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Renforcement de la protection relative des jeunes parents contre la rupture du contrat de travail

Renforcement de la protection relative des jeunes parents contre la rupture du contrat de travail

Parmi les multiples dispositions issues de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, l’une d’entre elles, parmi tant d’autres, mérite de retenir l’attention en ce qu’elle renforce la protection contre la rupture du contrat de travail des jeunes mères à la suite du terme du congé maternité tout comme celle des jeunes pères à la suite de la naissance de leur enfant.

Par ailleurs, et s’agissant de la mère, les nouveaux textes précisent le point de départ du délai de protection relative dans certaines circonstances, confirmant en cela une position de la Cour de cassation. Tandis que cette dernière vient d’apporter une nouvelle précision sur le point de départ de la protection en cas de dispense d’activité sur l’initiative de l’employeur, postérieurement au terme du congé maternité.

Une protection relative de la jeune mère pendant dix semaines suivant le terme du congé maternité

Modifié par la loi Travail, l’article L. 1225-4 du Code du travail dispose désormais qu’aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constatée, pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité, ainsi que pendant les dix semaines suivant l’expiration de ces périodes.

Du texte remanié, on en conclut donc un allongement significatif de la période de protection dite «relative» à la suite du congé maternité, passant de quatre à dix semaines.

En conséquence, sauf faute grave non liée avec la maternité ou l’état de grossesse, ou en raison d’une impossibilité de maintenir le contrat de travail dépourvue de lien avec la maternité ou l’accouchement, rappelant que la seule existence d’un motif économique est à elle seule insuffisante à causer un licenciement pendant cette période, l’employeur ne peut procéder au licenciement de la salariée pendant les dix semaines suivant le terme du congé maternité.

Point de départ de la protection au terme des congés payés pris immédiatement après le congé maternité

Une précision essentielle est apportée par les textes en cas de prise de congés payés immédiatement après le congé maternité. En effet, à l’analyse des dispositions de l’article L. 1225-4 du Code du travail, en cas de prise de congés payés immédiatement après le congé maternité, la période de protection de dix semaines ne court qu’au terme desdits congés. Partant, la période de protection dite «absolue» serait étendue aux congés payés accolés au congé maternité.

Dès lors et tant pendant le congé maternité, ce qui n’est pas nouveau, mais également pendant les congés payés pris immédiatement après ce dernier, la rupture du contrat de travail ne pourrait ni prendre effet ni être notifiée.

Ce faisant, et au-delà de l’allongement très significatif des délais de protection relative, le législateur entérine une solution déjà dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans ses décisions du 30 avril 20141 et du 8 juillet 2015 à propos des congés payés faisant suite au congé maternité.

En effet et dans ces décisions, la Cour avait pu juger que la prise des congés immédiatement après le terme du congé maternité avait pour effet de suspendre le point de départ du délai de quatre semaines applicable à l’époque des faits.

On déduit également du nouveau texte qu’en cas de reprise d’activité professionnelle suivant un congé maternité et de prise de congés payés par la suite, seule la protection relative aurait vocation à s’appliquer et la période de dix semaines ne serait vraisemblablement pas suspendue par cette prise de congés payés.

La question de la dispense d’activité rémunérée par l’employeur suivant le terme du congé maternité

Si les textes et la jurisprudence ont pris position sur l’incidence de la maladie et des congés payés sur la protection, pouvait se poser la question de l’incidence de la dispense d’activité rémunérée à l’initiative de l’employeur sur le point de départ de la protection post congé maternité.

La Cour de cassation répond à la question par une décision du 14 septembre 2016.

Dans cette décision, une salariée était en congé maternité jusqu’au 6 août 2010. Parce que son poste était compris dans un plan de restructuration et de suppression de postes, son employeur la dispense d’activité en maintenant sa rémunération à compter du 6 août 2010. La salariée, licenciée le 27 septembre 2010 pour motif économique, conteste la mesure au motif qu’elle lui a été notifiée pendant la période de protection ; la dispense d’activité n’ayant pas, selon elle, fait courir le délai de protection relative.

A tort, pour la Cour de cassation, qui confirme l’arrêt d’appel. Selon les juges du droit, la période de quatre semaines, applicable à l’époque des faits, suivant le congé maternité n’est suspendue que par la prise de congés payés suivant immédiatement le congé maternité, son point de départ étant alors reporté à la date de la reprise du travail par la salariée2.

Outre juger que la suspension d’activité avec maintien de rémunération à l’initiative de l’employeur ne reporte pas le point de départ de la période de protection relative, la Cour apporte dans cette décision, une intéressante précision.

En effet, la Cour considère que, dans un contexte très spécifique de licenciement pour motif économique assorti d’une procédure de consultation des institutions représentatives du personnel et de recherche corrélative de solutions de reclassement, les démarches préalables de l’employeur, donc pendant la période de protection absolue, ne constituent pas des actes préparatoires au licenciement susceptibles de caractériser une discrimination prohibée.

La protection relative de dix semaines logiquement étendue au jeune père par la loi Travail

Enfin, la loi Travail étend la période de protection de dix semaines au jeune père (celle-ci était de quatre semaines avant l’entrée en vigueur de la loi Travail) et ceci à compter du jour de la naissance de l’enfant, que le père prenne un congé de naissance ou un congé de paternité (article L. 1224-5-1 du Code du travail). Le texte prévoit pour cette protection relative les mêmes limites que pour la mère : justification d’une faute grave de l’intéressé ou de l’impossibilité pour l’employeur de maintenir le contrat de travail pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant.

On relèvera que s’il est désormais aisé de déterminer le point de départ du délai de protection relative pour la jeune mère (terme du congé maternité ou terme des congés payés pris immédiatement après le congé maternité), tel n’est pas nécessairement le cas pour le jeune père, non tenu de fournir spontanément à son employeur la date de naissance de son enfant.

Compte tenu de la nouvelle durée de la protection relative, l’employeur serait donc bien inspiré de solliciter cette information auprès du salarié …

Les dispositions de la loi Travail sur ces points sont entrées en vigueur au lendemain de la publication de la loi.

Notes

1 Voir l’article «La protection de la salariée à l’issue de son congé maternité : précisions de la Cour de cassation», Laure Soyer et Vincent Delage
2 Cass. soc.

Auteur

Vincent Delage, avocat associé en droit social

Renforcement de la protection relative des jeunes parents contre la rupture du contrat de travail – Article paru dans Les Echos Business le 12 octobre 2016