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Rachats d’actions en période d’offre publique : vigilance accrue

La réforme des offres publiques de 2014, opérée par la loi Florange du 29 mars 2014 et complétée par les dispositions du règlement général de l’AMF, a promu un renversement de paradigme dans l’attitude de la société cible d’une offre publique.

La neutralité de principe imposée aux organes de direction de la cible en période d’offre a laissé place à une neutralité optionnelle par voie statutaire ; la liberté des moyens de défense par l’organe de direction devenant désormais le principe (article L. 233-32, I du Code de commerce).

Cette liberté dévolue au conseil d’administration de la cible dans l’adoption de décisions dont la mise en œuvre est susceptible de faire échouer l’offre ne se heurte plus qu’à des limites cohérentes et assez attendues du droit des sociétés : les pouvoirs expressément attribués aux assemblées générales, d’une part, et bien entendu, était-ce besoin de le préciser, l’intérêt social de la cible, d’autre part.

En conséquence, l’interdiction qui pesait sur les sociétés d’intervenir sur leurs propres titres en période d’offre a été rapportée car contraire au principe législatif de liberté de défense. Cette interdiction ne subsiste plus expressément que lorsque la neutralité des organes de direction a été statutairement décidée.

De ce principe de liberté d’intervention et de défense en période d’offre s’évince logiquement la libre1 mise en œuvre des programmes de rachat d’actions propres par la société cible. Rappelons que ces rachats d’actions sont fortement encadrés par le droit des sociétés et par la réglementation boursière, conjuguant autorisation préalable précise des actionnaires et, au stade de l’exécution, préservation de l’intégrité du marché et qualité de l’information des actionnaires et du marché. La jurisprudence et le climat actionnarial de la cible peuvent également être source de contraintes. Pour autant, la réalisation de ces autorisations de rachats même plafonnées est, dans certaines occurrences, susceptible de mettre en échec une offre d’acquisition hostile.

En toute logique, il avait été proposé lors de la consultation publique2 de l’AMF que le même raisonnement prévale en matière de rachats d’actions propres par la cible. Les sociétés ne prévoyant pas statutairement la neutralité des organes de direction (ou l’ayant prévue mais écartée du fait de l’application de l’exception de réciprocité) ne devaient alors plus se voir interdites d’intervenir sur leurs titres par l’exécution de leur programme de rachat.

Or les dispositions nouvelles du Règlement général de l’AMF, plus particulièrement l’article 231-40, II sont demeurées étonnement inchangées sur ce point. Elles laissent ainsi subsister une obligation d’approbation par l’assemblée générale réunie en période d’offre de toute décision de mise œuvre d’un programme de rachat d’actions susceptible de faire échouer une offre publique de prise de contrôle intégralement réglée en numéraire.

Ce faisant, le Règlement général maintient un dispositif qui se révèle dérogatoire et restreint grandement le principe de liberté affiché par le législateur. Il nous apparaît en contrariété avec le texte de la loi.

En obligeant à soumettre aux actionnaires pour approbation la décision d’utiliser le programme de rachat d’actions comme une défense anti-OPA, ces dispositions réglementaires conduisent à réintroduire une passivité de l’organe de direction, là où la loi a précisément entendu libérer le conseil d’administration de toute entrave et lui octroyer toute la réactivité qui servira l’intérêt social.

Outre son caractère contra legem, cette restriction n’est pas cohérente avec les possibilités de défense par ailleurs offertes au conseil d’administration, parmi lesquelles figurent la décision d’utiliser une délégation en vue de réaliser une augmentation de capital réservée à un chevalier blanc ou encore le cantonnement d’un actif stratégique dans un trust ou une fondation pendant un temps déterminé, voire la cession d’autocontrôle à un tiers (qui n’est pas l’offrant).

Au résultat, en l’état actuel des textes, il nous apparaît que les services opérationnels de l’AMF seraient néanmoins conduits à faire prévaloir le principe législatif de liberté de défense sur cette disposition malheureuse de son règlement général. Gageons qu’un amendement rapide du Règlement général sur ce point saura rétablir la parfaite conformité de ce dernier à la loi.

Notes
Hors le cas des offres publiques d’échange.
Consultation publique sur les modifications du livre II du règlement général concernant les offres publiques d’acquisition, 13 mai 2014, p.27, site Internet AMF.

 

Auteur

Bruno Zabala, avocat au sein du département de la doctrine juridique.

 

Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 6 octobre 2014