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Rupture conventionnelle : la seule voie possible ?

Rupture conventionnelle : la seule voie possible ?

Depuis la loi du 25 juin 2008, la rupture conventionnelle homologuée a fait son apparition dans le Code du travail, soulevant la question de l’articulation de ce nouveau mode de rupture avec la rupture amiable de droit commun résultant de l’article 1134 du Code civil.

La doctrine était partagée, la jurisprudence aussi. La Cour de cassation vient d’apporter une réponse claire dans un arrêt du 15 octobre 2014.

Le monopole de la rupture conventionnelle homologuée

Depuis l’apparition de la rupture conventionnelle homologuée, se posait la question de la survie de l’accord amiable résultant du droit commun des contrats.

Il s’agissait en l’espèce pour les Hauts magistrats de déterminer si la convention de rupture d’un commun accord conclue en 2009 entre un employeur et une salariée sans que soit empruntée la voie de la rupture conventionnelle présente une irrégularité de nature à entrainer la requalification de la rupture amiable en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation, après avoir précisé à diverses occasions le régime de la rupture conventionnelle, en précise ici le champ d’application en affirmant fermement que la rupture conventionnelle régie par le Code du travail est exclusive de la rupture amiable régie par le Code civil, faisant ainsi application du principe classique selon lequel «specialia generalibus derogant» et confirmant ainsi la solution proposée par les juges du fond1. Désormais toute rupture du contrat de travail à durée indéterminée reposant sur un «accord amiable» doit donc obéir au régime de la rupture conventionnelle, à moins que la loi n’en dispose autrement. Cette décision, aussi fondamentale soit-elle, n’est pas surprenante puisque des juridictions du fond avaient déjà pu se prononcer en ce sens2.

Toute rupture d’un commun accord d’un contrat de travail à durée indéterminée qui interviendrait sans respect de la procédure propre à la rupture conventionnelle homologuée est sanctionnée par une requalification de la rupture en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, faute pour le salarié d’avoir pu bénéficier de la protection et de la sécurité conférées par ce régime. Exit donc la rupture amiable sur le fondement de l’article 1134 du Code civil.

Cette sanction vaut sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur l’existence ou non d’un vice du consentement.

Il transparait clairement de cette décision que les Hauts magistrats ont entendu faire de la rupture conventionnelle un mode impératif et exclusif de rupture amiable. La large publication dont cette décision bénéficie et le fait qu’elle soit destinée à figurer au rapport annuel de la Cour de cassation témoignent de la volonté des magistrats d’en faire une décision de principe. Toutefois, certains domaines ne sont pas impactés par cette décision.

 Les hypothèses exclues par la Cour de cassation

Le champ d’application de la décision rendue par la Cour de cassation ne vaut toutefois pas pour toutes les ruptures.

En effet, la Cour de cassation a réservé cette règle de principe à l’hypothèse des contrats à durée indéterminée. Par conséquent, les contrats suivants peuvent encore être rompus d’un commun accord sans avoir à respecter le formalisme de la rupture conventionnelle :

  • les contrats à durée déterminée (article L. 1243-1 du Code du travail) ;
  • les contrats d’apprentissage pendant la phase de formation (article L. 6222-18 du Code du travail).

Par ailleurs, la Cour de cassation a pris le soin d’ajouter à son attendu de principe : «sauf dispositions légales contraires», ce qui permet aussi d’exclure :

  • les ruptures résultant d’accords collectifs de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ;
  • les ruptures résultant de plans de sauvegarde de l’emploi.

Le maintien de ces hypothèses de départ négocié s’explique notamment par le fait que la protection du consentement qui résulte du formalisme de la rupture conventionnelle est «remplacée» par les protections collectives qui découlent de la négociation même du PSE ou de l’accord de GPEC.

Sont également exclues les ruptures amiables de contrats de travail liées à l’acceptation d’un congé de mobilité (article L. 1233-80 du Code du travail) ou d’un contrat de sécurisation professionnelle (article L. 1233-67 du Code du travail).

Enfin, il est possible que le législateur puisse, à l’avenir, prévoir de nouvelles dérogations au régime de la rupture conventionnelle.

La nécessité de revoir certaines pratiques RH…

En pratique, la solution de principe consacrée par la Cour de cassation doit conduire à revoir certaines pratiques notamment en matière de gestion de la mobilité intra-groupe. En effet, la rupture amiable conclue sur le fondement de l’article 1134 du Code civil permettait une certaine souplesse puisqu’il était possible de prévoir une rupture d’un commun accord avec un salarié lorsque celui-ci était muté dans une autre société du Groupe, en particulier en cas de départ ou de reclassement à l’étranger.

La consécration du régime de la rupture conventionnelle homologuée supposera désormais le respect d’un formalisme strict et de délais incompressibles. Ces contraintes qui n’existaient pas auparavant vont devoir être intégrées et anticipées.

Notes

1 Cour d’appel de Dijon, ch. soc. 30 juin 2011
2 Cour d’appel de Dijon, ch. soc. 5 mai 2011, n°10/00160 et Cour d’appel de Riom, 12 juin 2012, n°11/00992

 

Auteur

Caroline Froger-Michon,avocat en matière de droit social.

 

Article paru dans Décideurs de décembre 2014