Réforme des plus-values de cession de titres des dirigeants de PME partant à la retraite : la coupe est à moitié pleine
Le projet de loi de finances pour 2018 (PLF 2018) entend simplifier les règles fiscales applicables aux revenus de placement et du patrimoine. Ainsi, les dividendes, intérêts et plus-values de cession de titres seraient désormais soumis à un prélèvement forfaitaire unique, dit « flat tax », au taux de 30% (12,8% d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux).
Si cette harmonisation des régimes vers un taux d’impôt forfaitaire assez bas devrait faire beaucoup de gagnants, les dirigeants de PME qui partent à la retraite peuvent s’interroger sur leur sort puisqu’ils bénéficient actuellement, et jusqu’au 31 décembre 2017, d’un régime fiscal très avantageux. En effet, en cas de vente de leur société au moment de leur départ à la retraite, la plus-value qu’ils réalisent est soumise au barème progressif de l’impôt sur le revenu après application d’un abattement fixe de 500.000 € et le reliquat éventuel bénéficie d’un abattement pour durée de détention pouvant atteindre 85% (pour les titres détenus depuis plus de 8 ans).
Le PLF 2018 ne les a néanmoins pas laissés pour compte et, au moment de sabrer le champagne, les dirigeants de PME partant à la retraite devraient malgré tout voir leur coupe à moitié pleine.
Ce qui devrait changer pour les ventes réalisées à compter du 1er janvier 2018
Les plus-values réalisées par les dirigeants partant à la retraite à compter du 1er janvier 2018 seraient en principe désormais soumises, comme toutes les plus-values de cession de titres, à la flat tax de 30%, et, le cas échéant, à la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus de 3% ou 4%1.
Mais les dirigeants retraités n’en demeureraient pas moins une catégorie de redevables privilégiés puisque le PLF 2018 prévoit de maintenir en place l’abattement d’assiette de 500.000 euros pour le calcul de l’impôt sur le revenu. Seul l’excédent de plus-value serait ainsi soumis aux 12,8% d’impôt sur le revenu dans le cadre de la flat tax.
Les conditions d’application de ce régime de faveur resteraient globalement inchangées, notamment :
- la société vendue devrait être une PME soumise à l’IS et exercer une activité économique (commerciale, industrielle, etc.) ;
- le vendeur devrait (i) en détenir au moins 25% du capital, (ii) avoir exercé une fonction de direction lui procurant plus de la moitié de ses revenus professionnels et (iii) prendre sa retraite dans les deux années suivant ou précédant la vente.
Par exception et comme pour tous les autres contribuables, lorsque les titres cédés ont été acquis avant le 1er janvier 2018, les dirigeants retraités auraient la possibilité de renoncer à l’application de la flat tax et d’opter pour une imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu après application des abattements pour durée de détention.
Ils ne pourraient néanmoins plus bénéficier des abattements pour durée de détention renforcés qui existaient jusqu’alors. Seuls les abattements de droit commun (jusqu’à 65% au-delà de 8 ans de détention) s’appliqueraient et les dirigeants renonceraient également ce faisant à l’abattement fixe de 500.000 euros. L’option pour l’imposition au barème ne devrait donc plus présenter pour eux un grand intérêt…
A noter : le régime d’abattement renforcé de 85% prévu pour les titres acquis ou souscrits dans des jeunes PME2 est quant à lui préservé pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018 et cédés après cette date. Les dirigeants retraités qui en remplissent les conditions pourraient avoir intérêt à opter pour ce régime puisque, en cas de détention des titres pendant plus de 8 ans, leur taux marginal d’impôt sur le revenu serait limité à 6,75%3, contre 12,8% avec la flat tax. L’abattement d’assiette de 500.000 euros ne serait néanmoins pas applicable et, selon nos calculs, cette option ne présenterait donc un intérêt qu’à partir de 983.000 €4 de plus-value. Attention également, l’option pour l’imposition au barème progressif est annuelle et globale : les autres plus-values, intérêts et dividendes ne bénéficieraient plus de la flat tax au titre de cette année.
Quelques regrets malgré tout
Les dirigeants retraités auront eu la mauvaise surprise d’apprendre que la hausse des prélèvements sociaux, qui passent de 15,5% à 17,2%, devrait s’appliquer à toutes les cessions réalisées à compter du… 1er janvier 2017.
Ceux qui auraient anticipé leur cession sur 2017 pour s’assurer du bénéfice du double régime d’abattements applicable jusqu’alors (abattement fixe de 500.000 € et abattements pour durée de détention renforcés) se verraient malgré tout rattrapés par une légère hausse de la fiscalité, et ce alors même que la vente a eu lieu avant le 11 octobre 2017, date de présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui a instauré cette hausse de la CSG.
Ce phénomène dit de « petite rétroactivité » n’est pas nouveau, mais nous pouvons regretter que, malgré leur volonté de moderniser notre système fiscal, les nouveaux parlementaires n’aient adopté la pratique américaine du « fair announce », qui veut que – pour des raisons évidentes de sécurité juridique – les réformes prises en matière fiscale ne rétroagissent pas à une date antérieure à celle de leur présentation devant le Parlement.
Nous pouvons également regretter que, dans sa mansuétude, le Législateur n’ait pas cherché à étendre aux dirigeants retraités la « clause de sauvegarde » qu’il a lui-même prévu pour les ventes de titres de jeunes PME.
Il aurait été cohérent de permettre aux dirigeants retraités de bénéficier, pour les titres acquis avant le 1er janvier 2018 mais cédés après cette date, d’une option entre la flat tax et le régime de double abattements qui s’appliquait jusqu’alors.
Un amendement en ce sens a d’ailleurs été voté au Sénat5, mais la probabilité qu’il franchisse la haie de l’Assemblée nationale est assez peu probable, le gouvernement ayant émis un avis défavorable…
Les dirigeants pourraient donc toujours fêter leur départ à la retraite au champagne, mais leur coupe ne serait plus totalement pleine.
Notes
1 Taux variant selon les revenus du foyer fiscal
2 C’est-à-dire lorsqu’à la date d’acquisition des titres cédés, la société avait moins de 10 ans et n’était pas issue d’une restructuration
3 Soit un taux d’impôt sur le revenu de 45% appliqué sur une assiette réduite d’un abattement de 85%, et sans tenir compte de l’avantage supplémentaire de l’imposition au barème progressif : la déduction d’une fraction de la CSG
4 En tenant compte cette fois de la part de CSG déductible des revenus de l’année de son paiement
5 Amendement n°I-106 présenté au Sénat par M. Montgolfier le 16 novembre 2017
Auteurs
Philippe Gosset, avocat, droit fiscal
Damien Basson, avocat en droit fiscal
Réforme des plus-values de cession de titres des dirigeants de PME partant à la retraite : la coupe est à moitié pleine – Article paru dans LeRevenu.com le 11 décembre 2017