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Résultats de la sixième étude annuelle CMS sur les M&A

Approche comparée régionale et sectorielle des modes de détermination du prix dans les contrats de cession de titres, la sixième édition de l’étude CMS sur les fusions-acquisitions analyse les aspects juridiques et fiscaux des opérations de M&A conseillées par les cabinets membres de CMS en Europe.

La «CMS European M&A Study 2014» passe au crible 344 opérations de fusions-acquisitions en Europe. Elle souligne les différences contractuelles régionales et sectorielles que les avocats du réseau ont constatées lors du traitement de ces opérations. Cette étude est riche en enseignements, tant par la description comparée des pratiques contractuelles en matière de cessions d’actions que par les informations sur les pratiques M&A par secteur économique et grande région européenne. Si des tendances générales semblent se dessiner en Europe, quelques subtilités géographiques et sectorielles sont à noter dans l’ingénierie contractuelle de la détermination du prix ; laquelle, pratique européenne, semble toujours se démarquer de celle des Etats-Unis.

Une tendance haussière des transactions à prix fixe en Europe avec une spécificité germanique…

Contrairement à 2012, la France, comme le reste de l’Europe, a vu le nombre de transactions à prix fixe augmenter fortement pour presque retrouver son niveau de 2011 (48% en 2011, 18% en 2012, 44% en 2013). En Allemagne, le nombre d’opérations de ce type a également augmenté, mais de manière moins prononcée (39 % en 2012, 46 % en 2013).

Assez logiquement, les transactions assorties d’un mécanisme d’ajustement du prix sont de moins en moins nombreuses en Europe : elles représentaient 47% des opérations entre 2007 et 2012, et seulement 43% en 2013. A l’inverse, aux Etats-Unis, les mécanismes d’ajustement du prix sont la norme presque absolue, puisque 85% des transactions sont assorties d’un tel mécanisme.

Dans ce type de schéma à prix fixe, que l’on appelle également «locked box», l’acquéreur assume les risques entre la date de comptes de référence et la date de clôture. Les mécanismes de Iocked box ont pour avantage leur simplicité, leur rapidité et l’absence d’incertitude qui peut planer sur le prix. Elles ont toutefois le désavantage de faire porter le risque sur l’acquéreur pour l’éventuelle perte de valeur de la société cible entre le «signing» et le «closing». Par conséquent, l’acquéreur ne sera pas enclin à adopter une locked box lorsque l’audit aura révélé en amont certains risques de mise en jeu de la garantie de passif ; à laquelle le vendeur lui opposera les limitations et exceptions de la garantie de passif (franchise, plafond).

Une Allemagne qui se singularise de l’Europe et de la France dans le recours aux clauses d’«earn-out»

En 2013, l’Allemagne est devenue le pays des earn-out, avec 25% de ses opérations contenant ce type de mécanisme contractuel. Dans les mécanismes de complément de prix (dont l’earn-out), l’acquéreur ou le vendeur convient qu’une partie du prix sera déterminée en fonction des résultats futurs de la société cible.

Ce mécanisme permet donc à l’acquéreur de ne verser de complément de prix que si les résultats futurs de la cible sont bien ceux espérés, l’earn-out jouant alors le rôle de garantie pour l’acquéreur. De son côté, le vendeur peut espérer un prix total plus élevé que celui que l’acquéreur était initialement prêt à lui verser, l’earn-out permettant alors de capitaliser la création future de valeur.

Ces clauses, intéressantes de prime abord par leur dimension «gagnant-gagnant», sont complexes à mettre en œuvre mais permettent de trouver un équilibre dans des négociations tendues face à un avenir incertain. L’efficacité de cette clause et la prévention des contentieux nécessitent une rédaction précise, permettant de déterminer ultérieurement le montant de l’earn-out d’une manière objective et non contestable.

En se démarquant du reste de l’Europe, où les clauses d’earn-out sont présentes dans seulement 14% des opérations, l’Allemagne se rapproche ainsi de la pratique américaine qui compte également 25% de ses opérations avec une clause d’earn-out (contre 38% en 2012).

En France, en revanche, l’earn-out a véritablement tendance à se raréfier : en 2013 et par rapport à la période 2007-2012, le nombre de transactions assorties d’une telle clause a chuté de 15%, passant de 23% à 8%. Cela s’explique probablement par le contentieux important que génère ce type de clause en France et par les récentes décisions jurisprudentielles en la matière.

EBIT et EBITDA restent la norme pour le calcul des eam-out

Le critère adéquat pour le calcul de l’earn-out est souvent l’objet d’âpres négociations. Les transactions assorties d’une clause d’earn-out sont souvent basées sur l’EBIT/EBITDA (Earnings Before lnterest and Taxes/ Earnings Before lnterest, Taxes, Depreciation, and Amortization), les profits nets ou le chiffre d’affaires. En Europe, l’étude indique qu’il y a eu en 2013 une augmentation du recours au critère de l’EBIT/EBITDA (43% contre 36% de 2007 à 2012) et une diminution du recours à des critères assis sur les profits nets (11% contre 18% sur la période 2007-2012) eT chiffre d’affaires (21% contre 28% sur la période 2007-2012). A l’inverse, les clauses d’earn-out sont majoritairement fonction du chiffre d’affaires aux Etats-Unis (32%, contre 21% en Europe).

L’étude signale également une durée de l’earn-out qui s’allonge : en 2013, 30% des opérations incluent une période d’earn-out supérieure à trois ans, contre 19% en 2012. Ce qui peut être interprété comme une volonté de la part des opérateurs de réaliser des opérations basées sur des retours sur investissement à moyen voire long terme, ou encore comme un signe de confiance vis-à-vis de l’évolution du contexte économique.

D’un point de vue sectoriel, l’hôtellerie et les produits de consommation suivent la tendance des prix fixes, l’immobilier est à contre-courant

En 2013, le secteur de l’hôtellerie a connu une forte augmentation du nombre de transactions à prix fixe par rapport à 2012. En effet, entre 2007 et 2012, 30% des transactions de ce secteur seulement étaient assorties d’une clause de prix fixe (contre 50% en 2013). Inversement, il est intéressant de noter que, en 2013, ce secteur n’a connu aucune transaction assortie d’une clause d’earn-out, alors que, entre 2007 et 2012, 21% des opérations de ce secteur étaient assorties d’une telle clause.

Dans le secteur des produits de consommation, la tendance est identique : en 2012, 44% des opérations étaient assorties d’une clause de locked box, contre 60% en 2013. Les clauses d’earn-out y sont également en léger recul (14% entre 2007 et 2012, 13% en 2013).

En revanche, en 2013, les secteurs de l’immobilier et de la construction vont à contre-courant de cette tendance générale européenne. En effet, 29% des opérations de ce secteur étaient assorties d’une clause d’earn-out, contre seulement 16% en 2012.

Les tendances en termes d’ingénierie contractuelle sur la détermination du prix montrent que les acteurs de M&A sont prêts à investir, mais avec une certaine aversion au risque. Par conséquent, côté acquéreurs, ils réalisent des opérations, avec en amont une prépa¬ration intense et des audits juridiques, financiers, stratégiques, fiscaux, ou plus spécifiques selon les secteurs. L’optimisation des droits de propriété intellectuelle est notamment un sujet incontournable dans les Medtech et les sciences de la vie. Côté vendeurs, un audit réalisé par ces derniers («Vendor Due Diligence») dans un processus de vente leur donne un avantage certain dans les négociations et leur facilite l’obtention d’offres fermes — telles les locked box et financées, pour des sociétés de grande qualité et donc relativement convoitées. Faire jouer la concurrence permet aux vendeurs d’imposer plus facilement leurs conditions.

 

A propos des auteurs

Jacques Isnard, avocat associé. Spécialisé en droit des sociétés, il intervient notamment : dans le cadre de l’élaboration de la documentation et des actes juridiques, de l’assistance à la négociation, d’acquisitions, de cessions ou de joint-ventures, de pactes d’actionnaires, d’opérations de restructuration (fusions, apports, etc.) au plan français et international, de montages de financement (opérations en fonds propres, MBO, MBI), et de missions de capital-investissement, de data-rooms ou d’audits juridiques ainsi qu’en matière de droit boursier & IPO.

Isabelle Eid, avocat et responsable knowledge management corporate.

 

Article paru dans la revue Option Droit & Affaires le 16 avril 2014