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Un « savoir-sélectionner » les produits et un « savoir-vendre » peuvent constituer les éléments d’un réel savoir-faire, caractérisant une franchise de distribution

Un « savoir-sélectionner » les produits et un « savoir-vendre » peuvent constituer les éléments d’un réel savoir-faire, caractérisant une franchise de distribution

Lorsque les relations entre franchiseur et franchisé se détériorent, un des arguments souvent invoqués par le distributeur pour contester l’existence d’un contrat de franchise réside dans l’absence de transmission d’un véritable savoir-faire.

En effet, la jurisprudence estime que l’élément distinctif du contrat de franchise, au regard d’autres types de contrats de distribution, réside dans la transmission d’un savoir-faire original et constamment mis à jour. A défaut, la nullité du contrat peut être sollicitée, hier pour défaut de cause, désormais sans doute pour contrepartie illusoire ou dérisoire (article 1169 nouveau du Code civil).

C’est cette stratégie qu’avait tenté de développer un distributeur lié par un contrat de franchise pour l’exploitation d’un magasin de proximité à dominante alimentaire. Le contrat ayant pris fin, le fournisseur avait poursuivi son ancien partenaire en paiement de factures et en responsabilité pour ne pas avoir respecté une clause de non-concurrence post-contractuelle insérée au contrat. A titre de moyen de défense, le franchisé invoquait la nullité du contrat « pour défaut de cause et de transmission du savoir-faire ».

Débouté par la Cour d’appel de sa demande d’annulation, l’ex-franchisé avait formé un pourvoi articulé sur deux arguments. D’une part, la Cour d’appel aurait refusé d’annuler la franchise au motif que le franchisé n’avait pas fait part de ces griefs à son cocontractant en cours d’exécution du contrat. D’autre part, la Cour d’appel n’aurait pas recherché si le franchiseur avait réellement transmis un savoir-faire en apportant au franchisé des formations et des conseils sur le « savoir-vendre ».

La Cour de cassation rejette le pourvoi, non sans souligner (implicitement) le caractère erroné du premier motif retenu par les juges du fond (Cass. com., 8 juin 2017, n°15-22.318). Plus fondamentalement, la Cour de cassation commence par donner une définition assez précise de ce que doit être le savoir-faire transmis dans le cadre d’une franchise : il s’agit d’« ensemble d’informations pratiques non brevetées, résultant de l’expérience du franchiseur et testées par celui-ci, ensemble qui est secret, substantiel et identifié », reprenant en substance la définition inscrite dans le règlement d’exemption des accords du secteur de la distribution (règlement 330/2010 du 20 avril 2010, article 1er, 1, g). La reprise d’une telle définition, sous la plume de la Haute juridiction, marque l’importance qu’elle entend donner à cet élément dans le régime de la franchise et, partant, le contrôle qu’elle entend opérer sur l’appréciation qu’en font les juridictions du fond.

Au cas particulier, l’arrêt commenté indique certes que la Cour d’appel a « souverainement retenu » qu’un savoir-faire avait été transmis par le franchiseur au franchisé. Mais la Cour de cassation prend soin d’expliciter la nature du savoir-faire en cause : il comprenait « un ‘savoir-sélectionner’ les produits, constitué par l’offre à la vente par le franchiseur de produits sélectionnés conditionnés spécialement et bénéficiant d’une notoriété incontestable et un ‘savoir-vendre’, résultant de la délivrance de conseils adaptés pour leur vente ». Et d’en conclure que la Cour d’appel a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de rejeter la demande d’annulation du contrat ; manière élégante de dire qu’un tel savoir-faire correspondait effectivement à la définition donnée plus haut.

 

Auteur

Arnaud Reygrobellet, of counsel, Doctrine juridique et Professeur à l’Université de Paris Ouest Nanterre