Réformer le dialogue social : une représentation du personnel plus efficace ?
6 mai 2015
Un projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi a été présenté au Conseil des Ministres du 22 avril 2015. Il vise notamment à adapter les institutions représentatives du personnel à la diversité des entreprises et à les rendre plus efficaces.
Une représentation du personnel insuffisamment efficace ?
Le dialogue social est inexistant dans nombre d’entreprises, petites ou moyennes, dépourvues d’institutions représentatives du personnel, ce quand bien même les seuils légaux de mise en place ont été atteints.
Plus généralement, le fonctionnement de ces institutions est souvent ressenti comme trop pesant, trop peu lisible et particulièrement complexe.
Cela est de nature à dissuader les salariés de s’investir dans l’exercice d’un mandat, à pénaliser le dialogue social et à limiter la portée du principe de valeur constitutionnelle selon lequel le salarié participe par l’intermédiaire de ses représentants à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.
A cet égard, la configuration des différentes institutions représentatives du personnel dans l’entreprise méritait d’être réexaminée et leur fonctionnement simplifié.
La réforme de la délégation unique du personnel
Une délégation unique du personnel pour les entreprises de moins de 300 salariés – La possibilité offerte par la loi du 20 décembre 1993 aux entreprises de moins de 200 salariés de créer une délégation unique du personnel (DUP) rassemblant délégués du personnel et comité d’entreprise (CE) a depuis lors été choisie par 60% des entreprises concernées. Cette institution est donc une réalité pour la majorité des PME.
Le projet élargi la possibilité de mettre en place une délégation unique du personnel à toutes les entreprises de moins de 300 salariés.
Une délégation unique du personnel étendue au CHSCT– La réforme intègre nouvellement le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dans le champ de cette instance.
L’adaptation des règles de fonctionnement de la délégation unique – La réforme maintient le principe selon lequel la délégation unique du personnel regroupe les institutions sans les fusionner, ses membres exerçant donc les attributions légales des DP, du CE et du CHSCT.
Elle procède cependant à certaines adaptations relatives au fonctionnement de la DUP : réunion au moins une fois tous les deux mois et exercice des fonctions du CHSCT au moins lors de quatre réunions au cours de l’année, expertise commune sur les projets ou questions qui ouvrent droit à une expertise du CE et à une expertise du CHSCT, etc.
Se voient adaptées et améliorées les règles de fonctionnement des institutions représentatives du personnel pour faciliter l’exercice dans un cadre commun des attributions respectives des délégués du personnel, du comité d’entreprise et du comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail.
Le regroupement des institutions représentatives du personnel en une nouvelle instance par la voie d’un accord collectif majoritaire
La pluralité des institutions représentatives du personnel ne génère pas automatiquement un dialogue social de qualité. Elle peut au contraire produire des effets négatifs tenant notamment à la multiplication de réunions dont les objets sont parfois voisins, à l’absence pour les élus de vision globale des projets, etc.
La réforme prévoit la possibilité, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, de regrouper tout ou partie des institutions dans le cadre d’une nouvelle instance sui generis qui se substituera à elles.
Le regroupement des institutions devra résulter d’un accord collectif majoritaire qui disposera d’une grande latitude pour fixer les périmètres de regroupement (autorisant notamment l’existence de disparités d’un établissement à l’autre de l’entreprise). Les regroupements d’institutions seront donc à géométrie variable et s’adapteront aux spécificités des entreprises. La nouvelle instance, dotée de la personnalité civile, pourra exercer l’ensemble des attributions confiées soit au CE et aux DP, soit au CE et au CHSCT, soit aux DP et au CHSCT, soit au CE, aux DP et au CHSCT.
En l’absence d’accord conclu au niveau de l’entreprise, un accord majoritaire pourra également être conclu au niveau de l’établissement pour mettre en œuvre un regroupement d’institutions.
L’accord, quel que soit le niveau de sa conclusion, ne pourra cependant disposer des attributions de la nouvelle instance qui devra exercer l’ensemble des attributions des institutions représentatives du personnel regroupées.
La simplification du fonctionnement des institutions représentatives du personnel
Le projet contient des dispositions visant à simplifier le fonctionnement des institutions représentatives du personnel.
Regroupement des obligations consultatives – Le projet regroupe les 17 obligations actuelles d’information et de consultation récurrentes du comité d’entreprise en trois grandes consultations portant respectivement sur les orientations stratégiques, la situation économique et financière de l’entreprise, et la politique sociale, les conditions de travail et d’emploi.
Prérogative sera donnée à l’accord collectif pour organiser ces consultations.
Suppression d’une obligation consultative – Revenant sur la jurisprudence, la réforme prévoit que les projets d’accords collectifs, leur révision ou leur dénonciation ne seront plus soumis à l’avis du comité d’entreprise.
Réunion commune à plusieurs institutions représentatives du personnel – Le projet prévoit la possibilité pour l’employeur d’organiser des réunions communes à plusieurs instances.
La réforme va ainsi dans le sens d’une simplification attendue des institutions élues, laissant une place aux organisations syndicales pour la mettre en œuvre et l’adapter à la situation des entreprises.
Auteur
Laurent Marquet de Vasselot, avocat associé en droit social et Professeur des Universités associé à Paris II.
*Réformer le dialogue social : une représentation du personnel plus efficace ?* – Article paru dans Les Echos Business le 6 mai 2015
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