Projet de loi de finances pour 2019 : les principales nouveautés
Le gouvernement a présenté le 24 septembre 2018 le projet de loi de finances pour 2019. Nous vous signalons, ci-dessous, les principales nouveautés en matière fiscale.
Réforme de l’intégration fiscale et du régime des plus-values de cession de titres de participation (art. 12)
Plusieurs modifications seraient apportées au régime de l’intégration fiscale, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019. Ces modifications, qui tendent à assurer la compatibilité du régime avec le droit de l’Union européenne (UE), sont les suivantes :
- les subventions et abandons de créances consentis entre sociétés d’un groupe intégré ne seraient plus neutralisés ;
- l’avantage consenti entre des sociétés du groupe résultant de la livraison de biens (autres que ceux composant l’actif immobilisé) ou de la prestation de services, pour un prix inférieur à leur valeur réelle mais au moins égal à leur prix de revient, ne serait pas pris en compte pour la détermination du bénéfice net des sociétés membres du groupe et ne constituerait pas un revenu distribué ;
- la quote-part de frais et charges (QPFC) afférente aux plus-values de cession de titres de participation au sein d’un groupe ne serait plus neutralisée ; en contrepartie, son taux serait fixé à 5% (au lieu de 12%). Cette modification, applicable aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, concernerait toutes les entreprises relevant de l’impôt sur les sociétés (IS), et pas seulement celles appartenant à un groupe d’intégration fiscale ;
- la QPFC de 1% viserait les dividendes versés entre sociétés d’un groupe et non éligibles au régime mère-fille. Cette règle met fin à la neutralisation intégrale dont ces dividendes bénéficiaient encore dans l’intégration fiscale ;
- elle s’appliquerait également aux dividendes versés par une filiale européenne détenue dans les mêmes conditions qu’une filiale intégrée à une société mère non membre d’un groupe intégré (à la condition toutefois que la société mère n’ait pas pu former un groupe intégré avec d’autres filiales établies en France).
Limitation à la déductibilité des charges financières (art. 13)
La directive anti-évasion fiscale (Directive – UE – 2016/1164 dite ATAD) comporte un article 4 qui prévoit des règles de limitation de la déduction des charges financières. La France a finalement choisi de transposer ces règles dès 2019.
Le dispositif proposé prévoirait notamment que :
- la déduction des charges financières nettes serait plafonnée à 30% d’un bénéfice retraité, défini par le projet de loi, proche de l’EBITDA ou à 3 millions d’euros si ce montant est supérieur, avec un report des charges financières non déductibles au titre d’un exercice et, pendant cinq exercices, des capacités de déduction inemployées (autrement dit de la fraction non utilisée du plafond de 30%) ;
- corrélativement, les dispositifs de lutte contre la sous-capitalisation et de limitation des charges financières afférentes à l’acquisition de certains titres de participation (amendement Carrez) seraient supprimés. Toutefois, en cas de sous-capitalisation, le plafond fixé en pourcentage du bénéfice retraité défini par le texte serait abaissé à 10% ;
-  en cas de dépassement du plafond de 30% du bénéfice retraité défini par le texte, une clause de sauvegarde permettrait de déduire les charges financières nettes au-delà du plafond (sans aboutir néanmoins à une déduction complète) pour les entreprises membres d’un groupe consolidé qui peuvent démontrer que leur ratio fonds propres/actifs est plus élevé que celui du groupe consolidé auquel elles appartiennent ;
- les mêmes règles de déduction s’appliqueraient au niveau du résultat d’ensemble pour les groupes intégrés.
Imposition des produits de cession ou de concession de brevets (art. 14)
Pour tenir compte des recommandations de l’OCDE sur l’imposition des actifs incorporels, le régime d’imposition des produits de cession ou de concession de brevets et d’autres actifs incorporels limitativement énumérés (actuellement prévu à l’article 39 terdecies du Code général des impôts, CGI) serait modifié pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019 :
- le taux de 15% serait unifié pour les entreprises, qu’elles relèvent ou non de l’impôt sur les sociétés et s’appliquerait à un revenu net des dépenses de R&D ;
- il serait fait application de la règle du « nexus » selon laquelle l’application du taux réduit dépendrait de la proportion des dépenses totales de R&D engagées par le titulaire de l’actif incorporel et par une entité non liée dans les dépenses totales de R&D ou d’acquisition de l’actif:
- le régime deviendrait optionnel. Il donnerait lieu à la mise en place d’une documentation spécifique sur le modèle de celle applicable en matière de prix de transfert.
Augmentation temporaire du « 5ème acompte d’IS » (grandes entreprises) (art. 15)
Pour les exercices ouverts entre le 1er janvier 2019 et le 31 décembre 2019, la quotité du montant d’IS estimé pour calculer le 5ème acompte, auquel sont soumises les plus grandes entreprises, serait porté à :
- 95% (au lieu de 80%) pour les entreprises dont le chiffre d’affaires (CA) est compris entre 250 millions et un milliard d’euros ;
- 98% (au lieu de 90%) pour les entreprises dont le CA est compris entre un milliard et cinq milliards d’euros. Ce taux ne visait jusqu’alors que les entreprises dont le CA est supérieur à cinq milliards d’euros.
Transmission d’entreprise : exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit (« Pacte Dutreil ») (art. 16)
L’exonération partielle des droits de mutation à titre gratuit prévue en cas de transmission d’entreprise avec engagement de conservation (« pactes Dutreil ») ferait l’objet de plusieurs aménagements à compter du 1er janvier 2019 :
- durant la phase d’engagement collectif de conservation, la cession ou donation de titres sous engagement serait possible au profit d’un autre associé signataire de l’engagement sans remise en cause totale de l’exonération ;
- les possibilités d’apport de titres à une société holding en cours d’engagement de conservation seraient élargies ;
- l’obligation déclarative annuelle serait supprimée (une obligation au début et à la fin du pacte subsisterait) et deviendrait une déclaration sur demande de l’administration ;
- il serait précisé expressément que le principe du caractère figé des participations à chaque niveau d’interposition s’applique également à l’engagement individuel de conservation des parts ou actions.
Transposition partielle de la directive sur le régime de TVA du commerce électronique (art. 21)
Le régime dérogatoire prévu par la directive 2017/2455 du 5 décembre 2017 pour les très petites entreprises, dont les start-up, serait transposé en droit interne. Les prestations de services électroniques, rendues par des entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 10 000 euros par an au titre de ces services, seraient taxables au lieu d’établissement du prestataire. L’essentiel des dispositions de cette directive, qui réforme en profondeur le régime des ventes à distance de biens mais aussi le régime de déclaration et de paiement de la TVA sur les services dans l’UE, devra entrer en application au 1er janvier 2021.
Transposition de la directive relative au régime des bons (art. 22)
Les dispositions de la directive 8741/16 du 27 juin 2016, relative au traitement des bons, seraient transposées en droit interne. Le nouveau régime distingue :
- les bons « à usage unique », qui suivent le régime d’imposition des biens ou services déterminés auxquels ils donnent accès ;des bons dits « à usages multiples » qui ne sont pas imposables en tant que tels mais comme élément total ou partiel de la rémunération des biens ou services pour l’obtention desquels ils sont remis.
Abaissement du taux de TVA applicable à certaines prestations de collecte et de traitement des déchets (art. 59)
Le taux de TVA serait abaissé de 10% à 5,5% pour les prestations de collecte séparée, de collecte en déchetterie, de tri et de valorisation matière des déchets ménagers et autres déchets assimilés, ainsi que les opérations étroitement liées à ce secteur.
Insertion d’une clause anti-abus en matière d’IS (art. 48)
S’inspirant de l’article 6 de la directive ATAD, une clause anti-abus en matière d’impôt sur les sociétés serait insérée dans le CGI, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2019, prévoyant que « pour l’établissement de l’IS, il n’est pas tenu compte d’un montage ou d’une série de montages qui, ayant été mis en place pour obtenir, à titre d’objectif principal ou au titre d’un des objectifs principaux, un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité du droit fiscal applicable, ne sont pas authentiques compte tenu de l’ensemble des faits et circonstances pertinents ».
Exit tax (art. 51)
Le dispositif d’exit tax serait maintenu mais, pour les départs à compter du 1er janvier 2019, avec deux changements importants :
- l’exit tax ne s’appliquerait plus que pendant deux ans : il serait donc accordé au contribuable un dégrèvement ou une restitution d’impôt s’il conserve ses titres au moins deux ans ;
- le sursis de paiement (sans constitution de garanties) s’appliquerait aux contribuables partant dans l’UE ou dans un Etat ayant notamment conclu avec la France une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement.
Directive visant à éliminer les doubles impositions entre États membres (art. 54)
La directive 2017/1852 du 10 octobre 2017 concernant les mécanismes de règlement des différends fiscaux dans l’UE serait transposée en droit interne. L’instauration d’une procédure amiable est prévue et, lorsque les discussions entre administrations fiscales s’avèrent infructueuses, une commission consultative en vue de rendre un arbitrage entre les États membres concernés serait mise en place. Cette transposition s’appliquerait à toute demande d’ouverture introduite auprès de l’administration fiscale à compter du 1er juillet 2019 qui porterait sur des différends relatifs à des revenus ou à des capitaux perçus au cours d’un exercice fiscal ouvert à compter du 1er janvier 2018.
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