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Régime mère-filiale et intégration fiscale : les perspectives de la fiducie en matière de financement

Régime mère-filiale et intégration fiscale : les perspectives de la fiducie en matière de financement

Afin de faciliter le financement des entreprises, le législateur permet le maintien du régime mère-filiale («RMF») et d’intégration fiscale («IF») alors que les titres de filiales sont transférés dans un patrimoine fiduciaire pour les exercices clos à compter du 31 décembre 2014.


Un emprunteur sera constituant de la fiducie et transfèrera des titres comme sureté à un fiduciaire, généralement, l’établissement de crédit prêteur. Les deux seront bénéficiaires, le constituant étant soucieux d’obtenir restitution des titres en l’absence de défaillance.

Le transfert des actifs et leur restitution se fait généralement en neutralité fiscale. Si le constituant contrôle la fiducie -au sens des règlements relatifs à l’établissement de comptes consolidés1-, les actifs sont transférés et restitués à valeur nette comptable. Le constituant reste imposable au même titre qu’un associé d’une société de personnes.

Enjeux pratiques des conditions d’application

Le bénéfice du maintien du RMF et de l’IF est subordonné à la condition alternative que «le constituant conserve l’exercice des droits de vote attachés aux titres transférés» ou que «le fiduciaire exerce ces droits dans le sens déterminé par le constituant, sous réserve des éventuelles limitations convenues par les parties au contrat établissant la fiducie pour protéger les intérêts financiers du ou des créanciers bénéficiaires de la fiducie». Les droits de vote et à dividendes doivent être attachés à tous les titres transférés pour le maintien du RMF.

Dans les opérations de financement, l’exercice matériel des droits de vote par le fiduciaire par clause de vote devrait être privilégié au détriment de leur exercice par le constituant par le jeu d’une restitution immédiate de ce droit par démembrement (l’usufruit) ou de prêt de titre notamment. L’article L. 622-23-1 du code de commerce paralyse dans cette dernière hypothèse la réalisation des actifs fiduciaires en cas de défaut du constituant, ce qui irait à l’encontre même de l’objet de la fiducie pour les LBO ou restructurations notamment.

La clause se rapportant au pouvoir de décision à propos des titres mis en fiducie retenue dans l’opération de restructuration qui est à l’origine de l’aménagement fiscal semble avoir inspiré le texte législatif. Le fiduciaire vote dans le sens indiqué par le constituant sous réserve de ne pas altérer la valeur des actifs mis en fiducie. Concrètement, il s’agissait pour le fiduciaire de s’engager «à voter l’ordre du jour» ou «à voter après consultation du constituant» ; de toutes manières «dans le sens déterminé par le constituant».

La loi prévoit une réserve, celle «des éventuelles limitations convenues par les parties au contrat établissant la fiducie pour protéger les intérêts financiers du ou des créanciers bénéficiaires de la fiducie». Le constituant ne doit pas vider de sa substance le gage des créanciers. Une des réserves convenues de manière fréquente dans les contrats de fiducie tend effectivement à ce que l’exercice de ce vote ne conduise pas à une diminution de la valeur des actifs fiduciaires. D’autres limitations sont envisageables si elles sont «convenues par les parties».

La fiducie sécurise le droit des créanciers même en cas de défaillance du débiteur. On évite la rupture de la relation de confiance en permettant aux banques d’accompagner leur client en cas de difficultés. L’aménagement fiscal donne une chance supplémentaire aux entreprises en multipliant les cas dans lesquels ce schéma gagnant-gagnant pourra être mis en œuvre.

LBO fiduciaire et schémas «doubles luxco»2

Les LBO fiduciaires présentent les mêmes avantages que les structures dites de «double luxco» sans en présenter les faiblesses. L’apport des titres de la cible en fiducie au bénéfice des banques permet de mettre en œuvre la fiducie même en cas de procédure collective de l’emprunteur, mais également en l’absence d’exigibilité de la créance garantie. Surtout, le rendement fiscal offert par la fiducie devrait être supérieur. Dans les schémas «double luxco», les prêts bancaires sont nécessairement garantis par les deux sociétés luxembourgeoises. Mécaniquement, une partie au moins des intérêts tombe ainsi dans le champ de la limitation de déductibilité prévue par l’article 212 II 1°. «Luxco 2», société grand-mère qui donne nécessairement en nantissement les titres de la société française (qui s’endette pour acquérir la société cible) ne peut faire partie du périmètre d’intégration de cette dernière dès lors qu’elle est établie au Luxembourg. Ainsi, la fraction des intérêts afférents au montant de la dette ainsi nantie est susceptible de ne pas être déductible. Avec une fiducie, la société emprunteuse pourra donner en sureté les titres de la cible et ne pas tomber dans le champ de la limitation de l’article 212 du CGI. S’il fallait de surcroit que sa société mère donne également en nantissement les titres du constituant, la limitation de l’article 212 II 1° ne serait toujours pas applicable. Il ne devrait donc exister aujourd’hui plus d’obstacle au développement des LBO fiduciaires.

Autres utilisations de la fiducie

Pour les restructurations, les groupes pourront sans déperdition fiscale, donner aux banques les garanties qu’elles recherchent avec la mise en fiducie des titres de filiales bénéficiaires. On peut aussi envisager de filialiser ou titriser des actifs pour les mettre en fiducie3.

L’utilisation de la fiducie en matière de droit des sociétés est aussi simplifiée et sécurisée; qu’il s’agisse des fiducies structurées pour le respect de pactes d’actionnaires, pour organiser un portage, voire une cession échelonnée dans le temps.

Autres aspects fiscaux

La neutralité étendue au RMF devrait s’étendre à l’exonération des plus-values à long terme en cas (peu probable) de cession de la participation par le fiduciaire. Sont présumés titres de participation qualifiant les titres éligibles au RMF. Le délai de détention ne devrait pas être considéré comme rompu comme pour le RMF. Le fiduciaire prendra soin d’inscrire dans sa comptabilité les titres dans un sous compte spécial ou en compte titres de participation.

En matière de déductibilité d’intérêts d’emprunt, il nous semble également que la limitation de l’article 209 IX du CGI à l’occasion de l’achat de titres de participation ne devrait pas jouer alors même que la société acheteuse (ou société sœur ou mère) n’aurait pas établi qu’elle avait pris la décision relative à l’acquisition de la participation. Il pourrait être considéré que les titres immédiatement transférés en fiducie ont été cédés (neutralisant ainsi la réintégration des intérêts). A défaut, le constituant est toujours susceptible de justifier -dans les 12 mois qui suivent l’acquisition-, qu’il est le centre de décision autonome pour la gestion des titres et du contrôle ou de l’influence dans la cible à travers les directives de vote et de participation données au fiduciaire.

Suivant la logique de l’absence de rupture dans la détention de la participation, l’absence de rupture d’engagement de conservation de titres (reçus à l’occasion d’un apport partiel d’actifs par exemple) comme le maintien de sursis d’imposition d’échange de titres à la suite d’une absorption ou d’une offre publique pourraient être confirmés.

En cas de mise en fiducie d’une participation étrangère, le constituant ou fiduciaire (sociétés IS) seront-ils considérés comme bénéficiaires effectifs des dividendes (à supposer que les règles locales considèrent la fiducie comme transparente) pour l’application d’une retenue à la source conventionnelle réduite ? Le cas échéant, il nous semble que le constituant devrait pouvoir se prévaloir de la convention fiscale et bénéficier du crédit d’impôt correspondant à la retenue conventionnelle toujours dans une logique de transparence. Une confirmation de l’administration serait sécurisante.

L’objectif de neutralité fiscale de la fiducie doit être «mis en œuvre» dispositif par dispositif. Les quelques incertitudes qui demeurent pour les titres de participation devraient pouvoir être rapidement levées.

Notes

1. Deux des critères suivants doivent être remplis par le constituant : (i) détention des pouvoirs de décision et de gestion ; (ii) capacité de bénéficier de tout ou de la majorité des avantages économiques de la fiducie ; (iii) exposition à la majorité des risques de la fiducie.

2. Du recours à la fiducie dans les opérations de LBO, pour une plus grande sécurité juridique et fiscale, M. Collet et, M. Dubertret, RTDF 2012, p. 74-77.

3. Financement, LBO, Restructuring : les nouvelles perspectives offertes par la fiducie; 29 janvier 2015; Gergory Benteux, Michel Collet, Matthieu Dubertret:

 

Auteur

Michel Collet, avocat associé en fiscalité internationale.

 

*Régime mère-filiale et intégration fiscale : les perspectives de la fiducie en matière de financement* – Article paru dans le magazine Option Finance le 9 mars 2015