Redressement sur l’accord ou le plan senior : les URSSAF sanctionnent l’absence de dépôt
3 septembre 2014
L’accord ou le plan d’action senior fait l’objet d’un dépôt auprès de la DIRECCTE. Les URSSAF considèrent cette condition comme déterminante au regard de l’application de la pénalité de 1% et notifient un redressement en l’absence de dépôt.
Le dépôt de l’accord ou du plan : une condition déterminante pour les URSSAF.
En application de la loi sur le financement de la sécurité sociale pour 2009 et jusqu’à l’entrée en vigueur des dispositions de la loi sur le contrat de génération intervenue le 1er mars 2013, toute entreprise et tout groupe d’entreprises de plus de 50 salariés se devaient d’être couverts par un accord collectif ou, à défaut, par un plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés.
N’en étaient dispensés que les entreprises et groupes d’entreprises de moins de 300 salariés couverts par un accord de branche étendu portant sur l’emploi des salariés âgés et ayant reçu l’avis favorable du ministre chargé de l’emploi.
Un accord ou un plan devait donc être établi et s’appliquer à compter du 1er janvier 2010 (ou ultérieurement, en fonction de l’effectif), pour une période de 3 ans.
Aux termes de l’ancien article L. 138-24 du Code de la sécurité sociale, les entreprises qui n’étaient pas couvertes par un accord collectif ou un plan d’action sur cette période sont redevables d’une pénalité, qui est égale à 1% des rémunérations versées aux salariés.
Comme tout accord collectif, l’accord conclu sur l’emploi des seniors était soumis à la formalité du dépôt auprès de l’autorité administrative en application de l’article L. 2231-6 du Code du travail.
Il en est de même du plan d’action, pour lequel ce dépôt était évoqué à l’article L. 138-26 du Code de la sécurité sociale : «Les entreprises (…) ne sont pas soumises à la pénalité lorsque, en l’absence d’accord d’entreprise ou de groupe, elles ont élaboré, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, un plan d’action établi au niveau de l’entreprise ou du groupe relatif à l’emploi des salariés âgés dont le contenu respecte les conditions fixées à l’article L. 138-25. La durée maximale de ce plan d’action est de trois ans. Il fait l’objet d’un dépôt auprès de l’autorité administrative dans les conditions définies à l’article L. 2231-6 du Code du travail».
Sur le fondement de ces dispositions, et alors même que les textes ne présentent pas expressément le dépôt de l’accord ou du plan comme une condition de validité de la couverture, les URSSAF considèrent que le défaut de dépôt à la DIRECCTE s’assimile à un défaut de couverture et entraîne l’application de la pénalité de 1%. Des entreprises ayant omis cette formalité se sont ainsi vues redressées sur ce chef avec en jeu des sommes conséquentes.
Un chef de redressement contestable au regard des textes
Pour tenter de contrer cette interprétation de l’URSSAF, les entreprises ne sont pas dénuées d’arguments.
Tout d’abord, il convient de relever que l’article L. 138-24 du Code de la sécurité sociale dispose que les entreprises «sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur lorsqu’elles ne sont pas couvertes par un accord ou un plan d’action relatif à l’emploi des salariés âgés». Il n’est aucunement fait référence dans ces dispositions au dépôt de l’accord ou du plan.
D’ailleurs, dans le cas d’un accord collectif non déposé, la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de juger que l’absence de dépôt n’empêche pas l’application de l’accord (Cass. soc. 18 octobre 2006, n°04-40493).
Certes, le dépôt du plan d’action est évoqué à l’article L. 138-26 précité. Toutefois, ce dépôt n’est pas en soi présenté comme une condition de validité de la couverture et donc d’exclusion de la pénalité. La disposition sur la pénalité ne se réfère en effet qu’aux trois mentions obligatoires de l’accord ou du plan énoncées à l’article L. 138-25 :
- un objectif chiffré de maintien dans l’emploi ou de recrutement des salariés âgés ;
- des dispositions favorables au maintien dans l’emploi et au recrutement des salariés âgés portant sur au moins trois domaines d’action, auxquelles sont associés des indicateurs chiffrés ;
- des modalités de suivi de la mise en œuvre de ces dispositions et de la réalisation de cet objectif.
La rédaction de ces articles permet donc de soutenir que dès lors qu’un accord ou un plan d’action est établi et qu’il comporte les clauses obligatoires, l’entreprise est considérée comme «couverte par un accord ou un plan» et n’est pas redevable de la pénalité de 1%.
De même, dans les dispositions réglementaires, l’article R. 138-29 du Code de la sécurité sociale dispose que la pénalité «est due pour chaque mois entier au cours duquel l’entreprise n’est pas couverte par l’accord ou le plan d’action», sans faire référence au dépôt.
Ensuite, il peut être relevé que lorsque le législateur soumet le bénéfice d’une exonération sociale au dépôt d’un accord ou d’une décision unilatérale, il le prévoit expressément. Tel est le cas par exemple de la participation pour lequel l’article L. 3323-4 du Code du travail dispose que le «dépôt conditionne l’ouverture du droit aux exonérations». Tel est également le cas de l’intéressement (article L. 3315-5 du Code du travail) et du règlement de plan d’épargne d’entreprise (article L. 3332-27 du Code du travail).
Ainsi, il peut être soutenu, à l’appui des textes, que l’absence de dépôt ne devrait pas être sanctionnée par l’application de la pénalité.
Une sanction disproportionnée au regard de l’objet du dépôt
Certaines URSSAF font valoir que le dépôt de l’accord ou du plan permet de le dater. A cela, il peut être rétorqué que d’autres éléments permettent de donner date. Citons à titre d’exemples : les réunions de négociation avec les organisations syndicales, la réunion de consultation du comité d’entreprise sur le projet, les attestations des signataires, la communication au personnel des mesures, la preuve de l’application concrète des mesures…
Ajoutons encore que si l’absence de dépôt devait entraîner l’application de la pénalité, cela serait sanctionner bien durement les entreprises au seul motif du non-respect d’une simple formalité administrative, ce qui apparaît disproportionné.
Relevons à cet égard que dans le cadre des nouvelles dispositions sur le contrat de génération, la situation est tout autre puisque l’accord collectif ou le plan d’action, ainsi que le diagnostic annexé, font l’objet d’un contrôle de conformité par l’autorité administrative et que la pénalité ne s’applique qu’en l’absence de régularisation par l’entreprise suite à la mise en demeure de l’Administration (article L. 5121-14 du Code du travail).
Auteurs
Delphine Pannetier, avocat en droit du travail et droit de la sécurité sociale.
Chloé Sannier-Talbotier, avocat en droit social
A lire également
Modalités d’application des nouvelles dispositions relatives à la négoc... 8 juillet 2021 | Pascaline Neymond
Contrôle URSSAF : belle victoire pour les droits des cotisants !... 27 janvier 2022 | Pascaline Neymond
Justification du recours au travail de nuit dans le secteur du commerce : préso... 1 décembre 2018 | Pascaline Neymond
Statut collectif | Mise en cause de l’accord : l’avantage acquis ne peut êt... 5 août 2013 | CMS FL
Les nouveautés en matière de congés instaurées par la loi Travail... 6 septembre 2016 | CMS FL
Comment sécuriser ses forfaits jours ?... 12 novembre 2013 | CMS FL
Détachement de salariés : la validité des certificats A1 mise à l’épreuve... 7 juin 2018 | CMS FL
Retrait des outils professionnels du salarié dispensé de préavis : possible m... 28 mars 2017 | CMS FL
Articles récents
- Rapport de durabilité : la nouvelle obligation de consultation du CSE entre en vigueur le 1er janvier 2025
- Statut de lanceur d’alerte : le Défenseur des droits et la jurisprudence précisent ses contours
- Enquêtes internes : des règles en constante évolution
- Pas de co-emploi sans immixtion dans la gestion économique et sociale de la société : illustration en présence d’une société d’exploitation
- Fixation du plafond de la sécurité sociale pour 2025
- Un salarié licencié pour harcèlement sexuel ne peut se prévaloir du phénomène «#Metoo»
- Régimes de retraite des dirigeants : prestations définies versus actions gratuites
- SMIC : Relèvement du salaire minimum de croissance au 1er novembre 2024
- Inaptitude et reclassement : c’est au salarié qu’il appartient de rapporter la preuve d’une déloyauté de l’employeur
- Conférence – Gestion des fins de carrière : que font les entreprises et quelles solutions à dispositions ?