Refonte du Code de la consommation : en vigueur le 1er juillet 2016
La loi Hamon du 17 mars 2014 a habilité le Gouvernement à procéder, par voie d’ordonnance, à une recodification de la partie législative du Code de la consommation. C’est chose faite avec l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 qui entrera en vigueur le 1er juillet 2016.
Il s’agit, pour l’essentiel, d’une recodification à droit constant dont l’objectif est de créer une meilleure visibilité et lisibilité des textes pour en faciliter l’accessibilité. Cela implique : une révision du plan assortie d’une renumérotation des dispositions ; une adaptation aux évolutions législatives intervenues depuis la codification de 1993 (en lien notamment avec la transposition des directives dont la dernière en matière de médiation des litiges de la consommation) ; une codification des dispositions consuméristes situées dans d’autres textes.
Cette adaptation à droit constant s’effectue toutefois « sous la réserve de modifications rendues nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des textes ainsi rassemblés, harmoniser l’état du droit, remédier aux éventuelles erreurs ou insuffisances de codification et abroger les dispositions, codifiées ou non, devenues sans objet ». Par ailleurs, comme l’y autorisait la loi d’habilitation, l’ordonnance procède à un regroupement et à une unification des dispositions relatives aux pouvoirs des agents de contrôle pour créer un régime uniforme de pouvoirs propres au Code de la consommation, indépendant du Code de commerce.
Concernant le nouveau plan du code
Celui-ci est réaménagé en 8 livres (au lieu de 5) pour mieux suivre la chronologie des étapes de l’acte d’achat :
- le livre premier (relatif actuellement à l’information précontractuelle et à la formation du contrat) regroupera les dispositions concernant l’information précontractuelle du consommateur et les pratiques commerciales. La phase de l’offre précontractuelle sera donc séparée des dispositions relatives à la conclusion du contrat ;
- le livre II comportera l’ensemble des dispositions intéressant la formation et l’exécution des contrats. A ce titre, il englobera les règles consacrées à la garantie légale de conformité, comme celles traitant de la garantie commerciale et du service après-vente.
Rappelons que, depuis le 18 mars 2016, la garantie légale de conformité, dont le contenu et les modalités de mise en œuvre doivent figurer dans les conditions de vente, est passée de six mois à deux ans pour tous les produits neufs par application de l’article 15 II de la loi Hamon (art. L. 133-3 et art. L. 211-7 du Code de la consommation) : les défauts de conformité apparaissant dans les 24 mois de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.
Notons par ailleurs que, dans un souci de clarification, les dispositions du Code de la consommation indiqueront les dispositions protectrices du consommateur qui figurent dans d’autres codes sans les reproduire, en fonction des secteurs d’activités dans lesquels le contrat intervient (assurances, banques, voyages à forfait, etc.) :
- le livre III sera consacré au crédit
- le livre IV traitera de la conformité, de la sécurité et de la valorisation des produits et des services ;
- le livre V sera consacré aux pouvoirs d’enquête des agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et aux suites données aux contrôles ;
- le livre VI concernera le règlement des litiges, ce qui inclut la médiation des litiges de consommation et l’action de groupe ;
- le livre VII concernera le traitement des situations de surendettement ;
- le livre VIII regroupera les dispositions intéressant les associations agréées de défense des consommateurs et les institutions de la consommation.
Pour une meilleure lisibilité, l’ensemble des sanctions civiles, administratives et pénales actuellement dispersées dans le code seront regroupées à la fin de chaque livre dans un titre dédié.
Concernant les principales innovations
– Définition des notions de consommateur, de professionnel et de non-professionnel
Afin de clarifier le champ d’application du Code de la consommation, l’ordonnance complète la notion de consommateur, introduite dans un article liminaire du code par la loi Hamon du 17 mars 2014, par une référence à l’activité agricole : le consommateur s’entend de toute personne qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole.
La notion de professionnel est actuellement définie uniquement par les textes relatifs à la médiation des litiges de consommation. Il s’agit, par opposition au consommateur, de « toute personne physique ou toute personne morale, qu’elle soit publique ou privée, qui agit, y compris par l’intermédiaire d’une personne agissant en son nom ou pour son compte, aux fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».
Cette définition sera reprise dans l’article liminaire du code et complétée, elle aussi, par une référence à l’activité agricole.
De manière inédite, l’ordonnance vient définir le non-professionnel : il s’agit de « toute personne morale qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole ».
La définition ne visant que les personnes morales, il s’ensuit que les artisans, commerçants, agriculteurs ou encore les professionnels libéraux, ne pourront pas être considérés comme des non-professionnels. Est-ce à dire pour autant qu’ils pourront être considérés comme des consommateurs lorsqu’ils agiront à des fins n’entrant pas dans le cadre de leur activité professionnelle ?
Notons à propos de cette définition du non-professionnel que l’ordonnance n’a pas repris l’exigence posée encore récemment par la troisième chambre civile de la Cour de cassation selon laquelle le non-professionnel doit être d’une spécialité différente de celle du professionnel (V. Cass. 3e civ., 14 févr. 2016, n°14-29.347). Il en va de même de la référence au contrat ayant un rapport direct avec l’activité professionnelle (V. Cass. 1re civ., 24 janv. 1995, n°92-18.227), que la Cour de cassation apprécie de manière très restrictive (Cass . com. 16 février 2016 n°14-25.146). On peut toutefois penser que la Cour de cassation maintiendra cette même approche lorsqu’elle devra apprécier ce qui entre ou non « dans le cadre » de l’activité professionnelle.
– Contenu de l’obligation d’information précontractuelle
En plus de devoir informer le consommateur sur les caractéristiques du bien ou du service, son prix, sa date de livraison ou d’exécution, son identité et ses coordonnées, le professionnel devra informer le consommateur de ce qu’il peut recourir à un médiateur de la consommation en cas de litige. Cette disposition fait suite à l’ordonnance n°2015-1033 du 20 août 2015, complétée par les décrets n°2015-1382 du 30 octobre 2015 et n°2015-1607 du 7 décembre 2015, qui a mis en place un dispositif tendant à favoriser le recours des consommateurs à un mode de résolution amiable des litiges les opposant à des professionnels (voir Lettre des réseaux de distribution de décembre 2015).
– Ventes avec prime
Afin de parfaire la transposition de la directive du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales, l’ordonnance supprime les dispositions encadrant encore les ventes avec prime. Désormais, une vente avec prime ne peut être interdite que si elle présente un caractère déloyal, c’est-à -dire qu’elle « est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu’elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service » (art. 121-1 nouveau C. cons).
– Pouvoirs d’enquête des agents et suites données aux contrôles
Aujourd’hui, les pouvoirs d’enquête des agents de la DGCCRF et les suites données aux contrôles sont régis par deux corps de règles distincts :
- les infractions ou manquements au livre premier, sur l’information des consommateurs et la formation des contrats et, au livre troisième sur l’endettement, sont soumises à des règles renvoyant aux dispositions du Code de commerce relatives à la recherche des pratiques contraires au droit de la concurrence ;
- la recherche et la constatation des infractions en matière de conformité et sécurité des produits et services sont en revanche fixées par le Code de la consommation lui-même.
Le Code de la consommation refondu institue en la matière un régime à la fois unique mais aussi autonome par rapport à celui-ci du Code de commerce.
Les pouvoirs d’enquêtes ordinaires des agents seront étendus. A l’heure actuelle, ces derniers ne peuvent saisir des documents et demander l’ouverture d’un emballage que pour rechercher une infraction en matière de conformité et de sécurité des produits et services (art. L. 215-3 C. cons.). A l’avenir, ces pouvoirs pourront également être mis en œuvre pour la recherche d’une infraction ou d’un manquement en matière d’information des consommateurs, de pratiques commerciales, de contrats et de crédits (art. L. 512-8 et L. 512-9 nouveaux).
Pour ces mêmes infractions, les agents pourront aussi consulter tout document nécessaire à l’accomplissement de leur mission auprès des administrations publiques, des établissements et organismes placés sous le contrôle de l’Etat et des collectivités territoriales, ainsi que dans les entreprises ou services concédés par l’Etat, les régions, les départements, et les communes (art. L. 512-14 nouveau).
Pour les enquêtes lourdes (visites et perquisitions), les procédures seront simplifiées. Les visites et saisies continueront d’être réservées à la recherche de certaines infractions ou manquements comme les pratiques commerciales déloyales, les abus de faiblesse, les ventes à la boule de neige ou les tromperies. Mais ces opérations ne seront plus soumises au dispositif du Code de commerce pour la recherche de pratiques contraires au droit de la concurrence.
Elles relèveront des règles applicables à la recherche d’infractions en matière de conformité et de sécurité des produits et services (art. L. 215-18, L. 215-19, L. 512-51 et s. nouveaux), étant souligné que l’obligation d’informer le procureur de la République du projet d’enquête demeurera applicable uniquement en matière de conformité et de sécurité des produits et services (art. L. 512-65 nouveau).
Concernant les pouvoirs d’injonction, la possibilité pour les agents d’enjoindre au professionnel de se conformer à ses obligations, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite ou interdite, sera étendue aux infractions en matière de conformité et de sécurité des produits et services (art. L. 521-1 et L. 521-2 nouveaux).
Cette injonction pourra être publiée et le professionnel sera informé de la nature de la publicité envisagée (art. L. 521-2 nouveau).
Enfin, il est précisé que l’action en suppression d’une clause illicite, interdite ou abusive dans un contrat de consommation vise également les contrats en cours d’exécution (art. L. 524-1 nouveau). Le texte lève ainsi l’incertitude sur la portée, curative ou uniquement préventive, de la sanction en s’alignant sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne.
Auteurs
Nathalie Pétrignet, avocat associée en droit douanier, droit de la concurrence, droit européen, droit de la consommation et de la distribution, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris
Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat Counsel au sein du département de doctrine juridique, CMS Bureau Francis Lefebvre Paris