Les titres associatifs au service de la croissance de l’économie sociale et solidaire
9 décembre 2015
L’aube d’un mouvement vertueux s’annonce. L’économie sociale et solidaire, dont on ne dira jamais assez qu’elle constitue tout autant un gisement d’emplois qu’un facteur d’unité et de stabilité de la société française, connaît des besoins de financement en fonds propres importants.
Il en va notamment ainsi de la rénovation d’actifs vieillissants détenus par des structures associatives. Plus largement, il importe de stimuler et d’accompagner les stratégies de croissance de ce secteur en ouvrant le financement à de nouveaux investisseurs.
La loi réserve depuis longtemps aux associations exerçant une activité économique effective depuis au moins deux années le droit d’émettre des obligations1, mais il faut bien constater que peu d’associations ont utilisé cette faculté jusqu’à présent. Quant aux titres associatifs, catégorie particulière d’obligations pouvant être émises par les associations, les contraintes auxquelles ils étaient assujettis ont assis leur rareté.
Plusieurs modifications législatives ont permis de doter les associations d’outils de financement mieux adaptés et donc plus attractifs pour les émetteurs et pour les investisseurs.
Ainsi, alors que les titres associatifs ne pouvaient auparavant être remboursés qu’à l’initiative de l’émetteur, une loi de 20142 a permis l’émission de titres associatifs pouvant être remboursés à une date fixée dès l’émission, sous réserve du respect d’une maturité minimale de sept ans et de l’accumulation d’excédents depuis l’émission dépassant le montant nominal des titres émis3. C’est un gage d’attractivité pour les investisseurs qui ont des horizons d’investissement congruents, tout en étant protecteur pour les associations qui ont l’assurance que leur situation financière ne sera pas compromise par le remboursement de l’emprunt.
Par ailleurs, alors que le Code monétaire et financier impose un plafond au taux d’intérêt des obligations émises par les associations égal au taux moyen obligataire (TMO)4 du trimestre précédant l’émission majoré d’un maximum de 3 points, le plafond applicable aux titres associatifs dont le remboursement est conditionné à la réalisation d’excédents est augmenté de 2,5 points supplémentaires5. Ce surcroît d’intérêt rémunère le fait que l’investisseur participe à la stratégie de croissance de l’association, en prenant le risque de ne pas être remboursé tant que l’accumulation des fonds propres depuis l’émission n’aura pas atteint le montant nominal d’émission, et le fait que les titres associatifs constituent des créances de dernier rang.
Les titres associatifs dont le remboursement est conditionné à la réalisation d’excédents peuvent également porter intérêt à un taux variable, dans la limite du plafond d’intérêt mentionné ci-dessus. Dans ce dernier cas, les titres ne pourront être souscrits ou acquis que par des investisseurs qualifiés, à l’exclusion des membres de l’association. Cette restriction portant à la fois sur la souscription et l’acquisition, elle s’imposera non seulement à l’émetteur sur le marché primaire mais aussi aux porteurs en cas de revente de leurs titres sur le marché secondaire.
Par ces nouveautés, les associations peuvent émettre des titres associatifs dont les caractéristiques sont comparables à celles des titres subordonnés qui sont émis avec succès par les banques, les entreprises d’assurances et certains corporates (taux attractif, possibilité de prévoir un step-up d’intérêt ou de basculer à un taux variable si le titre n’est pas remboursé après 7 ans, etc.).
Enfin, les dirigeants d’une association ont désormais le droit de détenir des obligations émises par cette association, étant précisé que ces obligations doivent financer un besoin de développement et non permettre de distribuer à leurs souscripteurs des excédents de gestion constitués par l’association qui les émet. L’interdiction de cette détention directe ou indirecte a en effet été supprimée du Code monétaire et financier par la loi Macron6.
Les textes sont en vigueur et les outils existent pour que le secteur de l’économie sociale et solidaire puisse satisfaire une partie de ses besoins de financement avec l’aide des investisseurs privés. Il appartient désormais à toutes les parties prenantes, publiques et privées, de s’en saisir pour lancer des chantiers de rénovation prometteurs.
Notes
1 Art. L. 213-8 et suivants du Code monétaire et financier
2 Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014
3 Art. L. 213-9 du Code monétaire et financier
4 0,96% pour le premier semestre 2015
5 Art. L. 213-13 du Code monétaire et financier
6 Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques
Auteurs
Marc-Etienne Sébire, avocat associé, responsable marchés de capitaux.
Bruno Zabala, avocat counsel au sein du département de la doctrine juridique.
Les titres associatifs au service de la croissance de l’économie sociale et solidaire – Analyse juridique parue dans le magazine Option Finance le 30 novembre 2015
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