Syntec : quelles actualités ?
5 décembre 2024
Après le toilettage de sa convention collective par avenant n°46 du 16 juillet 2021, en vigueur depuis le 1er mai 2023, la branche des Bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite « Syntec », a signé plusieurs accords dont certains sont déjà entrés en vigueur et d’autres le seront au 1er janvier 2025. Tour d’horizons de ces nouveautés conventionnelles.
Les nouveautés 2024
Le 13 décembre 2022, les partenaires sociaux de la branche Syntec signaient trois accords relatifs à l’organisation du travail et un avenant à son accord relatif à la durée du travail du 21 juin 1999.
S’agissant de l’accord relatif à l’interruption spontanée de grossesse qui a ouvert droit à une autorisation d’absence exceptionnelle de deux jours rémunérée en cas d’interruption spontanée de grossesse avant 22 semaines d’aménorrhée pour la salariée ou pour son conjoint, concubin ou personne pacsée avec elle également salarié de la branche, il est entré en vigueur dès le 1er mai 2023 (1).
S’agissant des deux accords, les arrêtés d’extension sont finalement parus courant 2024.
Ainsi, applicable depuis le 1er avril 2024, l’accord relatif à une organisation hybride du travail en entreprise prévoit notamment (2) :
⇒ l’organisation du recours au télétravail en cas de circonstances exceptionnelles ou en cas de force majeure afin de garantir la continuité de l’activité de l’entreprise ;
⇒ l’information du salarié concerné de l’ensemble de ses conséquences avant la mise en place du télétravail depuis l’étranger ;
⇒ la possibilité de suspendre ou de modifier de la fréquence du télétravail afin de s’adapter aux exigences des clients ou aux contraintes liées à la réalisation des projets (sous réserve de respecter un délai de prévenance prédéfini) et de préciser, au début de la mission de la modalité d’organisation du travail du salarié, et, le cas échéant, du volume et de la fréquence du télétravail (par ordre de mission, écrit ou entretien avec le manager, note d’information). Sauf préconisation des services de santé au travail, aucun salarié ne peut refuser une mission dans laquelle le travail hybride n’est pas applicable ou une mission où le volume de télétravail autorisé est inférieur au volume de télétravail habituellement pratiqué par le salarié ;
⇒ la réversibilité du télétravail
⇒ le bénéfice d’une pause minimum de 45 minutes comprenant la pause légale de 20 minutes dès que le temps de travail quotidien atteint 6 heures
⇒ la détermination d’une plage horaire de disponibilité durant laquelle le salarié est joignable par l’employeur
⇒ le bénéfice des titres-restaurant des salariés en télétravail (si les salariés de l’entreprise en bénéficient) ;
⇒ la possibilité pour les salariés concernés par le télétravail d’exprimer leurs éventuelles difficultés à bénéficier du droit à la déconnexion ;
⇒ un entretien annuel relatif à la charge de travail avec possibilité de tenir le même jour les différents entretiens devant être programmés annuellement entre l’employeur et le salarié (entretien individuel dans le cadre du forfait-jours, entretien de suivi des salariés en télétravail, éventuel entretien individuel d’évaluation, etc.) ;
⇒ l’information des salariés soumis à une organisation du travail hybride sur ces mesures relatives à la protection de ces données et à leur confidentialité ainsi que sur les restrictions à l’usage d’équipements ou outils informatiques ou de services de communication électronique ;
⇒ la formation au travail hybride et sa gestion des salariés concernés ainsi que leurs responsables hiérarchiques et collègues directs ;
⇒ l’information annuelle du comité social et économique (CSE) du nombre de demandes d’accès au travail hybride formulées par les salariés et du nombre de demandes refusées au cours de l’année (et information de la commission de suivi si elle existe) et une information du nombre de salariés concernés par le télétravail depuis l’étranger et des pays depuis lesquels le télétravail est pratiqué ;
⇒ l’intégration du suivi de l’organisation hybride du travail dans la consultation du CSE relative à la politique sociale
Tandis que l’avenant n°2 à l’accord relatif à la durée du travail du 22 juin 1999, entré en vigueur le 1er juillet 2024 (3) :
⇒ étend l’éligibilité aux conventions de forfait-jours aux cadres en position 2.3 de la grille de classification (jusqu’à lors réservés aux cadres relevant au minimum de la position 3) ;
⇒ précise que les cadres en position 2.3 doivent bénéficier d’une rémunération au moins égale à 122% du minimum conventionnel de leur catégorie sur la base d’un forfait annuel de 218 jours travaillés ou sur la base du forfait défini en entreprise ;
⇒ réduit le nombre d’entretiens de suivi du forfait-jours qui passe de deux à un seul entretien ;
⇒ prévoit le droit à la déconnexion et l’obligation de déconnexion se manifestant par l’engagement de l’entreprise de ne pas solliciter le salarié pendant les temps de repos, l’absence d’obligation du salarié de répondre aux sollicitations intervenant pendant les temps de repos, l’assurance donnée au salarié de ne jamais subir de sanctions ou de reproches du fait de son absence de réponse aux sollicitations intervenant pendant les temps de repos et de ne pas voir encourager ni valoriser des comportements différents ;
⇒ permet aux employeurs de créer une procédure afin d’alerter en cas d’utilisation récurrente des outils numériques pendant des périodes de repos compte-tenu des impacts sur la santé ou la vie personnelle du salarié ;
⇒ impose, dans les entreprises de plus de 250 salariés, la nomination d’un référent à la déconnexion. Ce référent a pour rôle de sensibiliser les collaborateurs et les managers aux enjeux de la déconnexion, et de diffuser les bonnes pratiques de la connexion responsable.
Un accord relatif à la sécurisation des parcours professionnels des acteurs du dialogue social a de nouveau été signé le 27 juin 2023 afin de permettre aux représentants de salariés et des syndicats disposant de mandats lourds, et dont le temps consacré à leur exercice a diminué dans certaines proportions du fait de la mise en place du comité social et économique, de bénéficier, à leur demande, d’un accompagnement relatif à leur parcours professionnel, notamment au moyen de formations (4).
Deux avenants ont également été conclus en 2023 concernant les cotisations du régime de remboursement de frais de santé, tous deux applicables (5).
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Et à partir de 2025 ?
L’accord du 26 juin 2024 fixe les nouveaux salaires minimaux hiérarchiques mensuels bruts et rappelle les règles légales en matière d’égalité salariale entre les femmes et les hommes (obligation de faire bénéficier des augmentations générales et de la moyenne des augmentations individuelles de leur catégorie professionnelle les femmes à leur retour de congé maternité et, pour les entreprises d’au moins 50 salariés, obligations d’être couvertes par un accord ou un plan d’action sur l’égalité professionnelle, de publier l’Index égalité et de prendre des mesures permettant d’atteindre l’objectif d’égalité professionnelle) (6).
Il entrera en vigueur au 1er janvier 2025, sous réserve de la parution de son arrêté d’extension.
Par ailleurs, l’accord du 28 février 2024 relatif à la lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes au travail pourrait être étendu courant de l’année 2025. Il entrera en vigueur le premier jour civil suivant la publication de l’arrêté d’extension au Journal officiel. Au-delà de rappeler les dispositions légales en vigueur, cet accord :
⇒ encourage les entreprises à faire du harcèlement sexuel et des agissements sexistes des sujets de réflexion collective et de dialogue social, en se dotant d’un accord collectif ou d’une charte sur ces sujets ou, à défaut, en mentionnant l’accord de branche au sein du règlement intérieur ;
⇒ rappelle que la sensibilisation des salariés aux faits de harcèlement sexuel et agissements sexistes peut prendre la forme de notes de services, mails, affichages dans les locaux, information sur le site intranet ou le livret d’accueil, points spécifiques à l’occasion de réunions de services, temps d’information et d’échanges ;
⇒ prévoit une information des salariés sur les outils de prévention et les procédures de signalement et d’enquête existants dans l’entreprise;
⇒ rend obligatoire la formation sur la lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes des référents harcèlement désignés au sein des entreprises de la branche ainsi que des managers ;
⇒ recommande aux entreprises de la branche de mettre en place une procédure d’alerte ou de signalement de faits de harcèlement sexuel ou d’agissements sexistes et les incite vivement à diligenter, sans délai, une enquête interne lorsqu’elles sont alertées de tels faits, dans le respect des principes du contradictoire, de la discrétion, de la confidentialité et de la transparence ;
⇒ permet la mise en œuvre d’une procédure de médiation en cas d’agissements sexistes, à l’exclusion de faits de harcèlement sexuel ;
⇒ impose à l’entreprise en cas d’harcèlement sexuel ou d’agissements sexistes de proposer la mise en place d’une cellule ou la prise en charge psychologique à destination des salariés victime
Enfin, un accord du 24 octobre 2023 (7) a également adapté les catégories de bénéficiaires des régimes de protection sociale complémentaire au décret du 30 juillet 2021 qui avait supprimé les références aux catégories de l’AGIRC pour les remplacer par celles des catégories retenues par l’accord national interprofessionnel du 17 novembre 2017 sur la prévoyance des cadres.
L’accord permet également aux entreprises qui le souhaitent (non obligatoire) de rattacher les employés, techniciens et agents de maîtrise relevant des positions 2.2 à 3.1 de la classification ETAM aux régimes de protection sociale complémentaire des cadres.
Cette catégorie correspond aux anciens salariés dits « articles 36 » (8). Cet accord a été agréé par la commission APEC le 20 décembre 2023, comme l’exige la réglementation, et est applicable à compter du 1er janvier 2025.
Si certaines de ces nouvelles stipulations sont plus souples qu’auparavant, notamment s’agissant de l’éligibilité des salariés en forfait-jours, d’autres créent de nouvelles obligations à la charge des employeurs de la branche. Il est recommandé de faire un audit de vos pratiques et, le cas échéant, de les adapter.
AUTEURS
Florence Duprat-Cerri, Avocat Counsel, CMS Francis Lefebvre Avocats
Laure Guilmet, Avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats
(1) Accord du 13 décembre 2022 relatif à l’interruption spontanée de grossesse, étendu par arrêté du 31 mars 2023, entré en vigueur le 1er mai 2023
(2) Accord du 13 décembre 2022 relatif à l’organisation hybride du travail en entreprise, étendu par arrêté du 20 février 2024, entré en vigueur le 1er avril 2024
(3) Avenant n° 2 du 13 décembre 2022 à l’accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail, étendu par arrêté du 12 juin 2024, entré en vigueur le 1er juillet 2024
(4) Accord du 27 juin 2023 relatif à la sécurisation des parcours professionnels des acteurs du dialogue social, étendu par arrêté du 8 décembre 2023, entré en vigueur le 1er octobre 2023 et prend fin le 31 décembre 2025.
(5) Avenant n° 5 du 21 février 2023, étendu par arrêté du 10 juillet 2023, entré en vigueur le 1er juillet 2023 et Avenant n° 6 du 14 décembre 2023, étendu par arrêté du 29 mai 2024, entré en vigueur le 1er juillet 2024
(6) Annexe 3 – Salaires minimaux de branche du 26 juin 2024.
(7) Accord du 24 octobre 2023 relatif aux catégories de bénéficiaires du régime de protection sociale complémentaire, étendu par arrêté du 12 mars 2024, entré en vigueur le 1er janvier2025.
(8) Article 36 de l’annexe I de la Convention collective de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 dite convention « Agirc ».
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