Redressement d’une perte pour créance irrécouvrable : pas de double imposition, pas de compensation
Par une décision du 18 octobre 2022 (n° 461039), le Conseil d’Etat a jugé qu’une société qui procède à la reprise d’une provision pour constater une perte mais qui doit réintégrer cette perte consécutivement à une rectification, ne peut invoquer une double imposition pour demander une compensation.
Une société avait comptabilisé et déduit en N une provision pour dépréciation d’une créance douteuse puis en N+1, estimant la créance irrécouvrable, avait repris cette provision et constaté la perte. Selon l’administration fiscale, cette créance ne pouvait être regardée comme irrécouvrable de sorte qu’elle a réintégré la perte.
Considérant que cette rectification faisait apparaître une double imposition : la reprise de la provision (première imposition) et la réintégration de la perte (seconde imposition), la société a sollicité l’application du mécanisme de la compensation visée aux articles L. 203 et L. 205 du LPF, reconstituant ainsi la situation « comme si » la provision avait été maintenue dans les comptes.
Après avoir rappelé qu’une provision ne peut être déduite du résultat que si elle a été effectivement constatée dans les écritures comptables, le Conseil d’Etat en déduit le principe selon lequel le défaut de constitution d’une provision ne peut pas être corrigé par voie de réclamation ou, après l’expiration du délai de réclamation, par voie de compensation à l’occasion d’un rehaussement.
La Haute Juridiction en conclut que l’absence de déduction de la provision ne caractérise pas une surtaxe commise au détriment du contribuable ou une double imposition ouvrant droit à une demande de compensation lors du redressement de la perte sur créance irrécouvrable.
La portée de cette décision particulièrement sévère méritera d’être précisée. En attendant, elle invite les entreprises à faire preuve d’une grande vigilance lors des opérations de « nettoyage » de bilan se traduisant par un passage des créances en pertes.
Par Déotille Cambournac, avocate, CMS Francis Lefebvre
Article paru dans Option Finance le 21/11/22