Première loi de finances rectificative pour 2021 : principales mesures
Plusieurs mesures sont destinées à soutenir les entreprises dans le contexte de crise sanitaire.
Si elle contient essentiellement des mesures en lien avec la crise sanitaire, la première loi de finances rectificative pour 2021 comporte également des dispositions visant à mettre le prélèvement prévu par l’article 244 bis B du CGI en conformité avec le droit de l’Union européenne (loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021, publiée au JO le 20 juillet). Revenons sur les principales mesures fiscales intéressant les entreprises.
I. Report en arrière des déficits
La loi instaure, pour le déficit constaté au titre du premier exercice déficitaire clos à compter du 30 juin 2020 et jusqu’au 30 juin 2021, des mesures dérogatoires au mécanisme du report en arrière des déficits, prévu à l’article 220 quinquies du CGI.
Sur option, les sociétés individuelles et les sociétés mères de groupes intégrés sont autorisées à reporter en arrière le déficit concerné sur le bénéfice constaté de l’exercice précédent et, le cas échéant, sur celui de l’avant-dernier exercice, puis celui de l’antépénultième exercice, sans plafonnement.
Un délai dérogatoire est ouvert aux entreprises, qui peuvent ainsi exercer l’option jusqu’à la date limite de dépôt de la déclaration de résultats d’un exercice clos au 30 juin 2021 (i.e. le 30 septembre 2021) et au plus tard avant que ne soit intervenue la liquidation de l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’exercice suivant celui au titre duquel l’option est exercée.
Une actualité publiée le 6 août dernier sur le site impots.gouv.fr précise les modalités pratiques à respecter. L’option pour le régime dérogatoire de report en arrière doit être exercée sur le formulaire n° 2058-A-SD ou n° 2033-B-SD (régime réel ou simplifié) ou n° 2058-RG-SD (groupe intégré) de la liasse fiscale, étant précisé qu’une déclaration rectificative devra être effectuée par l’entreprise si une déclaration a déjà été déposée antérieurement au titre de l’exercice d’option. En outre, les entreprises doivent déclarer la créance de report en arrière des déficits calculée sur l’annexe du formulaire n° 2039-SD et la déposer sous format papier auprès de leur service des impôts des entreprises gestionnaire.
L’option fait naître au profit de l’entreprise une créance égale au produit de l’excédent de bénéfice résultant de l’application de la mesure par le taux de l’impôt sur les sociétés applicable au titre des exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022 : taux de 25 %, ou taux de 15 % prévu en faveur des PME, dans la limite de 38 120 euros de bénéfices, pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 10 millions d’euros (seuil fixé à 7 630 000 € pour les exercices ouverts avant le 1er janvier 2021).
La créance est minorée du montant de l’éventuelle créance de report en arrière déjà liquidée au titre de l’option exercée antérieurement pour le report en arrière de ce même déficit, dans les conditions de droit commun, et éventuellement restituée.
Elle est utilisable dans les conditions de droit commun et peut notamment être mobilisée par l’entreprise pour le paiement de l’impôt sur les sociétés qui sera dû au titre des exercices suivants, mais elle ne peut pas bénéficier du remboursement anticipé prévu par la troisième loi de finances rectificative pour 2020.
II. Aides accordées aux entreprises dans le cadre de la crise sanitaire
La loi de finances rectificative pour 2021 précise le champ d’application de la neutralité fiscale et sociale prévue l’année dernière en faveur des aides versées par le fonds de solidarité. Cette neutralité ne s’applique qu’aux aides versées par le fonds de solidarité ou aux aides subsidiaires (et non pas simplement complémentaires) au fonds de solidarité (aides versées aux exploitants de discothèques, et aides visant à soutenir les entreprises ayant repris un fonds de commerce en 2020 et dont l’activité est particulièrement affectée par l’épidémie de covid-19).
S’agissant des aides perçues à compter de l’année 2021 ou des exercices clos depuis le 1er janvier 2021, l’exonération ne s’applique en revanche pas aux aides destinées à compenser les coûts fixes, ni à celles versées aux exploitants des remontées mécaniques, ni enfin à celles destinées à tenir compte des difficultés d’écoulement des stocks de certains commerces à la suite des restrictions d’activité.
III. Reconduction de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat
Le dispositif de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (« Pepa »), versée aux salariés ou agents publics ayant perçu au cours des douze mois précédant son versement une rémunération inférieure à trois fois le SMIC annuel, est reconduit. Comme antérieurement, la prime est exonérée, dans la limite de 1 000 euros par bénéficiaire, d’impôt sur le revenu, de cotisations et contributions sociales, ainsi que des participations, taxes et contributions dues au titre de l’effort-construction, de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Pour bénéficier de l’exonération, la prime doit être versée entre le 1er juin 2021 et le 31 mars 2022.
Le plafond d’exonération est porté à 2 000 euros par bénéficiaire dans certains cas, notamment lorsque l’entreprise versante est couverte par un accord d’intéressement, ou lorsque son effectif est inférieur à cinquante salariés.
IV. Prolongation du dispositif temporaire de déduction fiscale des abandons de loyers
Le dispositif de déductibilité fiscale des abandons de loyers issu de la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 est prolongé du 30 juin au 31 décembre 2021.
Les abandons de loyers et accessoires afférents à un immeuble donné en location jusqu’au 31 décembre 2021 à une entreprise non liée ne sont donc pas imposables pour les bailleurs relevant des revenus fonciers, sont intégralement déductibles pour ceux imposés dans la catégorie des BIC et ne constituent pas une recette imposable pour les bailleurs relevant des BNC.
V. Mise en conformité du prélèvement sur les plus-values mobilières de l’article 244 bisB avec le droit de l’UE
La loi met le prélèvement prévu à l’article 244 bis B du CGI en conformité avec le droit de l’Union européenne et la jurisprudence administrative pour les cessions ou rachats de droits sociaux et les distributions réalisés à compter du 30 juin 2021.
Concernant d’abord les organismes de placement collectif (OPC) étrangers, le prélèvement ne s’applique pas, sous certaines conditions, aux OPC constitués sur le fondement d’un droit étranger, situés dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État ou territoire ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et n’étant pas non coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI.
Par ailleurs, la loi accorde un droit à restitution aux sociétés étrangères (hors OPC). L’application du prélèvement prévu à l’article 244 bis B du CGI à ces sociétés est en effet devenue contestable sur le fondement du droit européen depuis l’introduction en France de l’exonération des plus-values à long terme sur cession de titres de participation détenus dans des sociétés autres qu’à prépondérance immobilière (exonération sous réserve de la réintégration d’une quote-part de frais et charges de 12 %). Le Conseil d’Etat l’avait reconnu, sur le terrain de la liberté d’établissement dont peuvent se prévaloir les sociétés établies dans l’Union européenne (CE, 14 octobre 2020, AVM International Holding) et la Cour administrative d’appel de Versailles avait étendu le raisonnement, sur le terrain de la libre circulation des capitaux, aux sociétés établies dans un Etat tiers (CAA Versailles, 20 octobre 2020, Runa Capital Fund I LP).
En conséquence, le législateur prévoit que peuvent désormais obtenir la restitution de la part du prélèvement qui excède l’impôt sur les sociétés dont ils auraient été redevables si leur siège social avait été situé en France, les personnes morales ou organismes, quelle qu’en soit la forme, dont le siège social se situe dans :
– un État de l’Union européenne,
– un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales,
– ou un État ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d’assistance administrative en matière d’échange de renseignements et de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, sous réserve que les personnes morales ou organismes ne participent pas de manière effective à la gestion ou au contrôle de la société dont les titres sont cédés ou rachetés.
Ne peuvent en revanche pas bénéficier de la restitution partielles les personnes morales ou organismes dont le siège social se situe dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI.
Article paru dans Option Finance le 30/08/2021
Auteurs
Amélie Nithart, Fiscaliste
Anaïs Okouda, Professional Support Lawyer Fiscal