Transfert d’entreprise : quel sort pour la représentation du personnel ?
26 avril 2019
Le procès verbal de carence rédigé par l’ancien employeur à la suite de l’organisation des élections professionnelles continue de produire ses effets chez le nouvel employeur après la cession de l’entreprise dès lors que l’entité transférée conserve son autonomie. Telle est la solution rendue par la Cour de cassation dans un arrêt du 6 mars 2019.
Cet arrêt est l’occasion de refaire le point sur le sort des mandats des représentants du personnel en cas de transfert d’entreprise.
Autonomie de l’entreprise transférée et poursuite des mandats en cours
En cas de modification dans la situation juridique de l’employeur telle que mentionnée à l’article L. 1224-1 du Code du travail (transfert d’une entité économique autonome conservant son identité dont l’activité est poursuivie), le Code du travail subordonne la poursuite des mandats des représentants du personnel au maintien de l’autonomie juridique de l’entreprise transférée.
Cela recouvre en pratique les hypothèses suivantes :
- l’entreprise est transférée intégralement et conserve son autonomie juridique ;
- l’entreprise est transférée intégralement et devient un établissement de l’entreprise d’accueil ;
- un établissement distinct est transféré et reste un établissement distinct de l’entreprise d’accueil.
La Cour de cassation considère pour sa part que les mandats subsistent dès lors que l’entité conserve en fait son autonomie, peu important qu’elle ait perdu son autonomie juridique. C’est le cas, par exemple d’un établissement qui, bien qu’ayant fait l’objet d’une fusion-absorption, a maintenu ses activités dans les mêmes locaux.
Dans une telle hypothèse, les mandats des représentants du personnel de l’entreprise objet du transfert se poursuivent en principe jusqu’à leur terme. La durée des mandats peut toutefois être réduite ou prorogée pour tenir compte de la date habituelle des élections dans l’entreprise d’accueil, soit par accord entre le nouvel employeur et les organisations syndicales représentatives existant dans le ou les établissements absorbés soit, à défaut, par accord entre l’employeur et les représentants du personnel intéressés.
Absence de maintien des mandats
L’obligation de poursuite des mandats ne s’impose au nouvel employeur des représentants du personnel intéressés que lorsque leur contrat de travail a été transféré de plein droit en vertu de l’article L.1224-1 du Code du travail. Tel n’est pas le cas lorsque les contrats de travail ont été transférés, soit de manière volontaire, soit de manière conventionnelle en application d’une convention ou d’un accord collectif (sauf lorsqu’une disposition conventionnelle impose le maintien des mandats chez le nouvel employeur).
Par ailleurs, lorsque l’opération ayant eu lieu en application de l’article L.1224-1 du Code du travail implique immédiatement des changements majeurs dans le fonctionnement et l’organisation de la structure absorbée, les instances sont vouées à disparaître. Tel est le cas si le personnel transféré est dispersé sur plusieurs sites au sein de l’entreprise d’accueil.
Lorsque les conditions de maintien des mandats représentatifs ne sont pas réunies, ceux-ci prennent fin de plein droit à la date du transfert. La Cour de cassation a d’ailleurs récemment jugé que dans cette hypothèse le comité d’entreprise peut décider de la dévolution de l’intégralité de son patrimoine au comité de l’entreprise absorbante, y compris les créances liées aux dotations (Cass. Soc. 16 janvier 2019, n°17-26.993).
Qu’en est-il en cas de procès-verbal de carence établi par le cédant avant le transfert ?
La Cour de cassation s’est prononcée, dans un arrêt du 6 mars 2019 (n°17-28.478), sur la question de savoir si le procès-verbal de carence établi antérieurement à la modification juridique de l’employeur pouvait continuer de produire ses effets après la date du transfert.
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 6 mars 2019, une société avait repris, en application de l’article L.1224-1 du Code du travail, l’ensemble des contrats de travail des salariés d’une autre société au sein de laquelle une carence d’institutions représentatives du personnel avait été constatée lors des dernières élections professionnelles ayant eu lieu quelques mois avant le transfert. Un an après la cession, le nouvel employeur prononce le licenciement d’un salarié pour inaptitude physique et impossibilité de reclassement. Le salarié conteste en justice la validité de la rupture de son contrat de travail reprochant à l’employeur de ne pas avoir consulté les représentants du personnel. Pour se justifier, l’employeur produit le procès verbal de carence établi par l’ancien employeur avant la cession de l’entreprise. Pour les juges, le cessionnaire peut bien se prévaloir du procès verbal de carence établi par le cédant.
Le procès-verbal de carence aux élections professionnelles réalisé dans l’ancienne entité est ainsi opposable dans la nouvelle entité au sein de laquelle les contrats de travail ont été transférés en application de l’article L 1224-1 du Code du travail à deux conditions :
- d’une part, l’entité transférée a conservé son autonomie ;
- d’autre part, le procès-verbal de carence date de moins de 4 ans (à condition que la durée des mandats n’ait pas été modifiée par accord collectif applicable dans l’entreprise cédante) et aucune demande d’organisation des élections professionnelles n’a été formée par un salarié ou une organisation syndicale.
Même si cette solution a été rendue sous l’empire du Code du travail dans sa version antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017 réformant la représentation du personnel, cette solution nous semble pleinement transposable en cas de carence aux élections des membres du Comité social et économique.
Auteurs
Caroline Froger-Michon,avocat associée, droit social
Aurélie Parchet, avocat en matière de droit social
Transfert d’entreprise : quel sort pour la représentation du personnel ? – Article paru dans Les Echos Exécutives le 25 avril 2019
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