Transaction et médiation avec l’URSSAF : Quelles sont les conditions de ces modes de résolution des conflits ?
27 décembre 2019
Nouveaux modes de résolution des conflits avec l’URSSAF, la transaction et la médiation interrogent les praticiens. A quelles conditions peut-on conclure une transaction avec l’URSSAF ? Comment se déroule la médiation ? Le point sur ces nouvelles possibilités.
Alors que se développent les modes de résolution non contentieux des conflits, les litiges entre les entreprises et les URSSAF n’échappent pas à cette tendance.
En premier lieu, rappelons que la saisine de la Commission de recours amiable (CRA), organe délibératif interne à l’URSSAF, est obligatoire avant toute saisine du juge et ce depuis la création du contentieux de la Sécurité sociale.
Cette commission est le plus souvent saisie à la suite d’un redressement et il est n’est pas inhabituel que la Commission statue favorablement au cotisant en annulant certains chefs de redressement.
Cependant, au-delà de ce mode traditionnel de résolution amiable des conflits, ces dernières années ont vu se développer d’autres modes, au premier rang desquels la transaction et la médiation.
La transaction avec l’URSSAF : des opportunités limitées
Introduite par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, la possibilité de conclure une transaction avec l’URSSAF a pour objectif de sécuriser la situation tant pour le cotisant que pour l’URSSAF.
La transaction, en principe encadrée par les articles 2044 et suivants du Code civil, est par définition un contrat par lequel les parties terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître.
Elle implique que les parties se fassent des concessions réciproques, ce qui impliquera généralement pour l’URSSAF de renoncer à une partie des sommes qu’elle estime dues, et pour l’employeur de régler en contrepartie une fraction des sommes réclamées. Les deux parties renoncent également à toute action judiciaire.
Cependant, dans le cadre du contentieux URSSAF, la possibilité de conclure une transaction est limitée tant par son objet que par son formalisme.
Un objet limité pour les transactions lors des contentieux URSSAF
L’article L.243-6-5 du Code de la sécurité sociale prévoit que la transaction ne peut porter que sur :
-
- le montant des majorations de retard ou pénalités ;
-
- l’évaluation de l’assiette lorsque le redressement porte sur un avantage en nature ou en argent ou sur des frais professionnels, lorsque cette évaluation présente une difficulté particulière ;
-
- le montant des redressements pour lesquels une évaluation forfaitaire ou par échantillonnage et extrapolation a été réalisée.
Si de très nombreux chefs de redressement portent sur des avantages en nature ou des frais professionnels, d’autres semblent donc exclus par principe de toute possibilité de transaction.
On songe notamment aux chefs de redressement portant sur les sommes allouées lors de la rupture du contrat de travail ou encore ceux portant sur les mécanismes de réductions des charges sociales, au premier rang desquels les réductions Fillon, dont les enjeux financiers sont souvent importants lors des contrôles.
De même, la transaction ne peut être conclue qu’à la suite d’une mise en demeure, ce qui implique qu’il est impossible de transiger sur les demandes de remboursement que pourraient formuler les employeurs.
La limite d’objet de la transaction lui fait ainsi perdre de son intérêt.
Une procédure et un formalisme contraignants
La possibilité de conclusion d’une transaction est également limitée en termes de délais et de formalisme.
En premier lieu, l’employeur doit adresser, après réception de la mise en demeure, une demande motivée à l’URSSAF.
Le délai de deux mois pour saisir la CRA est alors interrompu jusqu’à la notification de la décision de l’URSSAF de ne pas transiger. En cas d’acceptation, la CRA n’aura, logiquement, pas à être saisie.
L’employeur n’est pas toutefois pas contraint de formuler sa demande avant de saisir la CRA.
Sa possibilité de conclusion d’une transaction est néanmoins suspendue tant que la CRA est saisie et qu’elle n’a pas rendu de décision. Cette possibilité n’est ainsi rétablie que lorsque le tribunal est saisi du recours.
Autrement dit, la conclusion d’une transaction se fera : soit avant la saisine de la CRA, soit lorsque le contentieux devant le Tribunal de grande instance sera engagé.
Une fois saisi, le directeur de l’URSSAF dispose d’un délai de trente jours pour statuer sur la demande, l’absence de réponse valant refus. Or vu la complexité de certains contentieux, ce court délai semble dissuasif.
Si la transaction est signée, elle doit encore être approuvée par la Mission nationale de contrôle et d’audit des organismes de sécurité sociale, ajoutant de l’incertitude à cette procédure.
A supposer même qu’une transaction soit signée, elle n’emporte pas d’effet sur l’interprétation des motifs mentionnés au sein de la lettre d’observations. Autrement dit, l’employeur pourra être à nouveau redressé sur ce point à l’avenir.
Enfin, la transaction doit à peine de nullité être conclue selon un modèle défini par arrêté. Or cet arrêté n’est pas encore paru, impliquant donc pour l’instant que ce mode de résolution amiable du litige est tout simplement impossible.
Cette impossibilité n’a pas manqué d’entraîner une question écrite au Gouvernement déposée le 24 octobre 2019 (n°12793) laquelle est à ce jour sans réponse. En attendant, le statu quo prévaut.
La médiation avec l’URSSAF : une possibilité généralisée au 1er janvier 2020
Pratiquée par expérimentation depuis plusieurs années au sein de l’URSSAF d’Ile-de-France, la loi pour un État au service d’une société de confiance (loi ESSOC) a généralisé ce mode de résolution amiable des litiges à l’ensemble des URSSAF à compter du 1er janvier 2020.
Le médiateur est désigné par le directeur de l’URSSAF en cause. Il ne peut être saisi que si l’employeur a au préalable adressé une demande à l’URSSAF en cause et qu’aucun recours contentieux n’a été initié. L’engagement de la procédure de médiation suspend alors les délais de recours.
La procédure de médiation est assez peu formalisée. Les textes énoncent seulement que le médiateur doit adresser une notification portant sur la recevabilité de la réclamation, puis à l’issue de la procédure de médiation, des recommandations aux parties.
Le médiateur a en effet pour but de tenter de rapprocher les parties, d’expliquer les décisions rendues, d’encourager les parties à une issue amiable. En revanche, il n’est pas juge et ne rend pas de décision qui s’imposerait à l’URSSAF.
Il est permis de s’interroger sur l’efficacité d’une procédure de médiation dans le cadre de la contestation d’un contrôle. En effet l’employeur a déjà eu l’occasion de donner son point de vue lors des opérations de contrôle.
De plus, le litige qui oppose l’employeur à l’URSSAF résulte généralement d’une différence d’interprétation de la règle de droit ou de son application au sein de l’entreprise. Les recommandations du médiateur, visant à créer un dialogue déjà mis en œuvre, seront donc peut être inefficaces dans un tel contexte.
Enfin, les textes ne permettent pas d’éclairer l’articulation de la saisine du médiateur et celle de la commission de recours amiable, raison pour laquelle l’employeur privilégiera sans doute de saisir de cette dernière.
Malgré les tentatives de promotion des modes de résolution alternatifs des conflits que constituent la consécration de la transaction et de la médiation, leur efficacité dans le cadre de contrôle URSSAF semble donc limitée.
Article publié dans Les Echos le 27/12/2019
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