PSE, PDV et redressement URSSAF
24 avril 2014
Une instruction ministérielle du 26 mars 2014 encadre l’intervention des URSSAF sur le contrôle du traitement social des indemnités versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Pourquoi ? Quels changements ? Quelles conséquences ?
Les contrôles réalisés par les URSSAF couvrent de nombreux sujets. L’un des sujets récurrents porte sur les indemnités de rupture. Les vérifications des URSSAF se limitaient au cadre dans lequel intervient la rupture (PSE ou hors PSE), à la qualification de la rupture (licenciement, démission, etc.) et au respect des limites d’exonération.
Dernièrement, nous avons relevé un regain d’intérêt des URSSAF sur les conditions dans lesquelles ces ruptures interviennent, en particulier lorsque l’entreprise a établi un plan de départs volontaires (PDV) qui s’inscrit dans le cadre d’une procédure PSE et auquel est appliqué le régime social de faveur des indemnités PSE.
Des URSSAF ont voulu contester la régularité du PSE non critiquée par la DIRECCTE
Les textes font entrer dans le champ du régime d’exonération des indemnités PSE «les indemnités de licenciement ou de départ volontaire versées dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail» (articles 80 duodecies du Code général des impôts et L. 242-1 du code de la sécurité sociale).
Ces dispositions du code du Travail renvoient à l’établissement par l’employeur et à la transmission aux représentants du personnel des « mesures qu’il envisage de mettre en œuvre pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre et pour faciliter le reclassement » et qui sont constitutives du PSE.
Lors de contrôles en fin d’année 2013, des Inspecteurs URSSAF se sont prononcés sur le respect de ces dispositions. Ainsi, en cas de PDV, ils ont vérifié si le plan relevait non pas des dispositions sur le PSE mais de celles sur la GPEC, ou encore si le PSE comportait ou non un plan de reclassement afin de pouvoir soutenir que le plan et les ruptures sont nuls si certains départs ont été contraints.
Des redressements ont pu être évités dès lors que la procédure PSE avait été suivie et que la DIRECCTE n’avait pas formulé d’observation, ou encore en soutenant que l’insuffisance d’un PSE n’implique pas de droit sa nullité, en l’absence de décision de justice.
La situation a évolué avec la loi du 14 juin 2013
Depuis l’intervention de la loi de sécurisation de l’emploi, le rôle des DIRECCTE vis-à-vis de la légalité du PSE a été renforcé.
Cette réforme ainsi que les questions posées sur les pouvoirs des URSSAF rendaient nécessaire une mise au point sur l’articulation des contrôles URSSAF avec ceux opérés par les DIRECCTE.
Tel est l’objet de l’instruction DSS/DGEFP du 26 mars 2014 qui est annoncée comme devant garantir la cohérence des positions des DIRECCTE et des URSSAF.
A cette fin, est instaurée une plus grande communication entre ces autorités.
On peut désormais s’attendre à des contrôles ciblés de la part des URSSAF
Les DIRECCTE peuvent solliciter les URSSAF en amont des décisions de validation ou d’homologation pour connaître le traitement social des indemnités afin de les aider à apprécier l’équilibre financier du plan.
Par ailleurs, les DIRECCTE doivent informer les URSSAF de toutes les décisions de validation ou d’homologation, explicites ou implicites, positives ou non, et les services de l’Etat doivent transmettre aux URSSAF les décisions des juridictions administratives, devenues définitives, pouvant entraîner la remise en cause du traitement social.
On peut donc prévoir que des contrôles ciblés seront mis en œuvre par les URSSAF suite à ces transmissions.
L’instruction précise par ailleurs les pouvoirs des URSSAF en cas d’irrégularités liées au PSE.
Procédures antérieures au 1er juillet 2013 : une sécurité juridique toute relative
Pour ces procédures qui n’entrent pas dans le champ de la réforme du 14 juin 2013, l’URSSAF ne peut pas invoquer de sa propre initiative et indépendamment de toute décision juridictionnelle une irrégularité du PSE liée par exemple à l’absence de plan de reclassement interne. En revanche, un redressement peut être notifié si une décision juridictionnelle a été rendue. Cette disposition limite les pouvoirs de l’URSSAF, ce qui est sécurisant, mais qu’en est-il si une telle décision a été rendue vis-à-vis d’un seul salarié ? L’URSSAF notifiera-t-elle le redressement pour tous les salariés ayant bénéficié du plan ?
Par ailleurs, l’instruction réserve d’autres cas d’irrégularités, dans lesquels les URSSAF pourraient notifier un redressement indépendamment de toute décision juridictionnelle : en cas de méconnaissance manifeste de la procédure, de doute sur l’existence d’un PSE, de notification de ruptures intervenues en dehors du champ du PSE et de méconnaissance des règles fixées par le PSE. Les URSSAF sont alors invitées à se rapprocher des DIRECCTE avant la notification du redressement en vue d’un échange technique sur la nature et le cadre de la restructuration. Mais ses pouvoirs ne sont pas expressément limités.
Procédures postérieures : une contestation possible en dépit du contrôle des DIRECCTE
Concernant ces procédures qui sont dans le champ de la réforme, les URSSAF peuvent remettre en cause les exonérations en l’absence de processus de validation ou d’homologation et en cas de décision administrative ou juridictionnelle défavorable. Mais au-delà même de ces cas, l’instruction admet que l’URSSAF puisse, après avoir pris l’attache de la DIRECCTE, remettre en cause les exonérations du fait d’autres irrégularités, indépendamment de toute décision de justice, en dépit de la validation ou de l’homologation du PSE, et plus précisément en cas de :
- ruptures intervenues en dehors du champ du PSE ou en méconnaissance des règles fixées par le PSE,
- décision implicite de validation ou d’homologation, l’URSSAF pouvant dans ce cas contester la validité même du plan !
L’instruction réserve enfin le cas de la fraude dans le cadre de l’élaboration ou du dépôt du PSE, mais le redressement de l’URSSAF ne peut alors être notifié qu’en cas d’aval explicite de la DIRECCTE.
Dans les prochains mois, nous pourrons apprécier l’impact effectif de cette instruction sur les contrôles et les redressements des URSSAF. Mais d’ores et déjà la prudence est de mise sur le respect des dispositions relatives au PSE.
A propos des auteurs
Delphine Pannetier, avocat en droit du travail et droit de la sécurité sociale. Elle possède une expérience en matière de contentieux du redressement des cotisations sociales au bénéfice de la CNAV, une bonne connaissance de l’environnement des organismes publics et parapublics et la gestion de nombreux dossiers individuels de personnel disposant d’un statut réglementaire dérogatoire au droit commun.
Chloé Sannier, avocat, département social
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