Loi Sapin II : la prévention des difficultés des établissements bancaires est renforcée
Parmi les 169 articles de la future loi Sapin II, l’article 150 s’attache à parfaire le dispositif visant à prévenir la défaillance des établissements bancaires.
On rappellera que la directive « Résolution bancaire » du 15 mai 2014 (dir. BRRD) a imposé la mise en place, dans chaque Etat membre, d’une procédure de résolution devant s’articuler avec celle, prioritaire, susceptible d’être déclenchée dans le cadre d’un mécanisme de résolution unique au plan communautaire (Règl. (UE) n°806/2014 du 15 juillet 2014). La résolution peut être définie comme un dispositif de traitement administratif (par le collège de résolution de l’ACPR) des difficultés avérées ou prévisibles d’un établissement bancaire. Diverses mesures sont susceptibles d’être adoptées, notamment le renflouement interne dit bail-in, par opposition au bail-out qui conduit à sauver la banque défaillante grâce à l’argent public. Un bail-in est caractérisé par les pouvoirs dont dispose l’autorité de résolution pour annuler les dettes non garanties ou les convertir en capital.
Ce dispositif est entré en vigueur le 1er janvier 2016 après sa transposition par une ordonnance du 20 août 2015. Mais outre que l’ordonnance n’avait pas encore été ratifiée, certains ajustements techniques devaient être apportés à ce texte. Parmi les modifications dont l’article 150 évoqué plus haut est porteur, deux d’entre elles vont avoir une incidence certaine sur les contrats conclus par les établissements bancaires.
La première concerne le régime des obligations relatives à des contrats financiers qui ont pour contrepartie un établissement bancaire et qui peuvent inclure des accords de compensation (netting arrangement), c’est-à-dire des clauses de résiliation et/ou de compensation. Afin d’assurer l’efficacité des garanties assortissant les contrats financiers, ces clauses sont en principe immunisées contre les effets destructeurs d’une procédure d’insolvabilité ouverte contre l’établissement cocontractant. Ceci étant, il ne faut pas que l’exécution de ces accords de compensation soit de nature à entraver l’efficacité des mesures de résolution. D’où les règles dérogatoires inscrites aux articles L. 613-45-1 et L. 613-50-4 du Code monétaire et financier : la mise en œuvre d’une mesure de résolution (ou de prévention ou de gestion de crise) ne peut, à elle seule, être invoquée pour exercer les droits de résiliation ou de compensation attachés à de tels contrats. Il est désormais dit clairement que l’impossibilité d’exercer les droits de résiliation/compensation s’applique aussi bien à l’égard d’un tiers cocontractant qu’à l’égard d’un cocontractant appartenant au même groupe.
La seconde concerne l’article L. 613-55-13 du Code monétaire et financier, qui organise la « reconnaissance contractuelle du renflouement interne » (dir. BRRD, art. 55). Le texte impose aux établissements de crédit d’insérer dans les contrats financiers « une clause stipulant que le créancier reconnaît que l’engagement peut être converti ou sa valeur réduite […] par le collège de résolution dans l’exercice de ses prérogatives ». Sans cette clause, le créancier auquel de tels sacrifices seraient imposés serait en droit d’invoquer le principe communautaire connu sous le nom de « best interest test ». Selon ce principe, il n’est pas possible, dans le cadre d’une procédure de traitement de l’insolvabilité, de réduire les droits des créanciers en deçà du niveau qu’ils auraient pu raisonnablement escompter si l’entreprise du débiteur n’était pas restructurée et avait fait l’objet d’une liquidation immédiate (Recomm. 12 mars 2014). Seuls entrent donc dans le champ des pouvoirs dévolus au collège de résolution les contrats comportant une telle clause.
Toutefois, le libellé du texte issu de l’ordonnance de 2015 manquait de nuance. Aussi est-il prévu, d’une part, que cette obligation devra être appliquée « de manière proportionnée dans la mesure nécessaire pour garantir la résolvabilité » des établissements concernés. Selon les débats parlementaires, cela signifie concrètement que pourront être exclus de cette exigence certains contrats, du fait de leur nature (contrats de fourniture d’énergie) ou en raison de leur faible montant. D’autre part, le collège de résolution pourra décider d’étaler dans le temps la mise en application de cette obligation.
C’est donc une grande partie des contrats conclus par les établissements bancaires qui doivent faire l’objet d’une révision sans compter celle qu’impose le nouveau droit commun des contrats en vigueur depuis le 1er octobre 2016.
Auteur
Arnaud Reygrobellet, Avocat of Counsel, Doctrine juridique et Professeur à l’Université de Paris Ouest Nanterre