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La présentation d’un prototype contrefaisant une invention même sans être suivie d’une commercialisation constitue un acte de contrefaçon

La présentation d’un prototype contrefaisant une invention même sans être suivie d’une commercialisation constitue un acte de contrefaçon

La Cour de cassation a récemment eu l’occasion de définir l’acte d’« offre en vente » de produits contrefaisants sanctionné par l’article L.613-3 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) listant les différents actes de contrefaçon de brevets, et de le distinguer de l’acte de « mise dans le commerce » visé au même article (Cass. Com., 5 juillet 2017, n°15-20.554).

L’affaire opposait la société Airbus Helicopters aux sociétés Bell Helicopter. La première, titulaire d’un brevet français pour une invention intitulée « train d’atterrissage à patins pour hélicoptère » dite aussi « trains à moustache », reprochait aux secondes d’avoir commis des actes de contrefaçon en présentant au public un premier puis un second prototype d’hélicoptère Bell 429 équipé d’un « train à moustache » contrefaisant. Lesdits prototypes n’avaient pas fait l’objet d’une homologation et n’avaient pas été commercialisés par la suite.

Condamnées en appel pour contrefaçon de brevet sur le fondement de l’article L.613-3 a) du CPI, lequel interdit notamment « l’offre » d’un produit contrefaisant sans le consentement du titulaire de brevet, les sociétés Bell Helicopter ont formé un pourvoi en cassation.

Elles reprochaient notamment à la Cour d’appel d’avoir considéré que l’acte de présentation de prototypes caractérisait « l’offre » d’un produit contrefaisant au sens de ce texte, l’offre en vente devant s’entendre selon la Cour comme « toute opération matérielle tendant à mettre un produit en contact avec la clientèle potentielle et à préparer la mise dans le commerce même si ce produit, non encore homologué, ne pouvait être commercialisé ». Au contraire, pour les sociétés Bell Helicopter, « n’avait pas le caractère d’une offre […] le fait d’avoir présenté, dans un cadre privé et dans le cercle étroit de spécialistes, un simple prototype qui n’avait pas encore volé, ayant fait l’objet par la suite de plusieurs modifications et qui, en l’absence de toute certification préalable, ne pouvait faire l’objet d’aucune mise sur le marché ».

La Cour de cassation confirme la définition de l’offre en vente faite par la Cour d’appel et rejette le pourvoi des sociétés Bell Helicopter : « les dispositions de l’article L.613-3 du Code de la propriété intellectuelle distinguant l’offre de la mise dans le commerce, fait l’exacte application de ce texte l’arrêt qui énonce que constitue une offre, au sens de cet article, toute opération matérielle tendant à préparer la clientèle potentielle à la commercialisation prochaine du produit, même s’il est encore au stade de prototype non homologué, dans la mesure où la présentation du produit sous forme de prototype est susceptible de détourner une partie de la clientèle du produit breveté ».

La notion d’ »offre » est donc bien indépendante de la notion de « mise dans le commerce » : l’offre d’un produit contrefaisant peut être caractérisée au sens de l’article L.613-3 du CPI même sans être suivie de mise dans le commerce.

Les sociétés Bell Helicopter invoquaient par ailleurs, pour échapper à la contrefaçon, l’exception de l’article L.613-5 du CPI en vertu de laquelle « les droits conférés par le brevet ne s’étendent pas […] aux actes accomplis à titre expérimental qui portent sur l’objet de l’invention brevetée ». La Cour de cassation souligne à cet égard que la Cour d’appel a pu légitimement écarter cette exception dès lors « qu’aucun travail de recherches n’avait été accompli et qu’il n’avait été communiqué aucun document établissant que des essais expérimentaux avaient été effectués à l’occasion de la présentation de l’appareil dans sa première version le 15 septembre 2005 et, ensuite, qu’aucun test scientifique n’avait été réalisé lors de sa présentation ».

Pour rappel, au titre de l’article L.615-14 du CPI, les contrefacteurs d’un brevet encourent trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende (1 500 000 euros pour les personnes morales), en plus des sanctions civiles posées par l’article L.615-14-2 (retrait des produits litigieux, destruction ou remise à la partie lésée des produits litigieux, dommages et intérêts en réparation du préjudice causé, affichage ou diffusion aux frais du contrefacteur du jugement).

 

Auteurs

José Monteiro, of Counsel, droit de la propriété intellectuelle

Anaïs Arnal, avocat, droit de la propriété intellectuelle