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Procédures amiables et information/consultation des IRP : une réforme en demi-teinte

Le Gouvernement a adopté, par ordonnance en date du 12 mars 2014, une nouvelle réforme de la prévention des difficultés des entreprises et des procédures collectives qui entrera en vigueur le 1er juillet 2014 et sera prochainement complétée par un décret d’application modifiant la partie règlementaire du livre VI du Code de commerce.

Cette réforme, qui modifie l’ensemble de la matière par petites touches sur de nombreux points, ne constitue nullement une refonte du droit des entreprises en difficulté mais un rééquilibrage des mécanismes de cette matière.

Pour la procédure de conciliation, lorsqu’elle aboutit à un accord homologué par le Tribunal et non simplement constaté par son Président(1), elle apporte des précisions utiles mais encore insuffisantes quant à l’information des institutions représentatives du personnel(2) (« IRP »).

Les principes gouvernant l’information/consultation des IRP dans le cadre d’une telle conciliation peuvent être synthétisés comme suit.

Si l’article L.611-9 continue de prévoir que les représentants des salariés sont entendus par le Tribunal dans le cadre de l’audience ayant pour objet la demande d’homologation de l’accord de conciliation, sans encadrer plus avant cette audition, le nouvel article L.611-8-1 confirme qu’une information est due aux IRP antérieurement à cette audience. Cette nouvelle disposition précise que l’information est délivrée par le débiteur et a pour objet le « contenu de l’accord lorsque [le débiteur] demande l’homologation ».

Ces précisions pourraient permettre de mieux cerner les contours de l’obligation d’information des IRP dans le cadre de la procédure de conciliation.

Une interprétation a contrario de l’article L.611-8-1 permet de penser que le dépôt d’une requête en constatation de l’accord de conciliation tout comme la signature du protocole de mandat ad hoc n’imposent, par eux-mêmes, aucune information spécifique des IRP.

L’information requise, ayant donc pour objet le contenu de l’accord, devra intervenir concomitamment à la demande d’homologation de celui-ci. Ainsi, cette information serait opportunément confinée à un stade de la procédure où les négociations sont closes et l’accord finalisé, assurant ainsi la sauvegarde de la confidentialité des négociations, au plus grand bénéfice de l’entreprise et du succès de la conciliation.

Toutefois, les délais dans lesquels cette information doit être donnée ne sont pas précisés. Elle devrait vraisemblablement intervenir entre le dépôt de la requête sollicitant l’homologation et l’audience selon un calendrier d’autant plus serein que l’ordonnance a modifié l’article L.611-6 qui dispose désormais que si une demande d’homologation a été formée avant l’expiration de la procédure de conciliation, celle-ci est prolongée jusqu’à la décision d’homologation.

Outre ces précisions, la rédaction de l’article L.611-8-1 interroge sur le régime de l’information/consultation des IRP relativement à l’ouverture ou au déroulé de la procédure. L’articulation de cet article avec les règles générales de consultation du comité d’entreprise doit, dès lors, être précisée. C’est à ce stade que le « faillitiste » se prend à rêver que les nouvelles dispositions introduites par l’ordonnance du 12 mars dernier permettent de confirmer que l’information/consultation des IRP n’est pas, par principe, nécessaire préalablement à l’ouverture d’une conciliation ou à la désignation d’un mandataire ad hoc, une telle information/consultation n’étant pas imposée par principe dans de tels cas(3).

Il est possible de douter que ce rêve se réalise. En effet, au-delà des exigences de l’article L.611-8-1, l’information/consultation des IRP continue de relever du droit commun, notamment de l’article L.2323-6 du Code du travail, malgré l’ouverture d’une procédure de conciliation.

Toutefois au regard de ce droit commun, il ne paraît nécessaire de consulter préalablement les IRP que lorsque les mesures envisagées dans le cadre de la conciliation seraient de nature à affecter l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise et, notamment, le volume ou la structure des effectifs et plus largement les conditions de travail dans l’entreprise.

A la suite de la modification récente(4) des règles régissant les délais de consultation, cette dernière se fera dans le délai convenu avec les membres du comité d’entreprise et, à défaut d’accord, le comité d’entreprise sera réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la communication par l’employeur des informations(5).

Par ailleurs, si la procédure de conciliation était susceptible, le cas échéant, de générer une anxiété de la part des salariés, une consultation préalable du comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail, encadrée par aucun délai légal, pourrait être nécessaire et le délai de consultation du comité d’entreprise passerait à 3 mois à défaut d’accord avec le comité.

La pratique ne peut donc se contenter d’appliquer les seules dispositions de l’article L. 611-8-1. Toutefois, à notre sens, l’employeur peut valablement demander aux IRP la confidentialité même si la difficulté pratique à sanctionner les éventuelles violations de celle-ci doit être soulignée.

Il ne peut qu’être regretté que l’ordonnance n’ait pas mené plus avant la mise en cohérence des dispositions relatives à l’information/consultation des IRP avec les dispositions spécifiques aux procédures amiables de traitement des difficultés des entreprises qui doivent être mises en œuvre dans un contexte d’urgence caractérisée. En effet, les contraintes temporelles issues de ces deux corpus de règles  laissent paraître une difficile compatibilité.

Notes

1. A fortiori ne prévoit-elle rien sur ce point au regard du mandat ad hoc.
2. Comité d’entreprise ou, à défaut, délégués du personnel.
3. Crim. 4 décembre 1990, n°89-84570.
4. Décret n°2013-1305 du 27 décembre 2013.
5. Article R.2323-1-1 C. trav.

 

Auteurs

Alexandre Bastos, avocat en Droit de l’entreprise en difficulté.

Alain Herrmann, avocat associé en Droit social,

 

Article paru dans le magazine Option Finance le 26 mai 2014