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Régimes de retraite des dirigeants : prestations définies versus actions gratuites

Régimes de retraite des dirigeants : prestations définies versus actions gratuites

Les dirigeants ou cadres dirigeants de sociétés, que ce soit de PME ou de grandes entreprises, sont toujours tôt ou tard confrontés à la problématique de leurs revenus au moment de leur départ à la retraite.

 

Parmi les régimes de retraite disponibles pour ces dirigeants, il existe notamment le régime à prestations définies dit à droits acquis, appelé également «régime article L.137-11-2 » par référence au texte du Code de la sécurité sociale qui le défini, et anciennement connu sous le nom de «régime article 39».

 

Le financement de ce régime repose intégralement sur l’employeur, qui s’engage à verser une rente définie à l’avance, indépendante des fluctuations des marchés financiers.

 

Toutefois les entreprises disposent d’autres mécanisme pour motiver et fidéliser leurs salariés et dirigeants, comme l’attribution d’actions gratuites (AGA). Dans le cadre de l’AGA, une entreprise distribue ses propres actions à certains de ses salariés ou dirigeants, sans contrepartie financière de leur part.

 

Ce dernier dispositif est parfois envisagé par certaines entreprises comme une alternative aux régimes de retraite à prestations définies à droits acquis pour constituer une retraite au profit de dirigeants.

 

S’agit-il effectivement d’une solution de substitution pertinente ? Ces dispositifs sont-ils véritablement comparables ?

 

Un rappel du fonctionnement de ces régimes permet d’y voir plus clair.

 

Les régimes de retraite à prestations définies à droits acquis ont pour objet de garantir aux bénéficiaires un niveau de rente prédéterminé au moment du départ à la retraite, calculé en pourcentage de leurs revenus d’activité.

 

Le montant de la rente qui peut être acquise chaque année peut atteindre jusqu’à 3% de la rémunération annuelle. Les droits acquis sur toute une carrière sont plafonnés à 30 points pour tous les employeurs confondus.

 

A titre d’exemple, si le régime prévoit que le bénéficiaire acquiert une rente de 3% de sa rémunération par an, et que sa rémunération est de 300000 euros pendant 10 ans, le bénéficiaire acquerra une rente viagère égale au maximum à 30% de sa rémunération, soit de 90000 euros par ans hors revalorisation.

 

Pour les mandataires sociaux ou les salariés dont la rémunération dépasse huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale, l’acquisition annuelle des droits est subordonnée à des conditions de performance fixées par la société.

 

Les droits sont acquis même en cas de départ de l’entreprise avant la retraite mais le bénéficiaire ne pourra les percevoir qu’au moment de la liquidation de la retraite de base de sécurité sociale.

 

Ce dispositif de retraite supplémentaire peut être réservé à un collège spécifique de personnel ou de dirigeants, dont la définition n’est pas encadrée par la réglementation de sorte qu’une certaine souplesse existe en la matière.

 

De plus, une condition d’ancienneté, fixée à 3 ans maximum, peut également être introduite pour l’entrée dans le régime et l’acquisition des droits. Toutefois la mise en place de ce régime est subordonnée au fait qu’un régime de retraite supplémentaire ou un plan d’épargne retraite soit institué au profit de l’ensemble des salariés de l’entreprise.

 

En ce qui concerne les AGA, elles sont possibles seulement dans une société par actions et relèvent d’une logique différente.

 

La mise en place des AGA est autorisée par l’Assemblée Générale Extraordinaire (AGE), laquelle fixe également la durée minimum des périodes d’acquisition et de conservation (voir ci-dessous).

 

Les bénéficiaires des AGA ne sont pas immédiatement actionnaires, l’acquisition définitive des actions intervient à l’issue d’une période dite « période d’acquisition », assortie le cas échéant d’une période pendant laquelle la cession est en principe interdite, dite « période de conservation », selon les durées minimales suivantes : :

 

Soit une période d’acquisition de 1 an minimum assortie d’une période de conservation de 1 an minimum,

 

Soit une période d’acquisition de 2 ans minimum, en ce cas sans période de conservations obligatoire.

 

Si la loi ne prévoit pas de condition de durée minimum pour la période de conservation, la durée minimum soit de l’ensemble période d’acquisition + période de conservation, soit de la seule période d’acquisition doit en revanche s’étendre sur 2 ans minimum.

 

Les AGA sont attribuées par le Conseil d’Administration, le Directoire, le Président et ou la Gérance (selon la forme sociale, l’« organe compétent »), à condition que le bénéficiaire soit salarié ou mandataire social de la société (ou d’une société liée à la société, lien dont le champ dépend de la cotation ou non de la société émettrice) à la date de l’attribution, avec une limite fixée à 10% du capital social par bénéficiaire, et un plafond général de 15% du capital social pour l’ensemble des attributions d’AGA.

 

Les actions attribuées peuvent être des actions à émettre ou déjà existantes. Il est également possible de fixer des critères d’acquisition, comme des conditions de présence, de performance ou de co-investissement.

 

Qu’en est-il du régime social et fiscal de ces dispositifs au regard des textes actuellement en vigueur ?

 

Les régimes de retraite à prestations définies à droits acquis offrent un cadre social et fiscal optimisé tant pour l’entreprise que pour le bénéficiaire.

 

Pour l’entreprise, les primes constituent une charge fiscale déductible de ses bénéfices à la double condition que ces dépenses résultent d’un engagement juridique opposable à l’employeur et que cet engagement présente un caractère général et impersonnel, dans la mesure où il s’applique à une catégorie de personnel définie de manière objective. Les primes sont par ailleurs uniquement soumises à une contribution sociale de 29,7%.

 

Pour le bénéficiaire, ces primes ne sont pas incluses dans l’assiette de l’impôt sur le revenu et ne sont soumises à aucun prélèvement social pendant la vie active.

 

Cependant, à la retraite, la rente est imposée à l’impôt sur le revenu après un abattement de 10% et est soumise à des prélèvements sociaux de 10,1%, auxquels s’ajoute une contribution dont le taux est fixé à 7 % pour la part de la rente supérieure à 511 euros et inférieure ou égale à 765 euros par mois et à 14 % pour la part de la rente supérieure à 765 euros par mois.

 

En comparaison, l’AGA dispose d’un régime fiscal et social encore plus favorable.

 

Des prélèvements sociaux de 17,2% sont dus sur la fraction inférieure à 300000 euros après un abattement de 50%, et de 9,7% (CSG à 9,2 % et CRDS à 0,5 %) sur la fraction supérieure à 300000 euros.

 

L’impôt sur le revenu est également dû, avec un barème progressif appliqué après un abattement de 50% sur la fraction inférieure à 300000 euros.

 

La fraction de l’avantage qui excède la limite de 300000 € est imposée comme un salaire, selon le barème progressif de l’impôt sur le revenu, sans application d’aucun abattement et soumise à la contribution salariale de 10% en plus des charges patronales de 20% (applicable sur la totalité de l’avantage).

 

Enfin, une flat tax de 30% s’applique sur la plus-value par rapport à la valeur d’acquisition (17.2% de prélèvements sociaux et 12.8% d’impôt sur le revenu).

 

En conclusion, l’un de ces dispositifs est-il plus favorable que l’autre ?

 

Bien que les deux régimes permettent de disposer d’un revenu lors du départ à la retraite, sous forme de rente pour les régimes de retraite à prestations définies ou sous forme de capital pour le régime d’actions gratuites, le régime de retraite à prestations définies permet de garantir un niveau de droit à retraite certain avec des limites claires en termes d’acquisition de droits et de taux d’acquisition.

 

En revanche, le régime AGA ne permet pas de de garantir un montant de droits (tout dépend de la valeur des actions au moment de leur vente) mais propose un cadre fiscal et social plus avantageux ainsi qu’une acquisition graduelle d’actions gratuites en plusieurs tranches, grâce à une flexibilité accrue dans la mise en place du régime par l’organe compétent, tout en respectant les conditions de détention et les critères d’attribution spécifiques.

 

Cependant le régime AGA possède plusieurs inconvénients. En effet, seules les entreprises ayant le statut de société par actions peuvent mettre en place ce type de régime, excluant ainsi les autres formes juridiques d’entreprises.

 

Le choix des bénéficiaires, fait par l’organe compétent sur la base du champ défini par l’AGE (salariés et/ou mandataires sociaux de la société et le cas échéant des sociétés liées, ou certaines catégories d’entre eux), est encadré par les impératifs d’égalité de traitement des salariés. Cela impose à l’entreprise de veiller à ce que tous les employés de la même catégorie soient traités de manière équitable lors de la distribution des actions gratuites, ce qui peut limiter la sélection des bénéficiaires.

 

La mise en place de ce régime peut être plus délicate en fonction de la cotation ou non de la société. En effet, dans les entreprises non cotées en bourse, il peut être difficile de vendre ou d’acheter des actions.

 

Des mécanismes comme les options de vente (put) ou d’achat (call) doivent être mis en place pour assurer que les employés puissent réaliser la valeur de leurs actions. Tandis que pour les sociétés cotées, les conditions de performance sont quasi-obligatoires (codes AFEP-MEDEF et Middlenext), au moins pour les attributions aux dirigeants mandataires sociaux. Cela signifie que pour pouvoir attribuer des actions gratuites à leurs dirigeants, les entreprises cotées doivent souvent respecter des critères de performance prédéfinis, ce qui peut limiter la flexibilité du régime.

 

Enfin, les dirigeants de l’entreprise doivent conserver une partie des actions qui leur ont été attribuées jusqu’à ce qu’ils quittent leur poste, ce qui peut limiter leur capacité à vendre ces actions librement.

 

Dès lors, si l’objectif de l’entreprise est de garantir aux dirigeants et/ou cadres dirigeants un certain niveau de revenu lors du départ à la retraite, le régime de retraite à prestations définies à droits acquis apparait comme le véhicule à privilégier.

 

Si la société souhaite plutôt fidéliser des dirigeants à un horizon indépendant de la retraite et d’une logique de rente, les actions gratuites peuvent s’avérer plus avantageuses, sous réserve de ne pas les attribuer au moment du départ, ce à quoi s’opposent les codes AFEP-MEDEF et Middlenext.

 

AUTEURS 

Florence Duprat-Cerri, Avocate counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats 

Christophe Frionnet, Avocat associé, CMS Francis Lefebvre Avocats 

Thibault Jabouley, Avocat counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats