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Représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidats : une obligation de résultat ?

Représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidats : une obligation de résultat ?

La Cour de cassation continue de préciser sa jurisprudence sur l’application de la règle de représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidats aux élections des représentants du personnel.

Parmi les questions en suspens restait celle, essentielle, de l’impossibilité pratique pour une liste de candidats de présenter un nombre d’hommes ou de femmes correspondant à leur proportion dans le collège considéré à raison de leur absence de volonté de se présenter. Par un arrêt rendu le 22 septembre 2021, la Cour de cassation statue pour la première fois sur cette question (Cass. soc., 22 sept. 2021, n°20-16.556).

 

Une jurisprudence en construction

 

Aux termes de l’article L.2314-30 du Code du travail :

 

« Pour chaque collège électoral, les listes [de candidats] qui comportent plusieurs candidats sont composées d’un nombre de femmes et d’hommes correspondant à la part de femmes et d’hommes inscrits sur la liste électorale. Les listes sont composées alternativement d’un candidat de chaque sexe jusqu’à épuisement des candidats d’un des sexes.

Lorsque l’application du premier alinéa n’aboutit pas à un nombre entier de candidats à désigner pour chacun des deux sexes, il est procédé à l’arrondi arithmétique suivant :

1° Arrondi à l’entier supérieur en cas de décimale supérieure ou égale à 5 ;

2° Arrondi à l’entier inférieur en cas de décimale strictement inférieure à 5 […] ».

 

Le non-respect de cette règle est sanctionné par « l’annulation de l’élection d’un nombre d’élus du sexe surreprésenté égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats au regard de la part de femmes et d’hommes que celle-ci devait respecter » (C. trav., art. L.2314-32).

Depuis leur entrée en vigueur, ces dispositions ont fait l’objet d’un important contentieux et donné lieu à une abondante jurisprudence de la Cour de cassation qui a peu à peu précisé les contours de cette obligation.

 

Après avoir jugé dans un premier temps que, lorsque deux sièges sont à pourvoir dans un collège, la liste de candidats doit nécessairement comporter un homme et une femme (Cass. soc., 9 mai 2018, n° 17-14.2018), la Cour a ensuite précisé que lorsque l’application des règles de l’article L.2314-30 conduit à écarter totalement la représentation de l’un des deux sexes, la liste peut ne comporter qu’un candidat unique ou plusieurs candidats du sexe surreprésenté même si les syndicats conservent alors la faculté de faire figurer sur leur liste un représentant du sexe ultra minoritaire.

Toutefois, ceux-ci ne sauraient alors y être tenus.

Lorsque la règle de l’arrondi impose la présence d’un candidat du sexe sous-représenté sur la liste, le syndicat ne peut pas recalculer la proportion de femmes et d’hommes en fonction du nombre de candidats figurant sur la liste pour considérer qu’il n’y a pas lieu d’y faire figurer un candidat du sexe sous-représenté (Cass. soc. 11 déc. 2019, n° 19-10.826 ; Cass. soc., 27 juil. 2020, n° 20-16.556).

La Cour a également jugé que cette disposition ne s’applique pas lorsqu’un seul siège est à pourvoir

 

Plus récemment encore, la Chambre sociale a jugé que (Cass. soc., 25 nov. 2020, n° 19-60.222) :

 

« Les dispositions de l’article L. 2314-30, éclairées par les travaux parlementaires, s’appliquent aux organisations syndicales qui doivent, au premier tour pour lequel elles bénéficient du monopole de présentation des listes de candidats et, par suite, au second tour, constituer des listes qui respectent la représentation équilibrée des femmes et des hommes. Elles ne s’appliquent pas aux candidatures libres présentées au second tour des élections professionnelles ».

 

Avec l’arrêt du 22 septembre 2021, la Cour de cassation poursuit la construction de sa jurisprudence relative à l’obligation de représentation équilibrée des femmes et des femmes sur les listes de candidats aux élections.

 

L’impossibilité de trouver des candidats comme justification de la présentation d’une liste non conforme ?

Dans cette affaire, trois hommes, candidats dans le premier collège, avaient été élus sur la liste présentée par un syndicat.

Considérant que cette liste ne respectait pas les prescriptions légales en matière de représentation équilibrée des femmes et des hommes, un syndicat concurrent avait saisi le tribunal judiciaire d’une demande d’annulation de leur élection.

Cette demande avait été rejetée par le tribunal judiciaire au motif que les conflits existants entre le syndicat et la direction avaient empêché les femmes de se présenter sur sa liste, de sorte que le syndicat avait été dans l’impossibilité de présenter des femmes candidates dans le premier collège.

Le tribunal en a déduit que l’élection des trois hommes était régulière.

 

Par cette solution le tribunal judiciaire semblait ainsi considérer implicitement que le fait que le syndicat avait fourni tous les efforts requis pour présenter sur sa liste de candidats un nombre d’hommes ou de femmes conforme à leur proportion dans le collège considéré, il ne pouvait lui être reproché de ne pas y être parvenu.

La Cour de cassation rejette pleinement ce raisonnement. Elle a en effet jugé que le tribunal a statué par un motif inopérant et qu’il appartenait seulement à ce dernier de rechercher la proportion de femmes et d’hommes dans le premier collège et de vérifier si les listes de candidats satisfaisaient aux dispositions légales.

 

Une décision lourde de conséquences pour les syndicats

Par cette décision, la Cour de cassation répond par la négative à la question de savoir si l’impossibilité pour le syndicat de présenter des listes de candidats conformes à la proportion de femmes et d’hommes dans le collège peut, lorsqu’elle est établie justifier la présentation d’une liste ne répondant pas aux exigences légales.

En d’autres termes, même lorsque ceux qui portent la liste démontrent avoir fait leurs meilleurs efforts pour trouver des candidats de l’un ou l’autre sexe permettant de respecter cette proportion, il ne peut être dérogé aux dispositions de l’article L. 2314-30 du Code du travail.

 

Ce faisant, la Cour de cassation fait de l’obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes de candidats, une véritable obligation de résultat et non une obligation de moyens.

 

Cette décision est loin d’être sans conséquence pour les porteurs de listes qui, si ils ne sont pas en mesure de présenter une liste de candidats conforme à la loi, s’exposent alors à l’annulation de l’élection d’un nombre d’élus égal au nombre de candidats du sexe surreprésenté en surnombre sur la liste de candidats.

Un léger tempérament peut cependant être apporté s’agissant des conséquences de cette décision : l’article L. 2314-30 du Code du travail prévoit que lorsque l’application de la règle de proportionnalité conduit à exclure totalement l’un ou l’autre sexe, la liste de candidats peut comporter un candidat du sexe qui à défaut ne serait pas représenté, à condition toutefois que ce candidat ne soit pas placé en première position sur la liste.

Ainsi, lorsque, par exemple, la liste comporte seulement des candidatures masculines alors qu’elle aurait dû être constituée uniquement de femmes, ou inversement, l’annulation des élus en surnombre en application de l’article L2314-32 ne devrait pas conduire à l’annulation de tous les élus, puisque l’un d’entre eux serait valablement présent sur la liste au titre du sexe sous-représenté.

 

Vers une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité ?

Si au contraire, le juge devait, dans un tel cas, considérer que l’élection de tous les élus doit être annulée, on pourrait alors se demander si l’exigence de présentation d’une liste de candidats conforme à la proportion de femmes et d’hommes dans les collèges ne serait pas contraire au huitième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 qui consacre le principe de participation des travailleurs, par l’intermédiaire de leurs délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.

En effet, une telle solution conduirait à priver une organisation syndicale de toute représentation au comité social et économique.

 

Les chances de succès d’une question prioritaire de constitutionnalité en la matière seraient néanmoins très incertaines. En effet, la Cour de cassation a déjà rejeté le 3 juillet 2019 (décision QPC no 19-14879), une QPC ainsi rédigée :

 

« L’article L. 2314-30, alinéa 4, du code du travail, tel qu’interprété par la Cour de cassation, en ce qu’il impose que toute liste de candidat à l’élection des membres du comité social et économique comporte au moins une femme et un homme, quelle que soit la proportion de femmes et d’hommes au sein du collège électoral, est-elle contraire à la liberté syndicale et au droit à la participation consacrés par les 6ème et 8ème alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ? »