Réforme de l’épargne retraite : la future gloire de nos plans d’épargne retraite (PER)
31 octobre 2019
La loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 (« loi PACTE »), complétée par une ordonnance, deux décrets et un arrêté, a réformé l’épargne retraite vers laquelle le gouvernement et le législateur espèrent réorienter une partie de l’épargne des français, principalement constituée en assurance vie. A cet effet, plusieurs dispositions ont été prises pour rendre l’épargne retraite plus attractive.
Un plan d’épargne retraite (« PER »), trois déclinaisons
L’offre de produits est organisée entre :
-
- un produit individuel, appelé à succéder aux actuels plans d’épargne retraite populaire (PERP) et contrats « Madelin » , et
-
- deux produits collectifs :
– l’un facultatif bénéficiant à tous les salariés, ayant vocation à succéder aux actuels plans d’épargne retraite collectifs (PERCO), ci-après dénommé « PER collectif »,
– l’autre à adhésion obligatoire pouvant couvrir, le cas échéant, une catégorie circonscrite et objective de salariés, succédant aux actuels « article 83 », ci-après dénommé « PER obligatoire ».
Les nouveaux PER sont commercialisables depuis le 1er octobre 2019. Les anciennes formules ne pourront plus être commercialisées à compter du 1er octobre 2020, mais les contrats dits « article 83 » et les PERCO existant à cette date pourront toujours accueillir de nouveaux adhérents.
Une harmonisation des sources d’alimentation des PER
Les sommes versées dans un PER peuvent provenir des versements volontaires de l’épargnant, des versements obligatoires de l’employeur et de l’épargnant pour les PER obligatoires (pour le PER collectif uniquement par transfert), mais également des sommes issues de l’épargne salariale (intéressement, participation, y compris l’abondement de l’employeur, droits inscrits sur un compte épargne temps (CET) ou, en l’absence de CET, jours de congés non pris (1)).
Pour les PER obligatoires, le versement de sommes issues de l’abondement de l’employeur est toutefois exclu et le versement de sommes issues de l’intéressement et de la participation est conditionné au fait que l’entreprise ait mis en place un plan d’épargne retraite bénéficiant à tous les salariés.
L’élargissement des cas de déblocages anticipés à l’achat de la résidence principale
Il est désormais possible de débloquer l’épargne retraite pour financer l’achat de la résidence principale, à l’exception des sommes issues des versements obligatoires des épargnants et des employeurs. Cet élargissement vise notamment à rendre attrayant le dispositif pour les jeunes actifs. Par ailleurs, un nouveau cas de déblocage est créé pour le PER obligatoire (qui existait déjà pour le PERCO): l’invalidité (2) des enfants de l’épargnant, de son conjoint ou de son partenaire lié par un PACS.
L’assouplissement des conditions de sortie au jour de la retraite
Afin de répondre à une préoccupation forte des épargnants, la possibilité de sortie en capital a été étendue. Lors de la liquidation du plan, les sommes issues des versements volontaires et des versements issus de l’épargne salariale peuvent être perçues sous la forme d’un capital, libéré en une fois ou de manière fractionnée, ou d’une rente viagère. Un panachage est possible.
Les sommes issues de versements obligatoires des épargnants ou de leur employeur ne peuvent en revanche être perçus que sous la forme d’une rente viagère.
La simplification de la portabilité de l’épargne retraite
Tous les dispositifs d’épargne retraite sont désormais transférables entre eux (sous réserve que le salarié ne soit plus tenu d’adhérer au plan « source ») et les frais de transfert sont plafonnés au maximum à 1 % des droits acquis. Ils sont nuls à l’issue d’une période de 5 ans à compter du premier versement dans le plan ou lorsque le transfert intervient à compter de l’âge légal de la retraite.
Toutefois, avant le départ du titulaire de l’entreprise, le transfert des droits individuels d’un PER collectif vers un autre PER est limité à un transfert tous les 3 ans. Les droits déjà acquis dans le cadre d’un contrat dit « article 83 » sont transférables sur un PER quand le salarié n’est plus tenu d’adhérer au dit contrat.
Un traitement fiscal et social favorable mais quelques incertitudes
Dans la limite de certains plafonds (inchangés par rapport aux plafonds existant antérieurement), les versements volontaires et les versements obligatoires (art. 83) sont déductibles de l’assiette de l’impôt sur le revenu, tandis que les versements issus de l’épargne salariales sont exonérés. A noter que les épargnants peuvent renoncer à la déduction des versements volontaires.
Le régime fiscal et social applicable aux prestations servies varie en fonction de l’origine des versements, de leur éventuelle exonération fiscale, de leur déduction du revenu imposable et du choix opéré par le titulaire pour une sortie en rente ou en capital.
Ainsi, à concurrence des montants des versements, le capital versé à la sortie peut être soumis à l’impôt au barème progressif ou exonéré d’impôt sur le revenu, selon que les versements ont été initialement déduits ou non. Quant à la part du capital correspondant aux produits capitalisés, elle est selon les cas soumise à la flat tax au taux de 30 % ou exclusivement assujettie aux prélèvements sociaux au taux de 17,2 %.
Les rentes versées relèvent du régime des pensions de retraite ou du régime des rentes viagères à titre onéreux selon l’origine du versement, et sont susceptibles d’être soumises aux prélèvements sociaux sur une assiette différente de celle de l’impôt sur le revenu.
Les sommes versées à raison du décès de l’épargnant par les gestionnaires d’actifs intègrent l’actif successoral. Celles versées par les assureurs sont soumises, selon que l’épargnant décède avant ou après 70 ans, à un prélèvement spécifique (20 % pour la fraction comprise, par bénéficiaire, entre 152.500 € et 700.000 €, 31,25 % au-delà) (3) ou aux droits de succession (4).
La loi PACTE a prévu une incitation pour les épargnants à transférer leur épargne de l’assurance vie vers l’épargne retraite : jusqu’au 1er janvier 2023, tout rachat d’un contrat d’assurance vie de plus de 8 ans fait l’objet d’un abattement fiscal doublé par rapport aux règles habituelles, à condition que les sommes soient réinvesties dans un PER et que le rachat soit effectué au moins 5 ans avant le départ en retraite.
En outre, il est fait application d’un taux de forfait social réduit (16 % au lieu de 20 %) aux sommes versées par l’employeur sur un PER lorsque l’épargne est investie à hauteur de 10 % en titres éligibles au dispositif de réduction d’impôt PEA-PME.
Le régime fiscal et social à l’entrée est clair mais il est plus complexe à la sortie et soulève certaines difficultés.
S’agissant tout d’abord du plan d’épargne retraite populaire, on peut s’étonner de la suppression du texte du Code général des impôts qui prévoyait l’imposition des pensions versées selon le régime des rentes viagères à titre gratuit. Aucune disposition n’est pour l’heure prévue dans le projet de loi de finances pour 2020 examiné actuellement au Parlement pour corriger ce qui semble être une coquille.
Se pose également la question de l’assiette du prélèvement dû en cas de décès avant 70 ans : primes versées ou sommes reçues, selon que le contrat doit être qualifié de rachetable ou non ?
Il ne nous semble pas que la possibilité de pouvoir dénouer le contrat de manière anticipée pour l’achat de la résidence principale autorise à qualifier le contrat de rachetable. La question reste toutefois ouverte. En outre, en cas de sortie en rentes, faudrait-il retenir une valeur de capitalisation ?
Au dénouement du PER, le traitement du capital ou des rentes versées en application de la garantie complémentaire prévue au 6° de l’article L. 142-3 du Code des assurances (garantie plancher) n’est pas évident. A défaut pour la prime d’être déductible, on pourrait considérer que la prestation n’est pas imposable.
Des précisions apportées par un BOFiP seraient les bienvenues. Néanmoins, à notre connaissance, l’administration n’a pas prévu pour l’heure d’en publier.
Au plan des prélèvements sociaux, plusieurs questions ne sont réglées ni par la loi ni par l’ordonnance. Tel est le cas par exemple du traitement social des produits issus des versements obligatoires des salariés et des employeurs sur un PER en cas de dénouement anticipé. Il en va de même des prélèvements sociaux dus sur les prestations versées au titre des garanties complémentaires pouvant être prévues dans le cadre des PER.
La réussite de la réforme dépendra nécessairement de la levée de ces incertitudes.
(1) dans la limite de 10 jours/an, en conservant au minimum 24 jours de congé annuel.
(2) Invalidité rendant impossible l’exercice d’une profession quelconque (cf. article L. 341-4, 2° et 3° du CSS).
(3) Par application de l’article 990 I du CGI, sous certaines conditions. Ne sont toutefois pas soumises à ce prélèvement les rentes viagères constituées dans le cadre d’un PER individuel.
(4) Par application de l’article 787 B du CGI.
Article publié dans le magazine Option Finance le 31/10/2019
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