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Un régime juridique attractif : l’accord collectif à durée déterminée

Un régime juridique attractif : l’accord collectif à durée déterminée

La loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels a apporté plusieurs modifications au régime des accords collectifs. Le Titre premier de la loi, « Refonder le droit du travail et donner plus de poids à la négociation collective » annonce clairement son ambition : renforcer la négociation collective.

Inspirée par le rapport Combrexelle (La négociation collective, le travail et l’emploi, France Stratégie, 2015), la loi a entendu favoriser une culture de la négociation collective. La question de la durée des conventions et accords collectifs n’a pas échappé à la réforme.

Le principe : un accord à durée déterminée par défaut

Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi du 8 août 2016, le modèle de l’accord collectif en droit français était celui de la convention à durée indéterminée. Ainsi, lorsqu’un accord était muet sur sa durée, il était, par défaut, réputé conclu pour une durée indéterminée.

Le rapport Combrexelle préconisait d’ériger en principe la durée déterminée de l’accord collectif. La loi du 8 août 2016 a opté pour une voie intermédiaire et a précisé que l’accord peut être conclu pour une durée déterminée ou indéterminée ce qui nécessite, dans ce dernier cas, une stipulation expresse (c. trav., art. L. 2222-4, al. 1er). A défaut d’une telle stipulation, l’accord est désormais réputé conclu pour une durée déterminée de cinq ans (c. trav., art. L. 2222-4, al. 2).

En outre, la nouvelle rédaction de l’article L. 2222-4 du code du travail ne fixe plus à cinq ans la durée maximale de l’accord à durée déterminée mais prévoit seulement cette durée à défaut de stipulation expresse dans l’accord. On peut donc en déduire que les parties peuvent expressément convenir d’une durée plus courte ou plus longue, sans qu’aucune durée maximale de principe ne soit plus prescrite par la loi.

Enfin, autre nouveauté, la loi prévoit désormais que lorsque la convention ou l’accord arrive à expiration, il cesse automatiquement de produire ses effets (c. trav. art. L. 2222-4). La disposition du code du travail qui prévoyait qu’à défaut de stipulation expresse contraire, l’accord conclu pour une durée déterminée continuait, après son terme, à produire ses effets comme un accord à durée indéterminée est en effet supprimée.

Des modalités de cessation clarifiées et sécurisées

Qu’il soit à durée déterminée ou indéterminée, la loi aménage les modalités de cessation de l’accord collectif. Les principaux modes de cessation de l’accord collectif sont la dénonciation par les signataires de l’accord (c. trav., art. L. 2261-9) et la mise en cause (c. trav., art. L. 2261-14).

La dénonciation d’un accord collectif ne concerne que les accords à durée indéterminée. Il s’agit de l’acte unilatéral émanant d’un ou plusieurs signataires de l’accord, par lequel il notifie aux autres sa décision de le résilier. Lorsque cette dénonciation émane de la totalité des signataires employeurs ou des signataires salariés (c’est-à-dire de toutes les organisations syndicales signataires), la loi prévoit que l’accord continue à produire ses effets en application de la loi pendant douze mois à compter de la fin du préavis légal de trois mois ou du préavis conventionnel convenu, sauf si un accord de substitution, signé avant la fin de ce délai, met fin à son application. Par nature, l’accord à durée déterminée ne peut faire l’objet d’une dénonciation unilatérale dans la mesure où sa durée fait partie intégrante de l’accord des parties qui l’ont signé.

En revanche, la mise en cause de l’accord collectif peut affecter indifféremment l’accord à durée déterminée et l’accord à durée indéterminée. En effet, la mise en cause de l’accord collectif résulte le plus souvent d’un événement qui affecte la personne morale qui en est signataire. Or, en droit civil, une personne morale ne saurait être tenue par les engagements souscrits par une autre personne morale. L’article L. 2261-14 du code du travail énumère quatre situations principales, susceptibles, sans que cette liste soit limitative, d’entraîner la mise en cause des accords collectifs : la fusion, la cession, la scission ou encore le changement d’activité principale de l’entreprise.

Pour éviter les conséquences sociales qui pourraient résulter d’un vide conventionnel inopiné, le législateur a également aménagé un dispositif de survie temporaire de l’accord collectif en cas de mise en cause. Dans un tel cas, il est en effet prévu que l’accord continue à produire ses effets pendant une période de 15 mois (aucun accord à durée déterminée ne prévoyant de préavis), sauf si la conclusion, dans ce délai, d’un accord de substitution, met fin à son application.

Comme en matière de dénonciation par la totalité des signataires d’un accord collectif, à l’issue de ce délai, si aucun accord de substitution n’a été conclu, les salariés des entreprises concernées bénéficient d’une « garantie de rémunération dont le montant annuel, pour une durée de travail équivalente à celle prévue par leur contrat de travail, ne peut être inférieur à la rémunération versée, en application de la convention ou de l’accord mis en cause, lors des douze derniers mois ». La loi du 8 août 2016, modifiée par la loi de ratification n°2018-217 du 29 mars 2018 a substitué cette garantie de rémunération au maintien des avantages individuels acquis antérieurement applicable.

Conditions du maintien de la rémunération des douze derniers mois

Pour la première fois, la loi du 8 août 2016 précise les conséquences du défaut de conclusion d’un accord de substitution lorsque la mise en cause concerne un accord à durée déterminée. Jusque-là, aucun régime spécifique ne précisait les modalités d’application des avantages individuels acquis dans le cas de la mise en cause d’un accord à durée déterminée, ni même si les salariés concernés pouvaient prétendre à un tel maintien. C’est désormais chose faite puisque la loi prévoit que, dans un tel cas, la rémunération ne saurait, en tout état de cause, être maintenue au-delà du terme initial de l’accord, c’est-à-dire au-delà du terme convenu par les parties lors de la conclusion de l’accord collectif.

A cet égard, l’article L. 2261-14 du Code du travail distingue les deux hypothèses suivantes :

  • lorsque le terme de l’accord fixé par les parties est postérieur à la date d’expiration du délai de survie de 15 mois à compter de l’événement qui a entraîné sa mise en cause, l’accord continue à produire ses effets jusqu’à l’expiration du délai de survie, puis le salarié bénéficie du maintien de la rémunération des 12 derniers mois jusqu’au terme initial fixé par l’accord.

Exemple : dans le cas d’un accord collectif conclu du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020 et mis en cause le 15 juin 2019, le salarié aura droit, au terme du délai de 15 mois – soit le 15 septembre 2020 – au maintien de la rémunération des douze derniers mois jusqu’au terme de l’accord, soit jusqu’au 31 décembre 2020.

  • en revanche, lorsque l’échéance de l’accord intervient avant le terme du délai de survie de 15 mois, les stipulations de l’accord ont vocation à s’appliquer jusqu’à cette échéance et il n’y a pas lieu d’appliquer le maintien de la rémunération entre le terme de l’accord et l’issue du délai de quinze mois.

Ainsi, en reprenant l’hypothèse précédente, si l’accord conclu du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020, est mis en cause le 15 juin 2020, il continuera à s’appliquer dans toutes ses dispositions jusqu’au 31 décembre 2020, date de son échéance.

On le voit, même lorsqu’il a vocation à s’appliquer, le maintien de la rémunération des douze derniers mois en cas de mise en cause d’un accord à durée déterminée, est toujours temporaire.

Si la conclusion d’un accord à durée déterminée n’est pas nécessairement la forme recommandée pour tous les accords collectifs, en particulier ceux qui mettent en place des mesures structurant l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise, telles que la durée du travail et qui exigent une certaine stabilité, elle présente cependant de nombreux avantages en favorisant la vitalité conventionnelle, un renouvellement régulier du dialogue social et une adaptation plus rapide de la norme à l’évolution du contexte de l’entreprise. Enfin, la conclusion d’un accord à durée déterminée offre l’avantage de limiter la durée d’application de la garantie de rémunération après la mise en cause de l’accord, lorsqu’aucun accord de substitution n’a été conclu avant l’expiration du délai de survie de celui-ci.

 

Auteurs

Alain Herrmann, avocat associé, droit social

Béatrice Taillardat Pietri, adjoint du responsable de la doctrine sociale

 

Un régime juridique attractif : l’accord collectif à durée déterminée – Article paru dans Les Echos Exécutives le 6 août 2018