Revenus déclarés par des tiers : une précision bienvenue en matière de contestation des montants réputés versés
La loi oblige diverses entités dénommées « tiers-déclarants » (employeurs, établissements bancaires…) à porter à la connaissance de l’administration la nature et le montant des revenus qu’elles versent, ainsi que l’identité des bénéficiaires. Ces déclarations concernent notamment les salaires, les commissions et honoraires, les dividendes et les intérêts.
Lorsqu’un tiers-déclarant commet une erreur, il est souvent délicat pour le contribuable concerné de justifier le montant effectivement perçu ou de prouver l’absence de perception au titre de l’année concernée.
A titre d’illustration, si l’employeur déclare par inadvertance avoir versé à un salarié une prime de 10.000 € en réalité versée à un autre, l’administration pourra s’estimer fondée à imposer cette prime. La production par le salarié de ses bulletins de salaires ne suffit pas toujours à obtenir gain de cause. Si une attestation de l’employeur peut s’avérer opportune et efficace, sa production nécessite des (bonnes) relations avec l’employeur, or ces relations ont pu cesser à la date de la déclaration ou du contrôle.
Dans la situation, proche, d’un salarié ayant fait l’objet d’un redressement à raison de sommes portées par l’employeur dans la déclaration annuelle des salaires mais qui avaient été perçues et imposées au titre de l’année précédente (erreur de décalage), le Conseil d’Etat a toutefois apporté une heureuse précision qui nous semble applicable à l’ensemble des situations considérées.
En effet, dans une décision du 20 mai 2016 (n°387479), après avoir rappelé que l’administration supporte la charge de la preuve de la perception d’un revenu imposable et « doit être regardée comme apportant une telle preuve en se fondant sur les montants mentionnés sur une déclaration » souscrite par le tiers débiteur, le Conseil d’Etat précise que « si le contribuable fait état d’éléments sérieux de nature à faire apparaître que cette déclaration […] comporte des inexactitudes », il incombe alors à l’administration de démontrer, par la présentation de preuves complémentaires, la perception du revenu qu’elle entend imposer.
Cette précision est appréciable dès lors que les déclarations souscrites par les débiteurs ne peuvent être réputées infaillibles.
En prévision d’une contestation toujours possible, les contribuables ont donc intérêt à conserver les justificatifs (relevés de compte, bulletins de salaires…) susceptibles de rendre vraisemblable l’inexactitude des déclarations des tiers-déclarants.
Auteurs
Pierre Carcelero, avocat, droit fiscal.
Camille Prévot, avocat, droit fiscal