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Réception tacite : la volonté de recevoir l’ouvrage ne saurait être équivoque

Cass. 3e civ., 12 février 2014 n° 13-10.930 et Cass. 3e civ., 26 mars 2014, n°13-13.437

Dans une première espèce, un artisan, maître de l’ouvrage, avait pris possession de l’ouvrage car il en avait besoin pour exploiter son fonds de commerce. Cette prise de possession, qui s’était accompagnée de contestations de sa part et de son refus de payer l’intégralité des travaux, a été considérée comme non-significative, et sa volonté de recevoir les travaux analysée comme équivoque (1er arrêt).

Dans une deuxième affaire, un maître d’ouvrage avait confié à une entreprise la réalisation de travaux de terrassement et de gros œuvre. L’entreprise l’avait ensuite assigné après expertise en paiement du solde du marché. Pour fixer la date de réception tacite des travaux et condamner le maître d’ouvrage au paiement du solde dû, la Cour d’appel avait retenu que celui-ci avait pris possession de l’immeuble à une date précise, l’occupait depuis et en avait interdit l’accès à l’entrepreneur qui voulait procéder à ses métrés, et avait donc ainsi manifesté sans équivoque sa volonté d’accepter les travaux, la date de prise de possession se confondant alors avec la date de la réception tacite. Cet arrêt est cassé : les motifs précités ne suffisaient pas à établir la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage de recevoir l’ouvrage (2nd arrêt).

La possibilité d’une réception tacite des ouvrages, fruit de l’exécution d’un marché privé, est admise de longue date, à moins que les parties ne l’aient expressément écartée en convenant qu’elle donnerait lieu à un procès-verbal.

Comme le rappellent opportunément les deux arrêts analysés :

  • la réception tacite suppose que soient clairement établies des circonstances de fait caractérisant la volonté non équivoque du maître de l’ouvrage d’accepter les travaux1 ;
  • la seule prise de possession des lieux est insuffisante.

Rappelons que le paiement du prix ne peut à lui seul caractériser la volonté de réceptionner2 et que le refus de signer le procès-verbal présenté par l’entreprise s’oppose manifestement à la reconnaissance d’une réception tacite.

Les exigences précitées ont ainsi conduit à ce que la réception tacite soit refusée pour absence de caractérisation de volonté non équivoque d’y procéder en présence :

  • d’un désaccord immédiat sur la qualité des travaux et le paiement de leur prix en dépit d’une prise de possession des lieux3 ;
  • d’une demande d’expertise formulée quatre jours après la prise de possession des lieux4
  • d’interventions de l’entreprise durant les deux ans ayant suivi la prise de possession5.

Ces deux arrêts confortent des solutions établies6, mais les errements commis par les juges du fond (avec dans les deux cas les délais et coûts qui en ont résulté) montrent qu’il n’est pas inutile de s’attarder sur les exigences, raisonnables, qui entourent l’admission d’une réception tacite.

Lire également : Réception tacite : critères jurisprudentiels et possibilités d’aménagements contractuels

Notes

1. Cass. 3e civ., 4 octobre 1989 : Bull. civ. III n° 176; Cass. 3e civ., 18 juin 1997, n°95-20.704 ; Cass. 3e civ., 16 janvier 2007 n°05-19.274.
2. Cass. 3e civ., 30 septembre 1998 n°96-17.014 ; Cass. 3e civ., 16 février 2005, n°03-16.880 ; Cass. 3e civ., 13 janvier 2009 n°08-11.015.
3. Cass. 3e civ., 24 mars 2009 n°08-12.663.
4. Cass. 3e civ., 22 septembre 2004, n°03-12.639.
5. Cass. 3e civ., 13 janvier 2009 n°08-11.015.
6. Ce qui explique qu’ils ne soient pas publiés au Bulletin.

 

Auteur

Jean-Luc Tixier, avocat associé en droit immobilier, baux & construction, droit public.

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