TVA : taux, mode d’emploi
Taux TVA : Dans le contexte économique actuel, un rappel utile de l’encadrement juridique dans lequel peuvent être effectués les choix des Etats de l’Union européenne pour les taux de TVA, première ressource fiscale des Etats de l’Union européenne.
Dans le contexte économique actuel, un rappel utile de l’encadrement juridique dans lequel peuvent être effectués les choix des Etats de l’Union européenne pour les taux de TVA, première ressource fiscale des Etats de l’Union européenne.
1. Une structure des taux strictement encadrée
Dans le cas de la France, quatre taux s’appliquent actuellement, auxquels s’ajoutent certains taux spécifiques, plus faibles, applicables en Corse et dans certains DOM. Suivant les dernières dispositions votées par le Parlement, ces taux devraient s’établir au 1er janvier 2014 à 2,10 ; 5 ; 10 et 20 % (contre 5,5 ; 7 et 19,6 % pour les trois derniers actuellement).
Les règles sont encadrées par la Directive 2006/112 du 28 novembre 2012 : depuis le 1er janvier 1993, les Etats membres de l’Union ne peuvent en principe appliquer qu’un seul taux normal qui doit être au moins égal à 15 % et un ou deux taux réduits qui ne peuvent ni être inférieurs à 5 % ni être appliqués à d’autres biens et services que ceux qui sont énumérés par la Directive. Il n’existe pas, en revanche, de plafond au taux normal en dépit d’une volonté affichée que l’écart entre les taux pratiqués par chacun des Etats n’excède pas dix points ; et, de fait, l’écart s’établit actuellement à 12 points (15 % et 27 % respectivement au Luxembourg et en Hongrie).
A ce cadre général s’ajoutent certaines règles spécifiques résultant des différents accords passés entre les Etats de l’Union européenne lors de l’adoption du système commun de TVA, des élargissements et du rapprochement des législations. C’est ainsi que la France peut notamment maintenir le taux de 2,10 % (inférieur, donc, au seuil minimal de 5 %) aux produits qui en bénéficiaient avant 1991. Pour les mêmes raisons, d’autres Etats peuvent continuer d’appliquer un taux dit « 0 » (la TVA ne s’applique pas mais les opérateurs peuvent néanmoins récupérer la taxe d’amont contrairement aux opérations qui sont exonérés de la taxe) ou des taux « parking » (un taux inférieur au taux normal sans être fixé en-deçà de 12 % s’applique à des biens et services qui ne peuvent en principe pas bénéficier d’un taux réduit).
Ces règles particulières sont actuellement figées. Il résulte de la Directive que les taux dérogatoires sont applicables durablement, c’est-à -dire jusqu’à l’adoption d’un régime définitif dont l’avènement constitue un objectif de la Directive qui paraît aujourd’hui hors d’atteinte par les Etats membres. Mais ils ne peuvent pas être étendus à d’autres biens et services que ceux qui y étaient soumis à l’origine (clause de gel) et la modification éventuelle de l’un de ces taux dérogatoires ne peut s’effectuer que pour y substituer un taux qui se rapproche du cadre de droit commun, toute décision en la matière étant irréversible (effet de cliquet).
Le cadre juridique ainsi fixé par la réglementation européenne ne peut être modifié qu’avec l’accord de l’ensemble des Etats membres de l’Union, s’agissant d’un domaine soumis à la règle de l’unanimité. Toute modification en la matière résulte d’un processus long et délicat au plan politique : ainsi, en dépit de nombreux travaux de la Commission européenne préconisant des évolutions, la décision la plus récente a consisté à ajouter, en 2009, certains services à forte intensité de main d’œuvre à la liste des opérations éligibles à un taux réduit (ce qui a permis à la France d’appliquer le taux de 5,5 % – puis 7 % et demain en principe 10 % à la restauration). La Commission Européenne veille à faire respecter cette réglementation ainsi qu’en attestent les très nombreuses procédures d’infraction initiées à l’encontre des Etats membres et l’abondante jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. Ceci explique que ni la France ni les autres Etats membres ne disposent d’une totale liberté quant à l’utilisation de la TVA pour leur politique économique et budgétaire ainsi que le rappellent, en France, les gouvernements successifs dans le cadre des travaux parlementaires.
Dans le cas de la France, il n’est ainsi plus possible de créer de nouveaux taux, qu’il s’agisse d’un taux réduit (depuis la création du taux de 7 %) ou majoré (tel que par exemple un taux spécifique frappant certains produits de luxe préconisé par certains).
2. Des marges de manœuvre limitées pour l’application des taux réduits
Les livraisons de biens ou prestations de services qui peuvent être soumises au taux réduit sont limitativement énumérées à l’annexe III de la Directive TVA (anciennement annexe H de la sixième directive). Cette liste, fixée à l’unanimité par les Etats membres, comporte actuellement 21 rubriques. Les opérations concernées relèvent pour la plupart de secteurs « sensibles » qui méritent une attention particulière (denrées alimentaires, soins et santé, culture et sport, logement social, hébergement…).
Le principe d’une telle liste a été adopté en octobre 1992 afin de garantir un degré suffisant de rapprochement des taux dans le contexte de la création du marché unique.
Cet encadrement, dont le respect est strictement surveillé par la Commission européenne, vise donc essentiellement à éviter les distorsions de concurrence au sein de l’Union.
La Cour de Justice de l’UE a été amenée à préciser la portée de l’Annexe III ainsi que les marges d’appréciation dont bénéficient les Etats membres dans leur faculté d’appliquer un taux réduit.
La Cour a rappelé à de nombreuses reprises que l’application d’un ou deux taux réduit est une possibilité reconnue aux Etats membres par dérogation au principe selon lequel le taux normal est applicable. L’interprétation des dispositions de l’annexe III doit donc être stricte et les notions employées doivent être comprises « au sens habituel de ces termes ».
Par ailleurs, la Cour a jugé que le choix des Etats membres au sein même des opérations susceptibles d’être soumises au taux réduit doit s’effectuer dans le respect du principe de neutralité qui implique que des opérations semblables, qui se trouvent en concurrence, soient traitées de manière identique et donc soumises à un taux uniforme. Ainsi par exemple, les prestations d’un artiste soliste doivent-elles être soumises au même taux que celles fournies par un ensemble musical.
Pour apprécier cette similitude, la Cour se place au niveau du consommateur final. Elle a ainsi estimé conforme à ces principes l’application, en France, de deux taux réduits différents aux médicaments selon qu’ils sont ou non remboursable par la Sécurité Sociale (2,10 % pour les premiers et 7 % pour les autres), dès lors que ces deux catégories de produits n’entrent pas en concurrence aux yeux du consommateur : la priorité donnée aux premiers s’explique par leur caractère remboursable et non par la différence de taux de TVA.
Cela étant, la Cour admet la possibilité d’appliquer de façon sélective un taux réduit à la double condition suivante : n’isoler, aux fins de l’application du taux réduit, que « des aspects concrets et spécifiques » d’une des catégories de prestations visée à l’annexe III et respecter le principe de neutralité.
La Cour se montre toutefois relativement souple à cet égard. Elle ne recourt pas, dans le cadre de cette analyse, à l’utilisation des critères dégagés par ailleurs pour apprécier si une opération comportant plusieurs éléments doit être regardée comme une prestation unique, soumise à un traitement fiscal uniforme, ou si l’opération peut être décomposée en plusieurs prestations qui peuvent être traitées de manière différente. La Cour a ainsi jugé, s’agissant du service des pompes funèbres, que la France pouvait soumettre au taux réduit le transport des corps par véhicule alors que les autres prestations attachées à cette activité sont passibles du taux normal. La Cour a en effet estimé que cette prestation était identifiable, en tant que telle, séparément des autres prestations fournies par les entreprises de ce secteur.
A la lumière de l’ensemble de ces éléments, la France peut donc, en fonction des choix économiques et politiques susceptibles de motiver les décisions en la matière, aggraver le taux normal (16 Etats membres appliquent un taux au moins égal à 21 %), modifier (de nouveau) l’un ou ses deux taux réduits ou encore en modifier les champs d’application respectifs. Dans le contexte économique actuel, on peut penser à une restriction du champ des opérations bénéficiant d’un taux réduit, particulièrement nombreuses en France. Cette solution, qui irait dans le sens des préconisations récentes de la Commission européenne, est –au moins sur ce point- contredite par la récente décision d’abaisser à 5 % le taux (réduit) applicable au secteur du logement social. L’expérience montre enfin, lorsqu’il s’agit d’aggraver le poids de la TVA, qu’il est moins difficile de rehausser les taux que de restreindre la liste des opérations susceptibles de bénéficier d’un taux réduit.
C’est la raison pour laquelle les Etats membres auraient sans aucun doute bien du mal à trouver un accord si la Commission européenne devait, à la lumière des travaux qu’elle a engagés pour la modernisation de la TVA, formuler de nouvelles propositions visant en particulier le champ d’application des taux réduits.
A propos des auteurs
Elisabeth Ashworth, avocat associé, est responsable des questions de TVA et de taxe sur les salaires au sein de l’équipe de doctrine fiscale.
Marie-Odile Duparc, avocat spécialisée en matière de TVA pour des collectivités territoriales, SEM et des acteurs du secteur public.
Article paru dans la revue Option Finance du 8 avril 2013
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