Remises de fin d’année : quel risque d’avantage manifestement disproportionné ou de déséquilibre significatif ?
La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) s’est prononcée sur la régularité et le caractère proportionné des remises de fin d’année prévues dans le cadre de contrats passés entre un client industriel et des prestataires de services au regard de l’article L.442-6, I, 1° et 2° du Code de commerce.
En l’occurrence, il était question d’un barème de remises de fin d’année déclenchées à partir d’un certain seuil de chiffre d’affaires annuel hors taxe : le pourcentage variait entre 3 et 6% ; le même pourcentage avait vocation à s’appliquer à une tranche de chiffre d’affaires donnée, le pourcentage plus élevé prévu en cas de franchissement d’un nouveau seuil ne jouant que pour cette dernière tranche.
Selon la CEPC, si la généralité des termes de l’article L.442-6, I, 1° visant le fait « d’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu » ne permet pas d’exclure qu’une pratique de remise de fin d’année puisse s’analyser en un « service commercial », et que la victime de cette pratique puisse être considérée comme « un partenaire commercial », il n’est pas pour autant acquis que cette pratique puisse être examinée sur ce fondement « en l’état du droit positif » (avis CEPC n° 15-24 du 23 juillet 2015).
En tout état de cause, pour contrevenir au texte précité, l’avantage constitué par la remise ne doit correspondre à aucun service effectivement rendu ou apparaître manifestement disproportionné avec le service rendu. Or, la réalisation d’un certain chiffre d’affaires déclenchant la remise de fin d’année présente un intérêt indéniable pour le prestataire qui en bénéficie. Par ailleurs, le barème progressif peut être de nature à écarter le risque d’un avantage manifestement disproportionné (remise de fin d’année prévue seulement en cas de franchissement d’un certain seuil de chiffre d’affaires) sous réserve que les taux de remise ne soient pas excessifs.
Le doute ainsi exprimé, quant à l’application de l’article L.442-6, I, 1°, conduit la CEPC à envisager celle de l’article L.442-6, I, 2° prohibant le déséquilibre significatif. Ce texte pourrait appréhender la pratique concernée, à la condition toutefois qu’il soit préalablement démontré la soumission ou la tentative de soumission du partenaire commercial mais aussi que les « conditions commerciales [sont] telles que [le partenaire] ne reçoit qu’une contrepartie dont la valeur est disproportionnée de manière importante à ce qu’il donne » (CA Paris 1er octobre 2014, n° 13/16336).
Pour la CEPC, la démonstration du déséquilibre significatif d’ordre tarifaire et celle de l’avantage manifestement disproportionné au regard de la valeur du service s’effectuant donc de façon similaire, la construction du barème, sous réserve que les pourcentages retenus ne soient pas excessifs, paraît bien écarter le risque d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Auteur
Elisabeth Flaicher-Maneval, avocat Counsel au sein du département de doctrine juridique.