De la subjectivité de l’appréciation de la liberté d’expression du salarié
17 novembre 2016
La Chambre sociale de la Cour de cassation affirme le droit à la liberté d’expression des salariés dans l’entreprise. Sur ce terrain, la sanction est lourde, puisque le licenciement en violation d’une liberté fondamentale peut être frappé de nullité. Il risque donc d’y avoir réintégration, même si, en pratique, le salarié le souhaite rarement, préférant une indemnisation majorée.
En l’espèce, un salarié avait été licencié pour avoir diffusé un courriel dans lequel il critiquait un projet d’accord collectif, dénigrant en des termes virulents (« chantage », « dictature ») la direction, notamment le directeur des ressources humaines dont il mettait en cause la probité. Ni la matérialité des faits, ni les propos incriminés n’étaient contestés.
Mais pour la Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, le salarié n’avait pas abusé de sa liberté d’expression car pour apprécier la gravité de ces propos il fallait tenir compte :
- « du contexte dans lequel ces propos avaient été tenus » (il n’agissait pas par pure agressivité, mais « visait à défendre des droits susceptibles d’être remis en cause ») ;
- « de la publicité que leur avaient donnée le salarié et des destinataires des messages ». Ici la diffusion du message s’était limitée aux représentants syndicaux et salariés concernés (Cass. soc., 19 mai 2016, n°15-12.311).
Dans le même sens, la Haute juridiction considère sans cause réelle et sérieuse le licenciement d’un salarié ayant notamment critiqué la société (« boîte de m…. ») devant deux responsables au motif que les propos indélicats n’exprimaient qu’un sentiment d’insatisfaction (Cass. soc., 13 juillet 2016, n°15-12.430).
A l’inverse, des messages accusant le supérieur hiérarchique de « vol », « lâcheté », « malhonnêteté » et envoyés de surcroît en copie à deux collaborateurs ont été estimés comme excessifs, injurieux et excédant l’expression de simples divergences de vue (Cass. soc., 29 juin 2016, n°14-28.838).
L’appréciation de l’abus de la liberté d’expression peut donc sembler empreinte d’une part de subjectivité.
Auteur
Marie-Pierrre Schramm, avocat associée, spécialisée en conseil et en contentieux dans le domaine du droit social
A lire également
Quand le management devient inadapté : faute ou insuffisance professionnelle?... 25 août 2017 | CMS FL
Prévention des difficultés des entreprises : la confidentialité au service de... 4 février 2016 | CMS FL
McDonald’s se réserve l’usage des préfixes « Mc » et « Mac ... 16 novembre 2016 | CMS FL
Obligation de mettre en place des dispositifs de signalement de contenus illicit... 14 novembre 2016 | CMS FL
Courriels professionnels : l’absence de déclaration à la CNIL n’en rend pa... 23 août 2017 | CMS FL
Les apports de la loi relative à la liberté de la création, à l’architectu... 3 novembre 2016 | CMS FL
Licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle : sur l’exigence de c... 30 mai 2016 | CMS FL
Que peuvent attendre les entreprises de la loi El Khomri ?... 17 octobre 2016 | CMS FL
Articles récents
- Titres-Restaurant : prolongation de la dérogation jusqu’au 31 décembre 2026
- Présomption de démission : attention à la rédaction du courrier de mise en demeure !
- Obligation de loyauté de la négociation collective : bonnes pratiques et points de vigilance
- Hamon : stop ou encore ?
- Apprentissage : le Gouvernement va reconduire l’aide pour les employeurs embauchant des apprentis
- La clause dite de conscience : outil de sécurisation des dirigeants d’entreprises familiales
- La convention d’assurance chômage est agréée
- Sécurité sociale : quelles perspectives pour 2025 ?
- L’intérêt à agir exclut la possibilité pour un syndicat professionnel de demander la régularisation de situations individuelles de salariés
- Présomption de démission en cas d’abandon de poste : les précisions du Conseil d’Etat sur le contenu de la mise en demeure