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Services d’investissement : non-professionnel ne rime pas toujours avec non-averti !

Services d’investissement : non-professionnel ne rime pas toujours avec non-averti !

Par deux arrêts de principe en date des 101 et 172 novembre 2015, la Chambre commerciale de la Cour de cassation a rappelé que les obligations d’une banque, d’un conseiller en investissement ou d’un prestataire de services d’investissement (un «Prestataire») à l’égard d’un client qui ne relève pas par nature de la catégorie des investisseurs qualifiés varient selon que ce client appartient ou non de la catégorie des investisseurs avertis.

Ces deux arrêts, se rapportant à des opérations intervenues sous l’empire de la réglementation antérieure à la Directive 2004/39/CE du 21 avril 2004 concernant les marchés d’instruments financiers («MIF 1»), ont exclu la responsabilité pour manquement à leurs obligations d’évaluation, d’information et de contrôle des Prestataires après avoir constaté que les circonstances de l’espèce permettaient d’établir que les demandeurs disposaient d’une expérience et d’une connaissance suffisantes pour apprécier les risques liés aux opérations qu’ils avaient conclues. S’il est permis de s’interroger sur l’issue qu’auraient connue ces deux espèces sous le régime de MIF 1 qui ne distingue que les clients professionnels des non-professionnels, on peut toutefois penser que la solution retenue serait parfaitement compatible avec le régime juridique actuel issu de cette directive et que les conclusions qui peuvent en être tirées conserveront leur pertinence sous l’empire de la Directive 2014/65/UE du 15 mai 2014 («MIF 2»).

Tout d’abord, si la dichotomie clients non-professionnels et clients professionnels structure l’approche de MIF 1, elle ne repose pas sur une appréciation in abstracto : au contraire, le Prestataire est tenu de rechercher le caractère «adapté» d’un produit ou service, ce qui implique une analyse in concreto.

Cela suppose de distinguer les clients d’un point de vue théorique ou in abstracto selon leur nature (client professionnel/client non-professionnel) mais également d’un point de vue pratique ou in concreto compte selon la nature du service ou du produit apprécié au regard du client considéré (client averti/client non-averti).

Par ailleurs, on peut noter que la qualité du client est évolutive : dans l’arrêt du 17 novembre 2015, la Cour de cassation a retenu que la qualité d’opérateur averti avait pu être acquise durant la relation contractuelle avec la banque, de sorte que le prétendu manquement sur les transactions litigieuses a pu être exclu, en relevant que le demandeur avait traité régulièrement des opérations complexes ce qui permettait d’établir son expérience. En conséquence, on peut estimer que les rendez-vous annuels clients recommandés par l’AMF ne constituent pas nécessairement un coût pour les Prestataires mais un moyen de répondre aux besoins de leurs clients dans la durée, de leur présenter de nouveaux produits et, au regard de ces arrêts, un moyen dans la durée de se ménager des preuves quant à la situation d’opérateur averti de leurs clients.

Enfin, si MIF 2 impose des obligations d’information et de prise d’informations renforcées notamment sur la tolérance au risque, il faut relever que ses dispositions ont plus généralement pour objet le renforcement de la protection des investisseurs. Ainsi, la responsabilité du Prestataire d’apprécier le niveau d’informations à collecter et à fournir sera accrue aussi bien à l’égard des clients non-professionnels que des contreparties éligibles (pour lesquelles MIF 2 précise même expressément que le Prestataire est tenu d’agir de manière loyale…).

En définitive, il est probable que la jurisprudence de la Cour de cassation de novembre 2015 qui maintient la validité de l’analyse in concreto de la situation d’un client pour apprécier le degré des obligations d’un Prestataire sera encore plus pertinente avec MIF 2.

Notes

1 Numéro d’arrêt : 13-21669
2 Numéro d’arrêt : 14-18673

 

Auteur

Jérôme Sutour, avocat associé, responsable Services Financiers.

 

Services d’investissement : non-professionnel ne rime pas toujours avec non-averti! – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 14 décembre 2015