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Priorité aux stipulations des parties dans les garanties de passif

Le juge peut-il dispenser le bénéficiaire d’une formalité prévue par la garantie de passif si le garant connaissait les événements à l’origine du passif ? On retrouve ici la question classique de l’incidence de la mauvaise foi sur l’efficacité de la garantie.

Au moment où les parties signent une garantie de passif, elles ne sont pas censées avoir connaissance d’événements qui donneraient lieu à l’apparition d’un passif quelque temps après la cession. Il peut toutefois arriver que tel soit le cas, ce qui peut bouleverser l’équilibre des choses. Face à cela, que peut faire le juge ?

C’est à cette question qu’a répondu la cour d’appel de Paris dans un arrêt du 24 octobre 2013(1). Au cas particulier, les parties à une cession d’actions avaient conclu une garantie de passif prévoyant que le bénéficiaire devait « notifier au garant tout fait, événement ou réclamation émanant d’un tiers quelconque à l’encontre de la société et ce dans un délai de 30 jours à compter de la date à laquelle le bénéficiaire a eu connaissance dudit fait ou événement ».

Quelques mois après la cession, l’acquéreur a recherché la responsabilité du cédant au titre de la garantie en raison, principalement, de la découverte de plusieurs contentieux concernant la société cédée. Cependant, il n’avait pas respecté la formalité de notification, ce qui rendait, selon le cédant, la demande inefficace. A cela, le bénéficiaire répondait que le cédant connaissait, avant la cession, les événements à l’origine de la mise en oeuvre de la garantie et qu’il ne pouvait donc exiger que ceux-ci lui soient notifiés.

Le raisonnement du bénéficiaire n’était pas dépourvu d’une certaine logique. Ceci étant, à au moins trois reprises par le passé, la Cour de cassation a énoncé que « la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties

C’est cette sentence qui est reprise mot pour mot par la cour d’appel de Paris dans l’affaire rapportée et qui donne raison au cédant. Quand bien même la connaissance par lui des événements ayant donné naissance au passif rendait moins utile la formalité prévue, le juge ne peut pas dispenser le bénéficiaire de respecter cette clause. Il peut seulement condamner le garant à lui verser des dommages et intérêts pour avoir, de mauvaise foi, exigé la notification prévue.

Cet arrêt mérite d’être rapproché d’un arrêt rendu par la Cour de cassation le 14 mai 2013, qui avait jugé efficace une notification effectuée après l’expiration du délai prévu par la garantie de passif dès lors que celle-ci n’avait assorti ce délai d’aucune sanction.

Les juges semblent donc s’orienter vers une lecture de plus en plus stricte des garanties de passif, ce qui ne manquera pas d’appeler une fois encore les rédacteurs aux plus grandes précautions.

Note

1. N° 12/14281, pôle 5, ch. 9, SAS Talek c./ M. A.

 

A propos de l’auteur

Christophe Blondeau, avocat associé. Il traite plus spécifiquement des opérations transactionnelles de fusions – acquisitions, de joint-venture et de private equity. Il couvre l’ensemble des questions relatives aux opérations transactionnelles notamment dans le secteur immobilier.

 

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance du 13 janvier 2014