Quel avenir pour la marque tridimensionnelle après l’arrêt de la CJUE du 18 septembre 2014 ?
La difficulté d’obtenir l’enregistrement d’une marque tridimensionnelle se confirme avec une décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) rendue le 18 septembre 2014 dans le cadre d’un litige relatif à la protection de la chaise pour enfants « Tripp Trapp » déposée à titre de marque par la société Stokke.
Saisie de questions préjudicielles relatives à l’interprétation de l’article 3.1 e) de la directive 89/104 du 21 décembre 1988, qui dispose que « sont refusés à l’enregistrement ou susceptibles d’être déclarés nuls s’ils ont été enregistrés les signes constitués exclusivement : (i) par la forme imposée par la nature même du produit (…), (iii) par la forme qui donne une valeur substantielle au produit« , la Cour souligne tout d’abord que l’exclusion par cette disposition de l’enregistrement de certains signes a pour objectif d’éviter que des formes de produit, susceptibles d’être protégées par d’autres droits privatifs soumis à des délais de péremption, puissent être protégées sans limitation de durée par la voie d’un enregistrement abusif de marque.
Elle précise en outre que les motifs de refus prévus par cet article fonctionnent de manière autonome et qu’ils ne peuvent pas s’appliquer de manière combinée.
Concernant le motif tiré de la forme imposée par la nature même du produit, la Cour indique qu’il « peut s’appliquer à un signe exclusivement constitué par la forme d’un produit présentant une ou plusieurs caractéristiques d’utilisation essentielles et inhérentes à la fonction ou aux fonctions génériques de ce produit, que le consommateur peut éventuellement rechercher dans les produits des concurrents« . Toutefois, ce motif devient inopérant si la forme du produit en cause incorpore un élément ornemental ou fantaisiste jouant un rôle important. Le motif lié à la valeur substantielle pourrait alors s’appliquer.
Concernant la forme qui donne la valeur substantielle au produit, la Cour précise que cette notion ne saurait être limitée à la forme esthétique d’un produit. Elle doit également prendre en considération d’autres caractéristiques telles que la nature des produits, leur valeur artistique ou encore la stratégie commerciale employée. La Cour indique que la perception, par le consommateur moyen de la forme du produit, « ne constitue qu’un seul des éléments d’appréciation » du motif de refus (CJUE, 18 septembre 2014, C-205/13, Hauck GmbH & Co. c / Stokke Nederland BV). Ce faisant, la Cour retient une conception extensive de ce motif de refus qui n’avait jusqu’alors été interprété qu’à l’aune de la seule valeur esthétique de la forme du produit.
Le champ de protection des marques tridimensionnelles devient dès lors très restreint, voire théorique.
Auteur
Alexandra Le Corroncq, avocat en droit de la propriété intellectuelle et droit commercial