Régime applicable aux bons : l’administration lève de nombreuses interrogations sur le régime applicable depuis le 1er janvier 2019
La réglementation relative à la TVA prévoit, depuis le 1er janvier 2019, un régime spécifique applicable aux bons répondant à la définition suivante : « tout instrument assorti d’une obligation de l’accepter comme contrepartie totale ou partielle d’une livraison de biens ou d’une prestation de services et pour lesquels les biens à livrer ou les services à fournir ou l’identité de leurs fournisseurs ou prestataires potentiels sont indiqués soit sur l’instrument lui-même soit dans la documentation correspondante, notamment dans les conditions générales d’utilisation de cet instrument » (CGI, art. 256 ter 3 a). Les nouvelles règles résultent de la transposition en droit interne de la directive (UE) 2016/1065 du 27 juin 2016. Elles s’appliquent à tous les bons émis depuis le 31 décembre 2018.
Les commentaires publiés par l’administration le 7 août 2019 répondent à la plupart des questions suscitées par cette réforme qui n’est pas aussi anecdotique qu’on a parfois bien voulu la présenter (BOI-TVA-CHAMP-10-10-40-20190807).
Certains instruments voisins des bons tels que définis par la directive sont explicitement exclus du nouveau régime : les monnaies électroniques, les titres spéciaux de paiement tels que les titres-restaurant, les chèques vacances ou emploi service, les bons de réduction, les timbres-poste, les packages de voyage que les agences commercialisent en leur nom.
L’administration ajoute à cette liste les instruments pour lesquels, d’une manière plus générale, la fourniture de biens ou de services future n’est pas garantie par l’émetteur ou soumise à un aléa. C’est du reste sur ce fondement qu’elle écarte la qualification de bons en ce qui concerne, par exemple, les certificats ou jetons d’usage émis par une société en échange d’un financement participatif.
Nous vous rappelons ci-dessous l’essentiel du nouveau régime et des précisions apportées par l’administration sur ses modalités d’application.
La loi distingue désormais deux catégories de bons.
I. Le bon à usage unique, traité comme les biens ou services auxquels il donne accès
Un bon est à usage unique (BUU) s’il donne accès à des biens ou des services dont l’ensemble des modalités de taxation sont connues au moment de l’émission du bon.  L’administration précise en revanche qu’il est indifférent que le bon donne accès à des biens ou des services de nature différentes ou commercialisés par différents opérateurs (exemple : bons donnant accès exclusivement à des vêtements commercialisés par différentes enseignes).
1. Les transactions portant sur un BUU
La cession à titre onéreux d’un BUU est soumise à la TVA suivant les règles applicables aux biens ou aux services auxquels le bon donne accès. Cette règle s’applique à chaque transfert, qu’il s’agisse du transfert initial par l’émetteur ou d’éventuels transferts ultérieurs intervenant dans un circuit de commercialisation. L’administration précise que, dans l’hypothèse où la transaction porte sur un bon donnant accès à des biens ou des services frappés par une mesure d’exclusion du droit à déduction, cette exclusion ne s’applique pas si le bon est acquis en vue de sa revente.
Elle précise également que la taxe collectée par l’émetteur au titre de l’émission de bons à usage unique n’est pas restituable si les bons n’ont pas été utilisés avant l’expiration de leur durée de validité. Même en l’absence de réalisation de la vente ou de la prestation de services à laquelle le bon donne accès, le porteur est en effet considéré comme ayant disposé d’un droit à l’exécution des obligations découlant du contrat conclu lors de l’acquisition du bon qui est imposable à la TVA.
2. L’utilisation du BUU
Lorsque le porteur du bon l’utilise pour obtenir le bien ou le service auquel ce bon ouvre droit, deux situations doivent être distinguées.
Si la vente ou le service est réalisé par l’émetteur du bon, l’opération n’est pas par elle-même soumise à la TVA. Elle a en effet en quelque sorte déjà été soumise à la taxe au moment de l’émission du bon et supportée par le porteur qui l’a acquis directement ou à l’issue d’une chaîne de commercialisation du bon.
Si, en revanche, le bien est livré ou le service est rendu par un assujetti qui n’est pas l’émetteur, l’opération est soumise à la TVA mais elle est alors réputée réalisée au profit de l’émetteur du bon qui peut déduire la TVA grevant cette opération.
Cette livraison de bien ou ce service réputé réalisé au profit de l’émetteur doit bien entendu donner lieu à l’émission d’une facture par le vendeur ou prestataire. La directive TVA ne prévoit pas de règle spécifique pour l’établissement de cette facture et l’administration ne donne, à cet égard, aucune recommandation. Il doit selon nous être considéré que la facture doit être libellée dans les mêmes conditions que si elle était émise au profit du porteur du bon à la seule exception de la dénomination du client réputé être l’émetteur du bon.
Les bons ont généralement vocation à être utilisés pour la commercialisation de biens et de services auprès de particuliers (B to C).  Mais l’administration confirme que rien n’interdit à un assujetti d’en faire usage pour obtenir la livraison d’un bien ou d’un service. Ainsi, lorsqu’un bon est acquis par un assujetti non en vue de sa revente mais pour être utilisé afin d’obtenir le bien ou le service auquel le bon donne accès, la taxe grevant l’acquisition du bon (qui doit alors donner lieu à facturation) ouvre droit à déduction dans les conditions de droit commun, c’est-à -dire suivant les mêmes règles que celles qui s’appliquent à la consommation du bien ou du service auquel le bon donne accès. Cela signifie dans ce cas que la taxe n’est pas déductible si le bien ou le service est frappé d’une mesure d’exclusion.
En revanche, le traitement par le vendeur ou prestataire qui remet le bien ou rend effectivement le service n’est pas différent de celui décrit plus haut. Cela signifie, comme le confirme l’administration dans ses commentaires, que la remise du bien ou la réalisation du service contre remise du bon ne doit pas donner lieu à facturation au porteur du bon.
Notons toutefois que, selon nous, cette solution fiscale n’affranchit pas le vendeur ou le prestataire de son obligation de facturation sur le fondement de la réglementation commerciale (code de commerce, art. L. 441-9). Il nous semble en outre qu’un tel document est de nature à corroborer le bien-fondé de la déduction de la taxe que le porteur a, par hypothèse, exercé lors de l’acquisition du bon auprès de l’émetteur ou d’un intermédiaire, et en particulier que la dépense a été supportée pour les besoins de ses opérations imposables.
II. Le bon à usages multiples, non imposable par lui-même
Pour autant qu’il réponde à la définition du bon prévue à l’article 256 ter 3 a) du CGI, un bon à usages multiples est un bon autre qu’à usage unique.
A cet égard, il suffit qu’un bon ouvre droit à la remise de biens ou la fourniture de services qui ne sont pas tous soumis aux mêmes règles de TVA (lieu d’imposition, taux…) pour que, les modalités de la taxation de l’opération n’étant pas établies de façon précise lors de l’émission du bon, ce bon ne puisse pas être qualifié de bon à usage unique et relève en conséquence du régime des bons à usages multiples.
La somme versée par l’acquéreur d’un bon à usages multiples, que ce soit à l’émetteur ou lors d’un transfert ultérieur, n’est pas en elle-même imposable à défaut de constituer la contrepartie d’une livraison de biens ou d’une prestation de services identifiée. En revanche, l’opération en contrepartie totale ou partielle de laquelle le bon est remis est taxable dans les conditions de droit commun.
Par ailleurs, la commission que perçoit éventuellement le distributeur de tels bons est taxable. L’administration précise que cette commission s’entend soit de celle qui est prévue au contrat soit de la différence entre la valeur d’achat et la valeur de revente du bon.
Article paru dans le magazine Option Finance le 25 novembre 2019
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