmoins, le salarié peut choisir de ne pas transmettre le taux personnalisé de son PAS à son employeur. En effet, derrière cette information peuvent se cacher des données strictement privées et liées à la vie personnelle du salarié (notamment le niveau de ressources du foyer), que ce dernier pourrait ne pas vouloir communiquer à son employeur dans le cadre de sa relation de travail.
Le taux individualisé, une confidentialité adaptable
Pour éviter que l’employeur n’accède à des informations portant sur la situation personnelle des salariés, ces derniers peuvent faire le choix d’un « taux individualisé ».
Par ce mécanisme ouvert aux contribuables soumis à une imposition commune, le taux de prélèvement pourra être individualisé, notamment pour les couples qui ont une différence importante de revenus. Le conjoint ayant les revenus les plus faibles pourra ainsi se voir appliquer un taux recalculé compte tenu de ses seuls revenus propres ainsi que la moitié des revenus communs au foyer.
La donnée relative aux ressources perçues par le foyer fiscal est donc partiellement « neutralisée », l’employeur ne pouvant en principe pas avoir d’idée précise de la situation financière et personnelle réelle du foyer fiscal du salarié.
Ce choix peut être exercé ou dénoncé à tout moment par le salarié à partir de son espace personnel sur impots.gouv.fr.
Le taux non personnalisé, une totale confidentialité ?
Le taux non personnalisé, ou taux « neutre » est le taux proportionnel au montant imposable des revenus versés par l’employeur, résultant de l’application de la grille de taux fixée par défaut.
Par exemple, pour les contribuables domiciliés en métropole, sur une base mensuelle de prélèvement supérieure ou égale à 1 511 € et inférieure à 1 614 €, le taux applicable est de 2,5%.
Sur une base mensuelle de prélèvement supérieure ou égale à 1 816 € et inférieure à 1 937 €, le taux applicable est de 6%.
Ce taux neutre s’applique notamment lorsque le salarié a refusé que l’administration communique son taux personnalisé à l’employeur, pour des raisons de confidentialité.
Il se verra alors appliquer le taux neutre et devra régulariser sa situation auprès de l’administration fiscale, sans que l’employeur ne puisse avoir d’information sur sa situation fiscale et celle de son foyer, en particulier en cas de perception de revenus autres que les salaires.
Ainsi, lorsque le PAS de l’employeur s’avère inférieur à celui résultant de l’application du taux personnalisé, le contribuable devra utiliser son compte fiscal en ligne pour autoriser l’administration fiscale à prélever le complément d’impôt correspondant sur son compte bancaire.
Les données relatives à la situation fiscale réelle du salarié resteront alors limitées à ses rapports avec l’administration fiscale.
L’obligation de secret professionnel encadrée par la loi
Des mesures ont été mises en place afin de garantir la confidentialité des données privées dans le cadre des opérations de PAS.
L’employeur, en tant que collecteur, est ainsi soumis à une obligation de secret professionnel telle que définie aux articles 226-13 et 226-14 du Code pénal. En cas d’utilisation des informations recueillies, détenues ou transmises à des fins autres que celles des missions relatives au PAS, l’employeur encourt une peine d’emprisonnement de 1 an et 15 000 € d’amende.
En pratique, le secret professionnel attaché aux opérations du PAS s’applique à toute personne de l’entreprise. La Direction devra ainsi veiller au respect de cette obligation par l’ensemble des collaborateurs susceptibles d’être amenés à avoir accès à ces données (ex : le gestionnaire de paie,…) et le cas échéant prendre les mesures nécessaires afin de sanctionner les manquements constatés dans le cadre du pouvoir disciplinaire.
Cette obligation de confidentialité est par ailleurs renforcée par l’entrée en vigueur le 25 mai 2018, du Règlement Général sur la Protection des Données (« RGPD »), qui impose à l’employeur d’être vigilant sur la donnée fiscale traitée et qui devra, le cas échéant, l’intégrer dans le registre des traitements.
Auteurs
Françoise Albrieux-Vuarchex, avocat associé, droit social, CMS Francis Lefebvre Lyon Avocats
Camla Boulkout, avocat, droit social, CMS Francis Lefebvre Lyon Avocats
Prélèvement à la source, comment sera garantie la confidentialité de la situation personnelle du contribuable vis-à-vis de l’employeur ? – Article paru dans La Tribune du 21 juin 2018
A lire également
Les modalités de recours du CSE aux expertises adaptées à la période de Covi... 28 mai 2020 | CMS FL Social
Départs à l’étranger des contribuables : création d’une base de données... 25 novembre 2016 | CMS FL
Dans l’attente d’un statut fiscal pour les bitcoins... 5 mai 2014 | CMS FL
Plus-values immobilières sur terrains à bâtir : de nouvelles retouches à eff... 2 novembre 2014 | CMS FL
Confirmation du caractère confidentiel de la procédure de transaction... 9 novembre 2017 | CMS FL
Activité durant un arrêt de travail pour maladie, quelle sanction pour le sala... 25 septembre 2020 | Pascaline Neymond
Les obligations des entreprises face au droit à la déconnexion des salariés... 4 octobre 2017 | CMS FL
Revenus fonciers perçus en 2018 : entre exonération d’impôt sur le revenu, ... 7 novembre 2018 | CMS FL
Articles récents
- Rapport de durabilité : la nouvelle obligation de consultation du CSE entre en vigueur le 1er janvier 2025
- Statut de lanceur d’alerte : le Défenseur des droits et la jurisprudence précisent ses contours
- Enquêtes internes : des règles en constante évolution
- Pas de co-emploi sans immixtion dans la gestion économique et sociale de la société : illustration en présence d’une société d’exploitation
- Fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2025
- Un salarié licencié pour harcèlement sexuel ne peut se prévaloir du phénomène «#Metoo»
- Régimes de retraite des dirigeants : prestations définies versus actions gratuites
- SMIC : Relèvement du salaire minimum de croissance au 1er novembre 2024
- Inaptitude et reclassement : c’est au salarié qu’il appartient de rapporter la preuve d’une déloyauté de l’employeur
- Conférence – Gestion des fins de carrière : que font les entreprises et quelles solutions à dispositions ?