Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Haut

Régimes de protection sociale complémentaire : plus que quelques mois pour se conformer au décret relatif aux catégories objectives

Régimes de protection sociale complémentaire : plus que quelques mois pour se conformer au décret relatif aux catégories objectives

Paru il y a maintenant presque 3 ans, le décret n°2021-1002 du 30 juillet 2021 modifiait la liste des catégories de salariés pouvant être bénéficiaires d’une couverture de protection sociale complémentaire collective pour que le financement patronal du régime bénéficie d’une exonération plafonnée de cotisations de sécurité sociale.

 

Bien qu’entré en vigueur depuis le 1er janvier 2022, il prévoyait un délai pour la mise en conformité des régimes mis en place avant cette date au regard des modifications qu’il apportait aux articles R.242-1-1 et R.242-1-2 du Code de la sécurité sociale.

 

Ce délai étant fixé au 31 décembre 2024 (1), un bref rappel des enjeux liés à cette mise en conformité s’impose.

 

Rappel du contexte

 

Les exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les contributions patronales finançant en tout ou partie des régimes de protection sociale complémentaire (frais de santé, prévoyance, retraite) sont notamment subordonnées au caractère collectif du régime (article L.242-1, II, 4° du Code de la sécurité sociale).

 

Sont considérées comme collectives les garanties bénéficiant à l’ensemble des salariés ou à une partie d’entre eux, sous réserve qu’ils appartiennent à une catégorie établie à partir de critères déterminés par l’article R.242-1-1 du Code de la sécurité sociale (couramment appelée « catégorie objective »).

 

Parmi les cinq critères énumérés par l’article R.242-1-1 du Code de la sécurité sociale (2), les deux premiers critères étaient initialement définis par référence à la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 (dite convention « Agirc » ou « CCN de 1947 ») et/ou à l’accord national interprofessionnel de retraite complémentaire du 8 décembre 1961 (dit accord « Arrco »).

 

Il s’agissait :

 

    • du critère n° 1, renvoyant à « l’appartenance aux catégories de cadres et de non-cadres résultant de l’utilisation des définitions issues des dispositions des articles 4 et 4 bis de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et de l’article 36 de l’annexe I de cette convention» ;
    • du critère n° 2, renvoyant à « un seuil de rémunération déterminé à partir de l’une des limites inférieures des tranches fixées pour le calcul des cotisations aux régimes complémentaires de retraite issus de la convention nationale mentionnée au 1° ou de l’accord national interprofessionnel de retraite complémentaire du 8 décembre 1961, sans que puisse être constituée une catégorie regroupant les seuls salariés dont la rémunération annuelle excède la limite supérieure de la dernière tranche définie par l’article 6 de la convention nationale précitée».

 

Ainsi, en application du critère n° 1 et selon la définition retenue par l’acte de mise en place des garanties (convention ou accord collectif, accord référendaire ou décision unilatérale de l’employeur), pouvaient appartenir à la catégorie des cadres, pour le bénéfice des garanties de protection sociale complémentaire, non seulement les ingénieurs, cadres et dirigeants affiliés au régime général (relevant de l’article 4 de la CCN de 1947) mais aussi, le cas échéant, certains salariés non-cadres, soit par assimilés aux cadres par la convention AGIRC (employés, techniciens et agents de maîtrise « assimilés aux ingénieurs et cadres » en vertu de l’article 4bis de la CCN de 1947), soit par extension volontaire des partenaires sociaux ou de l’employeur (autres salariés non-cadres affiliés à l’Agirc en vertu de l’article 36 de l’annexe I de la CCN de 1947).

 

Or, depuis la fusion de l’Agirc et de l’Arrco le 1er janvier 2019, les catégories précitées ont été abrogées, rendant caducs les renvois prévus par les dispositions réglementaires du Code de la sécurité sociale.

 

C’est dans ce contexte que le décret n°2021-1002 du 30 juillet 2021 (V. notre brève du 2 août 2021) est venu adapter et actualiser ces références.

 

Actualisation des critères objectifs n°1 et n°2 par le décret du 30 juillet 2021

 

Le décret du 30 juillet 2021 a réécrit les deux premiers critères mentionnés à l’article R.242-1-1 du Code de la sécurité sociale, qui sont désormais définis de la manière suivante :

 

    • « 1° L’appartenance aux catégories des cadres et non-cadres résultant de l’application des articles 2.1 et 2.2 de l’accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017 relatif à la prévoyance des cadres, dans les conditions prévues à l’article 3 de cet accord national interprofessionnel.

 

Peuvent être intégrés à la catégorie des cadres pour le bénéfice des garanties collectives mentionnées à l’article L. 911-1 certains salariés définis par accord interprofessionnel ou professionnel ou convention de branche mentionnés au livre II de la deuxième partie du code du travail, sous réserve que l’accord ou la convention soit agréé par la commission paritaire mentionnée à l’article 3 de l’accord national interprofessionnel précité dans les conditions prévues par ce même article ;

 

    • 2° Un seuil de rémunération égal au plafond mentionné à l’article L. 241-3 ou à deux, trois, quatre ou huit fois ce plafond, sans que puisse être constituée une catégorie regroupant les seuls salariés dont la rémunération annuelle excède huit fois ce plafond ; »

 

Si la notice du décret mentionne que « pour des raisons de stabilité de la norme et de sécurité juridique, le texte maintient le périmètre actuel des catégories de cadres et de non-cadres en permettant aux branches professionnelles, pour le bénéfice de garanties de protection sociale complémentaire, de pouvoir assimiler à des cadres des catégories de salariés ne correspondant pas aux définitions établies par les ANI du 17 novembre 2017 précités, dès lors que les catégories cadres et non-cadres ainsi définies sont validées par la commission paritaire rattachée à l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) », force est de constater que les modifications apportées par le décret ne sont pas uniquement rédactionnelles.

 

En effet, dans le cadre du critère n° 1, si les salariés relevant autrefois des articles 4 et 4 bis de la CCN de 1947 correspondent désormais à droit constant respectivement aux articles 2.1 (ingénieurs, cadres, dirigeants affiliés au régime général) et 2.2 (employés, techniciens et agents de maîtrise « assimilés aux ingénieurs et cadres ») de l’ANI du 17 novembre 2017, le sort des salariés relevant anciennement de l’article 36 de l’annexe I de la CCN de 1947 est plus incertain dans la mesure où ils ne sont visés par aucun nouveau texte conventionnel en matière de retraite complémentaire.

 

Autrement dit, contrairement aux anciens articles 4 et 4 bis pour lesquels il existe une correspondance, il n’existe pas « d’équivalent » correspondant automatiquement aux anciens articles 36 dans la nouvelle nomenclature des textes.

 

Bien que le décret mentionne la possibilité d’intégrer à la catégorie des cadres certains salariés ne relevant pas des articles 2.1 ou 2.2 de l’ANI de 2017, cette faculté d’intégration est subordonnée à la conclusion d’un accord interprofessionnel ou professionnel ou d’une convention de branche, lesquels devront avoir fait l’objet d’un agrément par la commission paritaire APEC.

 

Ainsi, à la différence des anciens « articles 36 » qui avaient antérieurement pu, le cas échéant, être définis par accord d’entreprise, les salariés susceptibles d’être intégrés à la catégorie des cadres en vertu des nouvelles dispositions de l’article R.242-1-1 du Code de la sécurité sociale ne pourront plus l’être qu’en vertu d’une convention ou d’un accord interprofessionnel, professionnel ou de branche.

 

En l’absence d’un tel accord, ces salariés ne pourront plus être intégrés à la catégorie des cadres et assimilés et se verront appliquer le régime des non-cadres au 1er janvier 2025, au moins en matière de frais de santé, ce qui peut être délicat d’un point de vue social dans certaines entreprises.

 

En matière de prévoyance et de retraite supplémentaire, la même problématique existe sachant toutefois que dans ce cas, des solutions peuvent être recherchées, notamment en ayant recours aux catégories de la classification conventionnelle qui sont des catégories admises par le décret précité pour ces régimes, sous certaines conditions, alors qu’elles ne le sont que de manière très exceptionnelle en matière de frais de santé.

 

Or à ce jour la commission paritaire APEC n’a donné son agrément pour de telles catégories que pour 15 branches d’activité (étant précisé que la commission paritaire APEC s’est également prononcée sur d’autres accords et conventions de branches où les partenaires sociaux ne lui ont pas demandé d’agrément sur le seuil des emplois pouvant être intégrés à la catégorie des cadres au sens de l’article R. 242-1-1 du Code de la sécurité sociale).

 

S’agissant des seuils de rémunération, les tranches A, B, C et 1, 2, anciennement constitutives du critère n° 2, ont été remplacées par deux tranches dans le cadre de la fusion Agirc-Arrco : la T1 entre 0 et 1 PASS et la T2 entre 1 et 8 PASS.

 

Les régimes de protection sociale complémentaire doivent en conséquence, dans certains cas, être également modifiés sur ce point.

 

Les contrats d’assurance mettant en œuvre ces garanties devront également être adaptés sur ce point, en cohérence avec les mentions de l’acte de mise en place des garanties.

 

Les entreprises qui n’auraient pas encore modifié l’acte juridique mettant en place leur régime de protection sociale complémentaire pour se mettre en conformité avec les nouvelles exigences réglementaires s’agissant de la définition des catégories objectives doivent veiller à y procéder avant le 31 décembre 2024 si elles ne veulent pas perdre le bénéfice des exonérations de cotisations de sécurité sociale plafonnées applicables au financement patronal de ces régimes.

 

AUTEUR

Florence Duprat-Cerri, Avocat Counsel, responsable du département retraite et prévoyance (protection sociale), CMS Francis Lefebvre Avocats

 

(1) Au plus tard, car les entreprises ayant modifié leurs catégories de bénéficiaires de régimes de protection sociale complémentaire après le 1er janvier 2022 devaient se mettre en conformité avec le décret à la date de cette modification.

(2) Les cinq critères fixés par l’article R.242-1-1 sont :

1° L’appartenance aux catégories des cadres et non-cadres ;
2° Un seuil de rémunération ;
3° La place dans les classifications professionnelles définies par les conventions de branche ou les accords professionnels ou interprofessionnels ;
4° Le niveau de responsabilité, le type de fonctions ou le degré d’autonomie ou l’ancienneté dans le travail des salariés correspondant aux sous-catégories fixées par les conventions ou les accords mentionnés au 3° ;
5° L’appartenance au champ d’application d’un régime légalement ou réglementairement obligatoire assurant la couverture du risque concerné, ou bien l’appartenance à certaines catégories spécifiques de salariés définies par les stipulations d’une convention collective, d’un accord de branche ou d’un accord national interprofessionnel caractérisant des conditions d’emploi ou des activités particulières, ainsi que, l’appartenance aux catégories définies clairement et de manière non restrictive à partir des usages constants, généraux et fixes en vigueur dans la profession ;

Print Friendly, PDF & Email