Image Image Image Image Image Image Image Image Image Image
Scroll to top

Top

Stop the clock : l’impératif de compétitivité reprend le dessus sur les obligations des entreprises en matière de durabilité

Stop the clock : l’impératif de compétitivité reprend le dessus sur les obligations des entreprises en matière de durabilité

Le développement récent de rhétoriques protectionnistes sur la scène internationale incite chaque Etat à favoriser le maintien de la compétitivité de ses entreprises nationales. Au sein de l’Union européenne, cet objectif de compétitivité entre parfois en conflit avec le développement des obligations en matière de durabilité et de devoir de vigilance.

 

Récemment, le Président américain a annoncé sa proposition de loi «Protect USA Act», un ensemble de mesures protectionnistes qui cible notamment les entreprises européennes appliquant les directives relatives à la durabilité.

 

En effet, des directives telles que la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), la Corporate Due Diligence Directive (CS3D) et la Taxonomy Directive font peser de lourdes contraintes administratives, financières et logistiques sur les entreprises.

 

Face à l’inquiétude des Etats membres, soucieux de protéger la compétitivité de leurs entreprises nationales, l’Union européenne, avait promis, dès l’année dernière, de mettre en place un processus de simplification des obligations pesant sur les entreprises.

 

Dès 2023, un rapport sur l’avenir de la compétitivité européenne, avait en effet souligné la nécessité de mettre en œuvre un tel processus en allégeant les exigences de la CSRD et de la CS3D. Dans la foulée, les chefs d’État et de gouvernement de l’UE ont appelé à «réduire drastiquement les charges administratives, réglementaires et de déclaration, en particulier pour les PME».

 

En réaction, la Commission européenne a présenté, le 26 février 2025, deux projets de directives «Omnibus», le premier visant à simplifier le droit européen en matière de durabilité et le deuxième portant sur la législation en matière d’investissements.

 

En parallèle, la France, premier pays à avoir transposé la directive CSRD par l’ordonnance n°2023-1142 du 6 décembre 2023 pour une entrée en vigueur le 1er janvier 2025, a adopté un projet de loi modifiant notamment le champ d’application des obligations liées à la CSRD et le calendrier d’entrée en vigueur.

 

L’effort de simplification au niveau de l’UE : la directive « stop the clock »

 

La proposition de directive «Stop the clock», issue du paquet Omnibus I et approuvée par les Etats membres au Conseil européen le 26 mars 2025, a été adoptée par le Parlement européen le jeudi 3 avril 2025 à la suite du déclenchement de la procédure d’urgence le mardi 1er avril 2025.

 

Elle a pour but de :

 

Retarder de deux ans, jusqu’en 2028, l’entrée en vigueur de la CSRD pour les grandes entreprises qui n’ont pas encore commencé à se conformer à la directive ainsi que pour les PME ;

 

Retarder d’un an l’échéance du délai de transposition et l’application de la CS3D initialement fixé au 26 juillet 2026.

 

Ce report des obligations en matière de durabilité et de due diligence a pour objectif de laisser le temps aux institutions européennes de modifier les standards établis dans ces deux directives, afin d’alléger leur poids administratif pour les entreprises et de préserver la compétitivité économique des entreprises européennes.

 

Le Conseil doit désormais formellement valider le texte, qui entrera alors en vigueur. La Commission présentera ensuite un projet de refonte de la CSRD d’ici le 31 octobre 2025.

 

L’effort de simplification au niveau interne : le projet de loi DDADUE

 

Le législateur français avait déjà transposé en droit interne les dispositions de la CSRD en prévoyant une entrée en vigueur progressive de ses mesures en 2025, 2026 et 2027 (ordonnance n° 2023-1142 du 6 décembre 2023).

 

Ainsi, ces dispositions sont entrées en vigueur le 1er janvier 2025 pour les entreprises cotées, les établissements de crédit au sens de l’article L.511-1 du Code monétaire et financier, les sociétés d’assurance ou de réassurance soumises au contrôle de l’Etat ainsi que les mutuelles et les institutions de prévoyance qui sont des grandes entreprises au sens des articles L.230-1 et D.230-1 du Code de commerce

 

Concomitamment à l’adoption de la directive «stop the clock», un projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, a été adopté définitivement le 3 avril 2025 dans sa rédaction issue de la commission mixte paritaire.

 

Ce texte a donné lieu à une saisine du Conseil constitutionnel le 8 avril 2025. Toutefois, cette saisine ne portant pas sur les dispositions relatives à la CSRD, ces dispositions sur ce point sont définitives.

 

Pour l’essentiel, la loi prévoit de :

 

Reporter de deux ans les obligations de reporting CSRD contenues dans l’ordonnance n° 2023-1142 à partir des exercices 2025, 2026 et 2028 pour les entreprises concernées ;

 

Supprimer les sanctions pénales applicables aux dirigeants d’entreprises pour manquement aux obligations relatives à la CSRD. Sont concernés le défaut de convocation d’un commissaire aux comptes désigné pour certifier les informations en matière de durabilité et le fait de faire obstacle aux vérifications ou contrôles des commissaires aux comptes ;

 

Rationaliser l’obligation de consultation du CSE sur les obligations CSRD qui devront faire l’objet, au choix de l’entreprise, d’une seule consultation annuelle à l’occasion de l’une des trois consultations récurrentes (C. trav., art. L.2312-17).

 

Lorsque le Conseil constitutionnel se sera prononcé sur le recours des parlementaires, la loi sera publiée au Journal officiel et le report de la date d’entrée en vigueur de la CSRD pour les entreprises qui ne sont pas encore soumises aux obligations de publication du rapport de durabilité sera effectif.

 

Le processus de simplification des obligations en matière de CSRD et de CS3D est désormais en marche. Le report de l’application de ces mesures a vocation à laisser au législateur le temps de modifier en profondeur les textes, et constitue donc une première étape essentielle en vue de la refonte du régime des obligations en matière de durabilité.