Rupture du contrat d’agence commerciale : l’éternelle question de l’indemnité de fin de contrat
Après douze années d’exécution d’un contrat d’agent commercial, un mandant notifie à son agent la résiliation du contrat en raison de la dégradation constante des performances de l’intéressé malgré ses avertissements.
En application d’une clause du contrat, il octroie à l’agent une indemnité de rupture égale à six mois de commissions. L’agent conteste ce montant et engage alors une procédure pour son évaluation.
Après avoir rappelé les dispositions d’ordre public de l’article L.134-12 du Code de commerce, qui prévoient qu’en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi et celles de l’article L.134-16 qui énoncent qu’est réputée non écrite toute clause ou convention dérogeant, au détriment de l’agent commercial, aux dispositions de l’article précité, la Cour d’appel indique :
- d’une part, qu’il est de principe que les parties peuvent licitement convenir à l’avance d’une indemnité de rupture dès lors que celle-ci assure la réparation intégrale du préjudice subi par l’agent commercial ;
- et, d’autre part, que seule la faute grave de l’agent, distincte d’un simple manquement aux obligations contractuelles, est privative de l’indemnité de rupture de l’agent (CA Paris, 2 novembre 2017, n°16/13857).
En l’occurrence, le mandant n’entendait pas se prévaloir d’une faute grave puisqu’il proposait le versement de l’indemnité contractuellement prévue dont seul le montant était contesté.
Sur ce point, la Cour d’appel rappelle que le quantum de l’indemnité de rupture n’est pas réglementé et qu’il convient de statuer en fonction des circonstances spécifiques de la cause de façon à assurer la réparation de l’entier préjudice subi par l’agent commercial du fait de la perte de son mandat. Elle précise que le préjudice consiste en la perte pour l’avenir des revenus tirés de la clientèle commune. La Cour de cassation a déjà jugé, pour estimer l’indemnité prévue par l’article L.134-12 du Code de commerce, que la cessation du contrat faisait perdre à l’agent commercial la part du marché qu’il pouvait espérer de la poursuite du contrat et dont il justifiait par les commissions perçues pendant la durée du contrat (Cass. com., 8 novembre 2005, n°04-14.423).
Tout en soulignant que l’usage reconnu consistant à accorder une indemnité correspondant à deux années de commissions ne lie pas les juges, la Cour d’appel applique néanmoins ce quantum indemnitaire après avoir relevé au cas d’espèce, d’une part, la durée du mandat résilié et, d’autre part, l’étalement dans le temps et le caractère collectif des griefs reprochés à l’agent qui ne justifiaient pas qu’il soit privé de son indemnité. Cette décision démontre, bien qu’ils s’en défendent, la difficulté des juges à s’écarter d’une indemnité fixée à deux années de commissions, critère qui serait historiquement fondé sur la valorisation par l’administration fiscale de la valeur d’une carte d’agent commercial, mais qui serait aussi le prix que l’agent devrait payer pour acheter une carte lui procurant des revenus identiques (TGI Nanterre 1re ch. Sect. A, 8 avril 2002) ou encore le délai nécessaire à l’agent pour reconstituer une clientèle identique à celle perdue par la cessation de son mandat (T. com. Versailles, 5 février 1969 – GP 1969-2-35 ; T. com. Paris, 12 novembre 1975, SARL Sorepco c/ SA Duperry).
Ultime précision, la Cour de cassation a récemment confirmé que pour l’évaluation de l’indemnité qui revient à l’agent, il convient de tenir compte de tous les éléments de rémunération de l’intéressé pendant l’exécution du contrat, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon que cette rémunération provient de clients préexistants ou au contraire de clients apportés par l’agent (Cass. com., 10 février 2009, n°07-21.386).
Auteur
Brigitte Gauclère, avocat counsel, droit commercial, droit de la distribution et immobilier