Salariés étrangers : attention aux risques de travail illégal
2 janvier 2014
Evoluant au gré des alternances politiques et des directives européennes, le droit des étrangers est une matière complexe qu’il faut aborder avec prudence concernant les salariés étrangers non ressortissants de l’UE, de l’EEE ou de la Suisse.
Le travail illégal recouvre diverses situations qui nécessitent la vigilance de l’employeur :
- au stade du recrutement
- en cas de renouvellement d’un titre valant autorisation de travail
- si le salarié est en situation irrégulière.
Vérification obligatoire de la possession du titre de travail par l’employeur
L’employeur doit nécessairement communiquer au Préfet avant l’embauche l’autorisation de travail produite par le salarié étranger afin de s’assurer de sa validité.
Lorsqu’un salarié, non ressortissant de l’UE, de l’EEE ou de la Suisse, souhaite travailler sur le sol français, il doit obtenir une autorisation de travail.
Et il ne suffit pas pour l’employeur, de se faire remettre par le salarié un titre de travail. Il est en effet tenu de faire vérifier auprès du préfet du lieu d’embauche ou, à Paris, du préfet de police, sa validité.
L’employeur doit ainsi adresser au préfet, au moins deux jours ouvrables avant la date d’effet de l’embauche, une lettre accompagnée de la copie du document produit par l’étranger.
Cette vérification n’est pas obligatoire uniquement lorsque le ressortissant est inscrit à pôle-emploi ou détient déjà un titre de séjour « étudiant », l’employeur ayant alors fait une déclaration d’embauche auprès de l’administration.
Le travail illégal constituant un délit pénal, cette vérification est indispensable.
Que faire en cas d’attente de renouvellement de l’autorisation de travail ?
Le salarié étranger ne peut travailler que s’il présente un récépissé de demande de renouvellement valant autorisation de travail.
Il arrive qu’en cours de contrat, le salarié étranger doive renouveler son titre de séjour et ce faisant, son autorisation de travail.
- Si le salarié a fait sa demande dans les délais prévus, la préfecture lui délivre un récépissé de demande de renouvellement de titre de séjour qui constitue une autorisation de travail (Article R.5221-3 du code du travail).
- En cas de dépassement du délai et à défaut de délivrance de récépissé, le contrat de travail est souvent suspendu en pratique dans l’attente de la réponse de la préfecture. Mais une lecture stricte des textes devrait conduire à mettre fin au contrat de travail car à défaut le salarié est en situation de travail illégal s’il reste lié à la société par un contrat de travail.
Quels sont les risques pour l’employeur en cas de situation irrégulière ?
L’employeur d’un salarié étranger démuni de titre de travail régulier peut encourir à titre principal :
- une amende de 15 000 euros appliquée autant de fois qu’il y a de salariés étrangers indûment employés et cinq ans d’emprisonnement
- une contribution spéciale auprès de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) égale à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti. Son montant est réduit à 2 000 fois ce taux lorsque l’infraction ne concerne qu’un seul salarié indûment employé et porté à 15 000 fois ce même taux en cas de récidive dans les cinq ans.
Que faire si le salarié étranger est en situation irrégulière ?
Le salarié étranger doit être licencié mais sans qu’une procédure de licenciement ne soit juridiquement à respecter. Il a cependant droit au versement de certaines sommes.
Lorsqu’un employeur découvre qu’un salarié étranger est en situation irrégulière, le code du travail ne lui permet pas de conserver ce salarié à son service (Article L.8251-1 du code du travail). Les dispositions relatives à la procédure de licenciement ne s’appliquent cependant pas à la rupture du contrat de travail. (Cass. Soc., 4 Juillet 2012, N°11-18.840).
Pour autant, il est préférable que l’employeur demande par écrit au salarié de justifier de sa situation et le convoque à un entretien préalable afin d’éviter qu’un juge puisse considérer que le licenciement a été prononcé avec légèreté blâmable.
Attention, lorsque le salarié commet une fraude (production de faux papiers par exemple), la lettre de licenciement doit distinguer cette faute de l’irrégularité de la situation du salarié : l’irrégularité ne constitue pas en soi une faute grave (Cass. Soc., 4 Juillet 2012, N°11-18.840).
Indemnisation du salarié licencié en raison de sa situation irrégulière
Le salarié étranger licencié en raison de sa situation irrégulière a droit à certaines indemnités de fin de contrat.
Le salarié étranger embauché alors qu’il était en situation irrégulière a droit au versement des sommes suivantes (Article L.8252-2 du code du travail) :
- les congés payés,
- une indemnité forfaitaire représentant 3 mois de salaire,
Ou, si ces sommes sont plus élevées :
- l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement,
- l’indemnité de préavis.
Le salarié embauché en situation régulière mais ne disposant plus d’une autorisation de travail en cours de contrat (exemple refus du renouvellement du titre de séjour valant autorisation de travail) a droit selon la Cour de cassation, au versement des sommes suivantes :
- les congés payés,
- l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
Selon la Haute juridiction, l’indemnité de préavis n’a pas à être versée dans ce cas (Cass.soc. 14 octobre 1997, n°94.42604).
Mais quelle que soit sa situation, le salarié étranger licencié pour irrégularité de titre de séjour ne peut pas demander de dommages et intérêts pour absence de cause réelle et sérieuse (Article L.8252-2 du code du travail et Cass.soc. 13 novembre 2008, n°07-40689).
A propos des auteurs
Marie-Pierrre Schramm, avocat associée, spécialisée en conseil et en contentieux dans le domaine du droit social
Julia Zein, avocat en droit social
A lire également
Transaction rédigée en termes généraux : quelle est sa portée sur le sort d... 7 avril 2021 | CMS FL Social
Don de jours de repos : un nouveau dispositif... 18 avril 2018 | CMS FL
Une application jurisprudentielle plus réaliste de l’égalité de traitement... 9 novembre 2016 | CMS FL
Médecine du travail : une réforme source d’interrogations... 16 mars 2017 | CMS FL
Proposition simultanée d’une modification du contrat pour motif économique e... 24 novembre 2022 | Pascaline Neymond
Comment notifier la lettre de licenciement ?... 4 mai 2023 | Pascaline Neymond
Qui peut licencier dans un Groupe ? 21 septembre 2022 | Pascaline Neymond
La jurisprudence actuelle de la Cour de cassation : une plus grande sécurité j... 16 septembre 2015 | CMS FL
Articles récents
- La convention d’assurance chômage est agréée
- Sécurité sociale : quelles perspectives pour 2025 ?
- L’intérêt à agir exclut la possibilité pour un syndicat professionnel de demander la régularisation de situations individuelles de salariés
- Présomption de démission en cas d’abandon de poste : les précisions du Conseil d’Etat sur le contenu de la mise en demeure
- Quel budget pour la sécurité sociale en 2025 ?
- Syntec : quelles actualités ?
- Modification du taux horaire minimum de l’allocation d’activité partielle et de l’APLD
- Congés payés acquis et accident du travail antérieurs à la loi : premier éclairage de la Cour de cassation
- Télétravail à l’étranger et possible caractérisation d’une faute grave
- La « charte IA » : un outil de contrôle et de conformité désormais incontournable