Procédure de recours contre l’avis ou les avis du médecin du travail : l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 revoit le dispositif mis en œuvre par la loi El Khomri du 8 août 2016
12 janvier 2018
La loi Travail du 8 août 2016 avait mis en place un dispositif de recours judiciaire contre les avis médicaux. Le dispositif avait cependant donné lieu à de nombreuses critiques que le décret d’application du texte n’avait pas permis de lever.
L’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 revoit ce mécanisme entre élargissement et simplification. Le décret n°2017-1698 du 15 décembre 2017 complète la mesure.
Quel employeur ne s’est pas trouvé désemparé à la lecture de l’avis médical rendu par la médecine du travail suite à la visite médicale de reprise subi par un salarié au terme d’un arrêt de travail.
Il est en effet vrai que certaines décisions médicales peuvent être d’interprétation délicate et rendent complexe voire pratiquement impossible parfois la mise en œuvre de l’obligation de reclassement à laquelle tout employeur est tenu en cas de salarié inapte ou apte avec réserves et ou restrictions.
S’il est naturellement souhaitable et systématiquement préconisé de multiplier les échanges avec les professionnels de la santé au travail avant tout recours judiciaire, l’on peut hélas aboutir à des situations de blocage où la contestation de la décision médicale sera l’ultime recours.
Dispositif non nécessairement privilégié mais dont il faut pourtant s’emparer, tant la question est importante et source de contentieux potentiels, la procédure de contestation de l’avis médical a été remaniée par l’article 8 de l’ordonnance précitée.
Le champ de la contestation judiciaire est élargi par l’ordonnance
Là où le texte issu de la loi Travail était particulièrement restrictif et n’autorisait que la contestation des éléments de nature médicale justifiant la décision du médecin du travail, l’ordonnance réécrit le texte de l’article L.4624-7 du Code du travail et autorise désormais la contestation des avis d’aptitude ou d’inaptitude physique mais également les propositions, conclusions écrites ou indications émises par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale.
Cette extension du champ de la contestation est particulièrement bienvenue et devrait faciliter toute démarche de contestation lorsque les échanges sur l’aptitude et les conditions de retour à l’emploi n’ont pu aboutir de manière consensuelle.
Le conseil de prud’hommes demeure compétent pour connaître de la contestation
La loi Travail avait consacré la compétence du conseil de prud’hommes sur ce thème. L’ordonnance ne revient pas sur ce point.
A cet égard et le sujet commandant que le juge se prononce rapidement, les recours sont portés devant le conseil de prud’hommes en la forme des référés, soit en urgence.
Le texte dans sa nouvelle rédaction prend le soin de préciser que le médecin du travail n’est pas partie au litige mais doit être informé de la saisine.
Ni le texte de l’ordonnance ni le décret d’application ne précise la forme et le délai d’information du médecin du travail. Cependant et afin d’éviter toute irrégularité de procédure, la partie contestant l’avis devra selon nous informer le médecin par lettre recommandée avec avis de réception, à des fins probatoires, et cela dès la saisine du conseil de prud’hommes.
Un délai de saisine bref et à peine de forclusion
Le différend méritant d’être jugé de toute urgence, le juge des référés est donc compétent. Dans ce cadre, le conseil de prud’hommes doit être saisi dans un délai de quinze jours à compter de la notification à partie de l’avis rendu par le médecin du travail.
Si les modalités de recours ainsi que ce délai doivent être mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail, une vigilance toute particulière devra être de mise compte tenu de la brièveté des délais pour agir et des conséquences liées à leur non-respect, conduisant à ce que l’avis ou les avis médicaux revêtent alors un caractère définitif et non contestable.
Le recours à l’expertise judiciaire devient facultatif
La loi Travail précisait que le conseil de prud’hommes devait désigner un médecin-expert inscrit sur la liste des experts près la Cour d’appel. Si une telle démarche pouvait relever de l’évidence compte tenu de la spécificité de la matière, cette obligation pouvait être considérée comme contestable, en dépit de l’absence de recul réel sur l’application des textes, compte tenu de la faiblesse du nombre de médecin-expert et les risques d’augmentation des délais de procédure de ce fait sans compter le coût lié à ce recours.
Dès lors, l’ordonnance n°2017-1387 rend le recours au médecin-expert facultatif, le juge pouvant confier toute mesure d’instruction au médecin inspecteur du travail territorialement compétent pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers.
Le décret du 15 décembre 2017 prévoit que le médecin du travail ayant rendu l’avis ou les avis discutés peut être entendu par le médecin inspecteur.
A cet égard et à la demande de l’employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que l’employeur mandate à cet effet. Le salarié est informé de cette notification.
Cette faculté de mandatement n’est pas ouverte au salarié.
Si la désignation d’un homme de l’art par le conseil de prud’hommes devient facultative, l’on peut penser, et souhaiter, que le conseil de prud’hommes s’emparera de cette faculté dans la mesure où les conclusions du médecin-expert pourront avantageusement éclairer les magistrats qui devront se prononcer sur le bien-fondé de l’avis médical voire l’amender.
La charge des frais d’expertise
Sur ce thème, l’ordonnance se fait plus précise que la loi Travail et dispose que les honoraires et frais liés à la mesure d’instruction sont mis à la charge de la partie perdante, à moins que le conseil de prud’hommes, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge de l’autre partie. Le coût des honoraires sera fixé par un arrêté conjoint des ministres chargés du travail et du budget.
La décision du conseil de prud’hommes se substitue à l’avis ou aux avis médicaux
La décision rendue par le conseil de prud’hommes annule et remplace l’avis ou les avis discutés puisque le texte de préciser que la décision du conseil de prud’hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés.
La lecture du texte conduit à penser que le juge prud’homal pourra donc annuler, confirmer, modifier ou adapter l’avis médical rendu par le médecin du travail et décider, par exemple, qu’à une décision d’aptitude sans réserve, doit s’y substituer une décision d’aptitude avec réserves ou restrictions.
Décision de justice s’il en est, le jugement rendu par le conseil de prud’hommes pourra en principe faire l’objet d’un recours dans les conditions de droit commun.
Date d’entrée en vigueur
Si les mesures prises dans le cadre des ordonnances du 22 septembre 2017 s’appliquent dès le lendemain de leur publication au Journal officiel ou à la date de publication des décrets d’application lorsque ceux-ci sont nécessaires et en toute hypothèse au 1er janvier 2018, les dispositions qui nous intéressent ici s’appliqueront aux instances introduites en application de l’article L.4624-7 du Code du travail à compter du 1er janvier 2018, nonobstant l’intervention du décret le 15 décembre dernier.
Article publié dans les Echos Executives le 12/01/2018
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