Savoir-faire du franchiseur : l’absence de site pilote n’est pas rédhibitoire
Il est relativement fréquent que dans un contentieux relatif à l’exécution d’un contrat de franchise, l’argument tiré de l’absence de savoir-faire du franchiseur soit invoqué par le franchisé pour obtenir l’annulation du contrat.
Tel était le cas dans le contentieux ci-après relaté (CA Paris, 7 décembre 2016, n°14/09212).
Dans cette affaire, un franchiseur exploitait un réseau de franchise sous l’enseigne « Aquila RH » dans le secteur de la fourniture et de la commercialisation de services de recrutement et de travail temporaire. Le 16 septembre 2010, le franchiseur avait ainsi conclu son premier contrat de franchise avec son premier franchisé. Trois ans après, un litige survenait cependant entre les parties : le franchisé mettait en demeure le franchiseur de faire cesser l’exploitation de deux sites Internet exploités par des sociétés tierces, contrôlées par le franchiseur. La lettre de mise en demeure visait expressément la clause résolutoire puisque le franchisé considérait que l’exploitation de ces sites Internet concurrençait directement son activité. Par courrier du 28 octobre 2013, le franchisé constatait finalement l’acquisition de la clause résolutoire.
Le franchiseur, qui contestait la résolution du contrat, assignait donc le franchisé le 8 janvier 2014 en résiliation fautive du contrat. Il n’a pas été suivi par le Tribunal de commerce qui a jugé que le contrat devait être annulé pour absence de cause en raison de l’absence de savoir-faire du franchiseur.
En effet, le franchisé avait fait valoir qu’il n’existait aucun site pilote préalable à la conclusion du contrat de franchise du 16 septembre 2010 et qu’il était le premier franchisé à avoir expérimenté le savoir-faire. Il soutenait que l’expérimentation du savoir-faire mise en place par le franchiseur au sein d’un autre réseau ne saurait valoir pour le réseau « Aquila RH ».
La Cour d’appel écarte cet argument au motif que si, par principe, le contrat de franchise est dépourvu de cause dès lors qu’il ne comporte pas la transmission d’un savoir-faire original et substantiel et qu’il n’existe pas de réseau commercial à la date de sa conclusion, il n’en demeure pas moins qu’un contrat n’est pas nul pour absence de cause dès lors que la marque du franchiseur jouit d’une notoriété certaine.
Elle relève en l’espèce que le franchiseur avait une expérience dans son domaine, à savoir la fourniture et la commercialisation de services de travail temporaire, de placement et de recrutement et que le concept du franchiseur et le savoir-faire de celui-ci avaient été expérimentés depuis 2009 sous une autre marque, dans le même secteur d’activité.
Elle conclut ainsi que l’absence de site pilote pour un réseau de franchise ne démontre pas, en soi, l’absence de savoir-faire.
L’arrêt, bien que d’espèce, mérite d’être mis en lumière, puisqu’il illustre la possibilité pour le franchiseur de se prévaloir, pour démontrer l’existence de son savoir-faire, de celui qu’il a développé dans un autre réseau, à condition néanmoins que les deux relèvent du même domaine de compétence.
Auteurs
Brigitte Gauclère, avocat counsel en droit commercial, de la distribution et immobilier
Miléna Oliva, avocat en droit commercial et droit de la distribution.