Tarifs d’un abonnement à des services de télécommunication fixés en fonction d’un indice des prix : pas de dénonciation possible sans pénalité du contrat en cas d’augmentation
La directive 2002/22/CE du 7 mars 2002 concernant le service universel et les droits des utilisateurs au regard des réseaux et services de communications électroniques (directive « service universel ») établit les droits des utilisateurs finaux et les obligations corollaires des entreprises qui fournissent les réseaux et les services de communications électroniques proposés au public, dans un objectif de protection des consommateurs.
Selon cette directive, les abonnés à des services de communication électronique ont le droit de dénoncer leur contrat sans pénalité, dès lors qu’ils sont avertis de modifications apportées aux conditions contractuelles (article 20 § 2 de la directive).
Cette disposition a été transposée en droit français à l’article L.121-84 du Code de la consommation qui met à la charge de l’opérateur une obligation d’information du consommateur de l’augmentation du tarif. Cette information doit être communiquée au consommateur un mois avant son entrée en vigueur, doit être assortie de la mention selon laquelle ce dernier peut, tant qu’il n’a pas expressément accepté les nouvelles conditions, résilier le contrat sans pénalité et sans droit à dédommagement et ce jusqu’à un délai de quatre mois après l’entrée en vigueur de la modification (voir par exemple Cass. 1re civ., 27 novembre 2013, n°12-22.024). Si le consommateur n’a été informé de ces modifications qu’après leur entrée en vigueur, il conserve alors le droit de demander le rétablissement des conditions antérieures (Cass. 1re civ., 20 mai 2010, n°09-10.913). En revanche, si le délai de préavis a été respecté, les tribunaux rejettent la demande de rétablissement des conditions initiales (CA Versailles, 9 septembre 2009, n°07/05200).
Un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du 26 novembre 2015 vient limiter ce pouvoir de résiliation, en confirmant la licéité d’une stipulation prévoyant une augmentation d’un tarif fondée sur un critère objectif, tel qu’un indice des prix à la consommation défini par une institution publique, mentionné dans les conditions générales acceptées par le consommateur et excluant donc toute dénonciation du contrat sans pénalité (CJUE, 26 novembre 2015, C-326/14).
En l’espèce, l’opérateur autrichien A1 Telekom Austria prévoyait, dans les conditions générales de ses contrats d’abonnement, la possibilité d’augmenter ses tarifs pour l’année civile suivante en fonction de l’augmentation de l’indice des prix à la consommation annuel établi par l’institut public de statistique et s’engageait à répercuter les baisses de l’indice des prix à la consommation annuel en réduisant les tarifs en faveur des clients, exception faite du cas dans lequel l’opérateur aurait renoncé à procéder à des hausses de tarifs qu’il aurait été fondé à faire dans la période antérieure. Les abonnés ne pouvaient prendre prétexte de cette augmentation des tarifs pour dénoncer sans pénalité leur contrat. Une association autrichienne de consommateurs soutenait que cette adaptation tarifaire constituait une modification des conditions contractuelles au sens de l’article 20 de la directive « service universel », qui ouvrait le droit aux abonnés de dénoncer leur contrat, ce que contestait l’opérateur de télécommunications. L’association de consommateur a porté le litige jusqu’à la Cour suprême autrichienne qui a interrogé la CJUE via la procédure de renvoi préjudiciel.
La Cour de justice n’a pas suivi la thèse de l’association de consommateurs et a considéré qu’une telle clause d’adaptation tarifaire, qui se fonde sur une méthode d’indexation claire, précise, accessible au public et issue de décisions et de mécanismes relevant de la sphère publique, ne constituait pas une modification apportée aux conditions contractuelles au sens de l’article 20 de la directive.
Cette position n’est guère surprenante. Une adaptation tarifaire résultant de l’application des conditions contractuelles ne constitue pas une modification contractuelle en soi, mais une application des conditions contractuelles initialement prévues. Ce raisonnement trouve vite cependant ses limites puisqu’il comporte un risque fort d’atteinte à l’effet utile du droit à résiliation prévu par l’article 20 § 2 de la directive : il suffirait, en effet, que les contrats incluent une clause générale d’adaptation des prix pour priver les consommateurs de leur droit à résiliation unilatérale sans pénalité. Afin d’éviter cet écueil, il appartient au juge national, lorsqu’une telle stipulation contractuelle existe, de vérifier qu’elle présente les caractéristiques suffisantes de prévisibilité, de transparence et de sécurité juridique pour considérer qu’il n’y a pas de modification dans la position contractuelle de l’abonné.
Auteur
Aurore-Emmanuelle Rubio, avocat en droit des contrats