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Evolution jurisprudentielle de la régularisation des autorisations d’urbanisme à l’initiative du pétitionnaire ou de l’autorité compétente

Evolution jurisprudentielle de la régularisation des autorisations d’urbanisme à l’initiative du pétitionnaire ou de l’autorité compétente

La démarche de régularisation des autorisations d’urbanisme d’un permis de construire par la délivrance d’un permis modificatif procède d’un courant jurisprudentiel initié depuis longtemps déjà (voir par exemple : CE, 15 janvier 1997, n°100494). Comme le notait le Rapport Labetoulle, le Conseil d’Etat, « faisant primer des considérations de pragmatisme sur la rigueur de ses principes traditionnels, admet qu’un permis modificatif vienne en quelque sorte s’incorporer, fût‐ce en cours d’instance, au permis initial dont les irrégularités ainsi effacées ne peuvent plus être utilement invoquées à l’appui du recours dirigé contre lui ».

Le législateur est ensuite intervenu par deux fois pour donner au juge des pouvoirs étendus en matière de régularisation : la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 qui a créé l’article L.600‐5 du Code de l’urbanisme et l’ordonnance n°2013-638 du 18 juillet 2013 qui a modifié l’article L.600-5 et crée l’article L.600-5-1 du Code de l’urbanisme.

Pour rappel, l’article L.600-5 du Code de l’urbanisme autorise le juge, alors même que le permis serait indivisible, à n’en prononcer qu’une annulation partielle dans le cas où une illégalité affecterait une partie identifiable de ce projet et où cette illégalité serait susceptible d’être régularisée par un permis modificatif.

L’article L.600-5-1 du Code de l’urbanisme permet au juge qui, ayant constaté qu’un vice entraînant l’illégalité d’un permis de construire était susceptible d’être régularisé par un permis modificatif, d’inviter à régulariser ce permis de construire en cours d’instance.

Dans un premier temps, le juge doit constater que les autres moyens ne sont pas fondés. Il invite les parties à présenter leurs observations, avant de surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation.

Dans un second temps, lorsque le permis modificatif est délivré, le juge invite les parties à présenter leurs observations sur ce permis de régularisation avant de se prononcer sur la légalité du permis de construire contesté devant lui.

Cet article a en principe vocation à s’appliquer aux permis de construire de régularisation délivrés sur invitation du juge. La jurisprudence récente est cependant venue confirmer que la régularisation spontanée à l’initiative du pétitionnaire ou de l’Administration est toujours possible et en a fixé le régime contentieux.

L’année 2018 ayant ainsi été riche d’arrêts en la matière, nous vous proposons d’en faire ici la synthèse.

Le premier arrêt qui mérite notre attention est celui du 7 mars 2018, n°404079 et 404080, dans lequel le Conseil d’Etat a précisé les conditions de régularisation d’un permis de construire à la suite d’une modification d’un document d’urbanisme.

Un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale en vue de la réalisation d’un bâtiment commercial avait été délivré par le maire de Wissenburg. Or, le terrain d’assiette du projet était grevé d’une servitude d’emplacement réservé par le plan local d’urbanisme intercommunal pour la réalisation d’un parc de stationnement pour poids lourds.

Cette servitude ayant toutefois été supprimée, un permis de construire modificatif régularisant l’illégalité du permis initial, tirée de la méconnaissance de la destination assignée à l’emplacement réservé, a été délivré sur le fondement du plan local d’urbanisme modifié.

Le Conseil d’Etat a d’abord rappelé le principe selon lequel lorsqu’un permis de construire est délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’un permis modificatif, dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause et répond aux exigences de formes ou formalités qui avaient été omises.

Dans ce cas, la régularisation peut avoir pour objet de prendre en compte l’évolution favorable au projet, postérieurement au permis initial, de la règle d’urbanisme, alors même que le projet n’a pas été modifié.

Ainsi, un permis modificatif peut régulariser une illégalité affectant un permis initial.

A cela, le Conseil d’Etat a ajouté que le permis de construire « peut, de même, être régularisé par un permis modificatif si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par le permis initial a été entretemps modifiée ; que les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial ».

Rappelons que la jurisprudence est de plus en plus favorable à une telle régularisation. Ainsi, un arrêt du Conseil d’Etat n°395867 du 28 avril 2017 autorise la production d’un permis de construire modificatif, même après l’audience, au moyen d’une note en délibéré contraignant le juge à rouvrir l’instruction.

Cette possibilité de produire tardivement est néanmoins conditionnée :

  • un tel permis ne peut être produit avant la clôture de l’instruction ;
  • et il ne peut être regardé comme un nouveau permis de construire.

Le deuxième arrêt marquant de l’année est un arrêt du Conseil d’Etat du 22 février 2018, n°389518, qui se prononce sur les conditions dans lesquelles le juge administratif saisi d’un recours contre un permis de construire peut prendre en compte le permis de régularisation produit spontanément.

Cet arrêt précise la démarche à suivre par le juge dans l’hypothèse où l’Administration transmet spontanément des éléments visant à la régularisation d’un vice de nature à entraîner l’annulation du permis de construire :

  • le juge peut se fonder sur ces éléments sans être tenu de surseoir à statuer, dès lors qu’il a préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur la question de savoir si ces éléments permettent une régularisation « en application de l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme ». Ce faisant, le Conseil d’Etat invite le juge administratif à faire application de l’article L.600-5-1 qui a en principe vocation à s’appliquer aux permis de construire délivrés à l’invitation du juge ;
  • néanmoins le juge peut, notamment après avoir invité les parties à présenter leurs observations, être tenu de sursoir à statuer si les éléments spontanément transmis ne sont pas suffisants pour lui permettre de regarder le vice comme régularisé.

Ce principe a été repris dans un arrêt du 6 avril 2018, n°402714, Association Nature Aménagement Réfléchi Territoire Environnement Culture Sauvegardés NAR-TEC : « Dans le cas où l’administration lui transmet spontanément un permis modificatif en vue de la régularisation d’un vice de nature à entraîner l’annulation du permis attaqué, le juge peut prendre en considération ce nouvel acte sans être tenu de surseoir à statuer, dès lors qu’il a préalablement invité les parties à présenter leurs observations sur la question de savoir s’il permet une régularisation en application de l’article L. 600-5-1 du code de l’urbanisme ».

Le Conseil d’Etat ajoute : « qu’à cette occasion, il appartient à la partie qui poursuit l’annulation du permis initial, si elle s’y croit fondée, de contester la légalité du permis modificatif, ce qu’elle peut faire utilement par des moyens propres et au motif que le permis initial n’était pas régularisable ».

Ainsi, la Haute juridiction invite le requérant à contester la légalité du permis modificatif devant le juge saisi de l’instance initiale (qui peut être, le cas échéant, le juge d’appel), soit en invoquant des moyens propres au permis modificatif, soit en contestant le caractère régularisable du permis de construire initial.

Il appartiendra donc au juge saisi du recours contre le permis initial d’écarter ces moyens pour admettre la régularisation de ce permis par le permis modificatif.

 

Auteurs

Florence Cherel, avocat associé, droit immobilier et droit public

Iris Pariset, avocat, en droit de la construction et droit de l’urbanisme

 

Evolution jurisprudentielle de la régularisation des autorisations d’urbanisme à l’initiative du pétitionnaire ou de l’autorité compétente – Article paru dans la Lettre Construction-Urbanisme de septembre 2018