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Quels risques en matière d’aides d’Etat pour les établissements publics et leurs co-contractants ?

Dans un arrêt du 3 avril 2014, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a définitivement confirmé l’analyse de la Commission européenne selon laquelle le statut des établissements publics comporte en lui-même une garantie implicite et illimitée de l’Etat à leur profit et qu’une telle garantie constitue, pour ceux d’entre eux qui sont engagés dans des activités économiques, une aide d’Etat1. Si l’existence d’une telle aide fait peser un certain nombre de risques sur ces opérateurs, il convient également de s’interroger sur ses incidences pour leurs co-contractants.

• La CJUE valide la qualification d’aide d’Etat tout en précisant que l’avantage en résultant n’est qu’une présomption simple

La position de la Commission européenne n’est pas nouvelle puisqu’elle avait déjà officiellement mis en cause l’existence d’une telle garantie à l’encontre d’EDF en 2002 ou de l’Institut Français du Pétrole (IFP). Elle avait également procédé à la même analyse à l’égard de La Poste dans une décision du 26 janvier 2010 qui avait été contestée par la France. La Cour de justice vient donc de confirmer que le statut des établissements publics leur confère une garantie illimitée et gratuite de l’Etat qui leur procure un avantage assimilable à une aide d’Etat, dont l’un des effets est de leur permettre d’obtenir de meilleures conditions de financement sur le marché.

La Commission et les juridictions européennes ont depuis longtemps considéré que les garanties publiques couvrant la totalité d’une opération sous-jacente étaient présumées être une aide d’Etat. L’arrêt de la Cour ne fait qu’étendre cette qualification aux garanties publiques inhérentes au statut d’un opérateur qui sans être formalisées par un engagement explicite de l’Etat ont un effet réel sur l’appréciation du risque de contrepartie mené par les co-contractants.

La Cour précise toutefois que l’existence de l’aide n’est qu’une présomption simple qui pourrait donc, au cas par cas, être combattue en rapportant la preuve que l’établissement n’a pas bénéficié de conditions de financement plus favorables qu’un autre opérateur économique. Même si une telle démonstration peut s’avérer difficile, la Commission l’a déjà admise concernant notamment l’IFP.

• Quelles conséquences pour les établissements publics et leurs co-contractants ?

Cette décision fait peser un risque sur les établissements publics engagés dans des activités économiques puisque toute aide qui n’a pas été notifiée à la Commission avant sa mise en œuvre est illégale et que cette illégalité peut être invoquée directement devant le juge national. Plus généralement, se trouvant maintenant confortée dans sa position, la Commission pourrait, de sa propre initiative ou sur plainte, ouvrir de nouvelles procédures à l’encontre de grands établissements publics français.

Dans ce cas, outre l’obligation de récupérer auprès des bénéficiaires concernés l’avantage obtenu qui pourrait être délicat à chiffrer, les autorités françaises seront surtout tenues de mettre un terme à cette garantie.

La solution adoptée pour La Poste et EDF, à savoir leur transformation en société anonyme, n’est pas forcément transposable à tous les établissements publics. Pour ce qui concerne l’IFP, la France s’était engagée auprès de la Commission européenne à insérer dans toutes les conventions financières conclues par cet établissement et ses filiales une clause prévoyant que « l’émission / le programme / l’emprunt ne bénéficie d’aucune garantie d’aucune sorte, directe ou indirecte, de la part de l’Etat. En cas d’insolvabilité l’Etat ne serait pas tenu de se substituer financièrement à l’IFP pour le paiement de la créance », ainsi qu’un suivi annuel des conditions contractuelles des emprunts souscrits par l’établissement attestant qu’ils ne comportent aucune bonification d’intérêts.

S’agissant des co-contractants, ils ne paraissent pas directement menacés. Si la Commission européenne envisage, dans sa communication sur les garanties, la possibilité d’une nullité des contrats de garantie constitutifs d’aide d’Etat, l’on voit mal comment les engagements contractuels souscrits par l’établissement public avec des établissements financiers pourraient être annulés sur le fondement du droit des aides d’Etat. En effet, au cas particulier, l’aide ne résulte pas d’une convention formalisée mais d’un mécanisme implicite tiré de la combinaison de plusieurs principes du droit public français. Toutefois, les intérêts des co-contractants pourraient être indirectement affectés par l’insertion dans les contrats en cours de clauses telles que celles de l’IFP. De même, l’on ne peut exclure qu’à l’avenir l’Etat refuse de se substituer à un établissement défaillant en arguant de ce qu’il s’agirait de la mise en œuvre d’une aide d’Etat illégale.

 

Notes

1. CJUE, 3 avril 2014, France c/ Commission, C-559/12 P

 

A propos de l’auteur

Claire Vannini, avocat en matière de droit de la concurrence national et européen. Elle se consacre au droit de la concurrence, au droit européen et à la régulation des industries de réseau (transports, énergie, communications électroniques).

 

Analyse juridique parue dans la revue Option Finance le 14 avril 2014