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Rupture conventionnelle : le vice de consentement de l’employeur peut entrainer sa nullité, qui produit les effets d’une démission

Rupture conventionnelle : le vice de consentement de l’employeur peut entrainer sa nullité, qui produit les effets d’une démission

Le consentement de chacune des parties à la rupture conventionnelle homologuée (RCH) est, on le sait, une condition essentielle de la conclusion d’une RCH. A défaut, la rupture conventionnelle est nulle.

 

Pour être valable le consentement de chacune des parties doit être libre et éclairé. Aux termes des articles 1130 et suivants du Code civil :

 

« L’erreur, le dol et la violence vicient le consentement lorsqu’ils sont de telle nature que, sans eux, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.»

 

Ainsi, l’erreur, le dol (manœuvres ayant pour objet de tromper l’autre partie) ou la violence sont de nature à entrainer la nullité de la convention de rupture s’ils sont déterminants du consentement de l’une des parties (Cass. soc., 26 mars 1996, n°94-43.296). La Cour de cassation fait ainsi application aux RCH des règles du Code civil qui régissent les contrats.

 

Si la demande de nullité de la rupture émane le plus souvent du salarié, l’employeur peut également invoquer un vice de son consentement pour remettre en cause la validité de la rupture conventionnelle qu’il a conclue avec le salarié.

 

La Cour de cassation en donne une récente illustration à l’occasion de l’annulation d’une rupture conventionnelle en précisant, pour la première fois à notre connaissance, les conséquences de la nullité lorsqu’elle est imputable aux agissements du salarié (Cass soc., 19 juin 2024, n°23-10.817).

 

Le vice du consentement de l’employeur entraine la nullité de la rupture conventionnelle

 

Dans cette affaire, un salarié avait demandé à son employeur la conclusion d’une rupture conventionnelle, en lui faisant part de son souhait d’effectuer une reconversion professionnelle dans le management.

 

Quelques mois après la signature de la convention de rupture, l’employeur, après avoir appris que le salarié avait créé une société concurrente à la sienne avec deux anciens salariés de son entreprise et que ce projet était déjà abouti avant même la signature de la convention, avait saisi le conseil de prud’hommes aux fins d’obtenir l’annulation de la rupture conventionnelle.

 

Il estimait, en effet, que le salarié avait commis une réticence dolosive en lui dissimulant son projet de créer une entreprise concurrente de la sienne pour le déterminer à contracter.

 

Le conseil de prud’hommes, puis la cour d’appel, avaient fait droit à la demande de l’employeur et prononcé la nullité de la rupture conventionnelle en raison des manœuvres dolosives du salarié ayant vicié son consentement.

 

Le salarié s’était alors pourvu en cassation et soutenait, à l’appui de son pourvoi, qu’:

 

    • en l’absence de clause de non-concurrence, il n’était pas tenu de révéler spontanément à son employeur son projet de création d’une activité concurrente ni les actes préparatoires qu’il avait effectués de sorte qu’aucune réticence dolosive ne pouvait lui être reprochée ;
    • il avait fait part à l’employeur de son souhait de reconversion, de sorte qu’en annulant la rupture conventionnelle, la cour d’appel a porté une atteinte disproportionnée au principe fondamental de libre exercice d’une activité professionnelle ;
    • enfin, le caractère déterminant, dans le consentement de l’employeur, de l’information relative au projet de création d’une activité concurrente, n’était pas rapportée.

 

Pour rejeter les arguments du salarié, la Cour de cassation énonce un raisonnement en deux temps.

 

Dans un premier temps, la Cour, rappelle qu’aux termes de l’article 1137 du Code civil, constitue un dol, la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie.

 

Dans un second temps, la Cour approuve les juges du fond d’avoir décidé que le consentement de l’employeur avait été vicié dès lors :

 

    • d’une part, que ce dernier s’était déterminé au regard du seul souhait de reconversion professionnelle dans le management invoqué par le salarié ;
    • d’autre part, que le salarié avait volontairement dissimulé des éléments dont il connaissait le caractère déterminant pour l’employeur, aux fins d’obtenir son consentement à la rupture conventionnelle.

 

Ainsi, la Cour de cassation admet la nullité de la rupture conventionnelle en raison du dol du salarié après avoir constaté le caractère, non seulement intentionnel de la dissimulation, mais aussi, déterminant de ces informations pour obtenir le consentement de l’employeur.

 

Dans une précédente affaire, la Cour avait refusé de prononcer la nullité de la rupture conventionnelle en raison de manœuvres dolosives du salarié à défaut, pour les juges du fond, d’avoir démontré que le projet de reconversion professionnelle présenté par le salarié à son employeur avait déterminé le consentement de ce dernier à la rupture conventionnelle (Cass. soc., 11 mai 2022, n°20-15.909).

 

Une nullité qui produit les effets d’une démission

 

Le salarié reprochait également à la cour d’appel d’avoir décidé que la rupture conventionnelle annulée produisait les effets d’une démission et de l’avoir, en conséquence, condamné au versement d’une somme au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et au remboursement de la somme perçue au titre de l’indemnité spécifique de rupture.

 

Là encore, la Cour de cassation refuse de suivre l’argumentation du salarié et pose le principe suivant :

 

« Lorsque le contrat de travail est rompu en exécution d’une convention de rupture ensuite annulée en raison d’un vice du consentement de l’employeur, la rupture produit les effets d’une démission ».

 

Cette solution est logique dès lors que la Cour de cassation a déjà jugé que, lorsque la rupture conventionnelle est annulée en raison d’un vice de consentement du salarié, elle produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 16 septembre 2015, n°14-13.830).

 

Ainsi, sous réserve que l’information dissimulée ait été déterminante du consentement à la rupture conventionnelle et qu’il soit en mesure d’en rapporter la preuve, l’employeur peut désormais obtenir la nullité de la rupture conventionnelle conclue avec le salarié, qui produit les effets d’une démission.