Procédure prud’homale : une réforme utile mais incomplète
5 mars 2015
Le projet de loi Macron prévoit une réforme de la procédure prud’homale. L’objectif est notamment de raccourcir des délais souvent trop longs et d’améliorer la qualité des jugements afin de les rendre plus prévisibles. Il est à craindre que les mesures proposées ne soient pas assez efficaces.
Une procédure actuelle trop lente à l’issue trop incertaine
La procédure prud’homale dans sa forme actuelle se déroule, dans la plupart des cas, en deux ou trois étapes avec une première audience devant le bureau de conciliation (composé d’un conseiller prud’homal employeur et d’un conseiller salarié), une deuxième devant le bureau de jugement (composé de deux conseillers employeurs et de deux conseillers salariés) et, parfois, une troisième audience devant un juge professionnel chargé de les départager.
Cette procédure fait l’objet de nombreuses critiques portant essentiellement sur sa lenteur.
En effet l’audience devant le bureau de conciliation est bien souvent inutile, le taux de conciliation y étant très faible, alors que le délai entre l’audience de conciliation et celle de jugement est souvent très long (plusieurs mois voire plusieurs années devant certains conseils de prud’hommes d’Ile de France). Le délai entre l’audience de jugement et celle de départage peut également être important.
En outre et en l’absence de mise en état obligatoire, les délais de communication de pièces ne sont pas toujours respectés, ce qui occasionne également des reports au détriment des parties.
Certaines critiques portent également sur la qualité et l’imprévisibilité des jugements rendus par des conseillers prud’homaux qui ne sont pas des professionnels du droit et qui manquent parfois d’objectivité et d’impartialité.
La réforme en cours de discussion ne résoudrait que certaines de ces difficultés.
Possibilité d’une procédure accélérée
En vertu du projet de loi Macron, les parties pourraient, lors du bureau de conciliation (rebaptisé bureau de conciliation et d’orientation) et s’agissant des litiges portant sur des licenciements ou résiliations judiciaires (l’essentiel des litiges), se mettre d’accord sur une procédure accélérée devant une formation restreinte de jugement qui statuerait dans le délai de trois mois.
Ce délai risque toutefois d’être difficile à tenir en l’absence d’une mise en état stricte et obligatoire de sorte que la mesure pourrait ne pas être aussi efficace que voulu.
Recours accru au juge professionnel
Le bureau de conciliation pourrait aussi, si les parties le demandaient ou si la nature du litige le justifiait, renvoyer les parties directement devant une formation de jugement présidée par un juge professionnel.
Cette possibilité qui, dans la dernière version du projet de loi supposerait un accord entre les conseillers employeur et salarié lors du bureau de conciliation, est critiquée par les syndicats car portant atteinte au paritarisme de la juridiction. Il est vrai que la force de la juridiction prud’homale repose sur des juges issus de l’entreprise qu’ils connaissent parfaitement et dont les jugements, certes imparfaits juridiquement, sont souvent remplis de bon sens. De plus, il existe un équilibre entre les conseillers employeurs et les conseillers salariés qui, en présence d’un juge professionnel, est rompu, pas assez souvent au bénéfice des entreprises…
L’efficacité de cette mesure dépendrait par ailleurs de la disponibilité des juges professionnels pour assurer ces audiences dont le nombre pourrait être croissant.
Des conseillers prud’homaux mieux formés et plus responsables
S’agissant des conseillers prud’homaux, leur compétence juridique serait améliorée par l’instauration de formations plus complètes et leur impartialité serait surveillée avec l’instauration d’une commission nationale de discipline.
Des jugements moins imprévisibles
L’imprévisibilité des jugements pourrait enfin être atténuée par la référence à un barème de condamnations, toutefois facultatif en l’état du projet de loi.
La réforme comporte donc, dans sa version actuelle, certaines améliorations. L’efficacité des mesures proposées est toutefois très fragile et incertaine.
Auteur
Laurent Kaspereit, avocat spécialisé en matière de contentieux social devant toute juridiction.
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