Quand la pétanque révèle un nouvel abus de position dominante : l’imposition des prix de revente !
L’Autorité de la concurrence a condamné la société Obut, leader français du marché de la fabrication de boules de pétanque de compétition, à une amende de 320 000 euros pour abus de position dominante (décision 17-D-02 du 10 février 2017).
Cette décision appelle deux remarques de notre part.
En premier lieu, il convient de relever que cette décision est une transaction fondée sur l’article L.464-2 III du Code de commerce tel que modifié par la loi dite « Macron » du 6 août 2015. Pour rappel, cet article avait été modifié afin de corriger le manque de prévisibilité de la procédure de non-contestation des griefs concernant le montant de l’amende encourue par l’entreprise mise en cause. Ainsi, alors que le texte prévoyait autrefois que « le montant maximum de la sanction sera réduit de moitié », il indique désormais la possibilité pour le rapporteur général de soumettre à l’entreprise « une proposition de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal de la sanction pécuniaire ». Ainsi, avant qu’elle accepte ou non une proposition de transaction, une fourchette de sanction est présentée à l’entreprise mise en cause.
Il semble qu’ainsi modifiée cette procédure soit satisfaisante. En effet, depuis la première décision rendue sur ce fondement le 26 janvier 2017 (décision n°17-D-01), les trois décisions de sanction de pratiques anticoncurrentielles ont toutes été rendues à l’issue d’une procédure de transaction.
Par ailleurs, on peut relever que conformément à l’article L.464-2, III qui impose à l’entreprise concernée de « s’engager à modifier son comportement », Obut s’est engagée, de manière classique, à mettre en place un programme de conformité au droit de la concurrence d’une durée de cinq ans.
En second lieu, cette décision présente surtout l’intérêt de sanctionner une pratique de prix imposés sur le fondement des abus de position dominante (article L.420-2 du Code de commerce et 102 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne). En effet, classiquement, la pratique consistant à déterminer le prix de revente de son acheteur est sanctionnée sur le fondement de l’interdiction des ententes anticoncurrentielles (article L.420-1 du Code de commerce et 101§1 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) conformément au règlement 330/2010 du 20 avril 2010 qui compte parmi les restrictions faisant perdre le bénéfice de l’exemption le fait de « restreindre la capacité de l’acheteur de déterminer son prix de vente, sans préjudice de la possibilité pour le fournisseur d’imposer un prix de vente maximal ou de recommander un prix de vente, à condition que ces derniers n’équivaillent pas à un prix de vente fixe ou minimal sous l’effet de pressions exercées ou d’incitations par l’une des parties » (article 4 du règlement).
Ici, l’Autorité de la concurrence a choisi de sanctionner cette pratique sur le fondement de l’interdiction des abus de position dominante. Cela est d’autant plus surprenant que l’Autorité relève les trois éléments permettant de démontrer un accord de volontés dans le cadre d’une entente sur les prix soit :
- l’évocation entre fournisseurs et distributeurs des prix de revente au public ;
- la mise en place d’une police ou au moins d’une surveillance des prix ; et enfin
- le constat que les prix ont été effectivement appliqués (voir par exemple la décision 17-D-01 du 26 janvier 2017).
Autrement dit, l’Autorité relève les éléments de preuve nécessaires à la qualification d’une entente pour finalement condamner un abus de position dominante.
Si cette qualification est surprenante, elle permet au moins d’exclure d’emblée la responsabilité des distributeurs qui, sur le fondement de l’interdiction des ententes, risquaient théoriquement une sanction.
Auteur
Marine Bonnier, avocat, droit de la concurrence et droit de la distribution.