Procédure d’examen de comptabilité : faut-il craindre un cyber contrôle ?
Après l’obligation faite depuis 2014 aux entreprises de présenter la comptabilité sous format dématérialisé en cas de vérification de comptabilité, une nouvelle étape de modernisation des procédures de contrôle est franchie avec la création d’une procédure d’examen de la comptabilité à distance.
En quoi consiste la nouvelle procédure ?
Depuis le 1er janvier 2017, l’administration peut procéder à un contrôle de comptabilité sans visite sur place du vérificateur (articles L 13 G et L 47 AA du livre des procédures fiscales).
La loi n’écarte aucune catégorie d’entreprises du champ d’application de cette procédure dès lors qu’elles tiennent leur comptabilité au moyen d’un système informatisé. L’exposé des motifs de l’article 14 de la loi de finances rectificative pour 2016 qui l’instaure indique toutefois que ce mode de contrôle n’a pas vocation à s’appliquer « à l’égard des entreprises qui présenteraient des risques élevés ou dont la taille ou la complexité des sujets nécessiteraient un contrôle sur place ».
Dans un délai de quinze jours suivant la réception de l’avis d’examen de comptabilité, le contribuable doit adresser à l’administration le fichier des écritures comptables (FEC) du (ou des) exercice(s) concerné(s). Une amende spécifique de 5 000 euros (CGI, art. 1729 D II) sanctionne le défaut de communication du fichier et l’administration peut alors annuler cette procédure pour y substituer, au titre de la même période, une procédure classique de vérification de comptabilité.
La procédure permet à l’administration des investigations aussi étendues que dans le cadre de la vérification de comptabilité et offre au contribuable la plupart des garanties attachées à cette dernière procédure, notamment celles résultant de la charte du contribuable vérifié dont les modalités de consultation sont mentionnées par l’avis d’examen de comptabilité. Ainsi, le contribuable a en particulier la faculté de se faire assister par le conseil de son choix, il peut solliciter une entrevue avec le chef de brigade puis, s’il l’estime justifié, avec l’interlocuteur départemental dont les coordonnées seront indiquées par l’avis d’examen de comptabilité.
De même, après un examen ou une vérification de comptabilité, la période concernée ne peut pas être de nouveau vérifiée que ce soit dans le cadre de cette procédure ou dans celui de la vérification de comptabilité.
La durée des investigations est limitée à six mois quelle que soit la taille de l’entreprise, y compris pour celles dont le chiffre d’affaires n’excède pas les seuils du régime simplifié d’imposition pour lesquelles la loi limite, sauf exception, à trois mois la durée des investigations sur place en cas de vérification de comptabilité.
Avant l’expiration du délai de six mois, le vérificateur doit adresser une proposition de rectification ou un avis d’absence de rectification. Le contrôle peut aussi s’achever par la régularisation des erreurs, omissions ou inexactitudes constatées assortie du paiement immédiat des droits correspondants et d’un intérêt de retard limité à 70% du montant qui serait légalement dû en application des règles de droit commun. La demande de mise en œuvre de la procédure de régularisation en cours de contrôle est formulée dans les trente jours de la réception de la proposition de rectification tandis qu’elle intervient en amont de cette étape du contrôle en cas de vérification de comptabilité.
L’administration s’engage, enfin, à détruire l’ensemble des fichiers remis par le contribuable au plus tard lors de la mise en recouvrement des rectifications.
Quels sont les points d’attention ?
Deux aspects de la procédure d’examen de comptabilité mériteront une attention particulière.
- Les investigations informatisées
Lorsqu’elle réalise ses investigations par la voie d’un examen de comptabilité, l’administration est habilitée par la loi à procéder non seulement aux tris, classements et calculs à partir des données du FEC comme c’est le cas en cas de vérification de comptabilité, mais aussi à effectuer des traitements informatiques sur les fichiers autres que le FEC transmis par le contribuable (un traitement se distingue des travaux de tris, classements et calculs sur les données d’un fichier en tant qu’il implique le croisement des données de deux ou plusieurs fichiers).
Mais, d’une part, la loi ne donne aucune indication sur les modalités de remise d’autres fichiers que celui des écritures comptables. Et, d’autre part, elle n’impose au vérificateur d’informer le contribuable des traitements et de leurs résultats qu’au plus tard lors de l’envoi de la proposition de rectification.
Or, dans le cadre de la procédure de vérification de comptabilité, des traitements informatiques ne peuvent être opérés qu’une fois l’entreprise informée de manière précise des traitements envisagés (voir en ce sens récemment CE n°386459, 18 janvier 2017 Sté Carlotta). L’entreprise peut d’ailleurs également choisir d’effectuer par elle-même les traitements demandés même si elle est désormais tenue de communiquer, sur demande, à l’administration, les fichiers grâce auxquels elle aura effectué les traitements.
La loi ne garantit donc pas au contribuable faisant l’objet d’un examen de comptabilité un niveau identique d’information sur les traitements informatiques qu’opérerait l’administration que celui dont il dispose dans le cadre d’une vérification de comptabilité.
- La qualité du débat oral et contradictoire
Par ailleurs, le risque de voir s’appauvrir le débat oral et contradictoire dans le cadre de la mise en œuvre de cette nouvelle procédure existe. Et l’inquiétude est selon nous loin d’être illégitime s’il s’agit, comme le prévoit la loi, de substituer à la visite du vérificateur dans les locaux de l’entreprise et des échanges en face à face avec ses responsables une « possibilité du dialogue entre l’administration et l’entreprise » constituée « d’échanges entre le contribuable et l’administration pouvant s’effectuer par écrit et/ou oralement au cours de la procédure » préservant, selon les termes de l’exposé des motifs, le débat oral et contradictoire.
Le Ministre n’a pas accueilli favorablement les arguments des parlementaires qui avaient présenté des amendements introduisant la possibilité pour le contribuable d’exiger la présence sur place du vérificateur.
Tout au plus ressort-il des travaux parlementaires que « les échanges entre le contribuable et le vérificateur pourront s’effectuer par écrit et/ou oralement : sur support dématérialisé (courriels, oralement, par des entretiens ou par téléphone. Si le contribuable le souhaite pour expliquer certains points, il pourra bien entendu demander à être reçu dans les locaux de l’administration » (voir les observations du gouvernement dans le cadre de l’instruction de la saisine des parlementaires sur la loi de finances rectificative dont sont issues ces dispositions).
Le Conseil constitutionnel (décision n°2016-743) n’a pas non plus jugé fondé le grief tiré d’une atteinte portée au respect des droits de la défense soulevée dans les saisines de sénateurs et de députés à l’encontre de ces dispositions.
Certes, il existe sans doute quelques situations dans lesquelles l’absence de visite sur place peut ne pas présenter d’inconvénient. Tel nous paraît par exemple pouvoir être le cas lorsqu’à l’issue d’une vérification de comptabilité réalisée sur place, le vérificateur entend procéder à la rectification d’erreurs ou d’anomalies détectées dans ce cadre et qui pourraient avoir été renouvelées sur une période postérieure à celle visée par la vérification.
Mais on ignore actuellement pour quels types de contrôles l’administration privilégiera l’examen à la vérification de comptabilité. En tout état de cause, et même si elles se plaignent parfois du désagrément que constitue la présence d’un vérificateur dans leur locaux, il est vraisemblable que les entreprises vivraient à l’inverse comme une régression de leurs droits et garanties un refus de visite sur place.
Aussi, nous espérons que l’administration s’engage à répondre favorablement lorsque le responsable visé par un examen de comptabilité invitera le vérificateur à se rendre dans ses locaux, en particulier s’il s’agit de recourir à la procédure de contrôle à distance à l’encontre des plus petites d’entre elles.
A la date à laquelle nous rédigeons ces lignes, l’administration n’a pas encore publié ses commentaires sur cette nouvelle procédure ni aménagé en conséquence la Charte du contribuable vérifié.
Auteur
Elisabeth Ashworth, avocat associé, responsable des questions de TVA et de taxe sur les salaires au sein de l’équipe de doctrine fiscale.