Un an de jurisprudence sur l’inaptitude : testez vos connaissances !
27 février 2024
Comme chaque année, l’inaptitude a défrayé l’actualité jurisprudentielle en 2023. Confirmation de jurisprudences, précisions, revirement… Etes-vous à jour en la matière ?
Testez vos connaissances à travers ces dix questions.
La création d’un poste de reclassement réalisé sur la base des préconisations du médecin du travail rend-elle nécessairement ce poste compatible auxdites préconisations ?
X Non. (Cass. soc., 21 juin 2023, n°21-24.279)
Lorsque l’employeur propose un poste au salarié déclaré inapte, il doit s’assurer de la compatibilité de ce poste aux préconisations du médecin du travail, le cas échéant en sollicitant l’avis de ce médecin, peu important que le poste ait été créé lors du reclassement.
Un salarié peut-il être licencié pour faute lourde après avoir été déclaré inapte en cours de procédure ?
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X Non. (Cass. soc., 8 février 2023, n°21-16.258)
Un salarié déclaré inapte à son poste de travail par le médecin du travail ne peut plus être licencié pour un motif autre que l’inaptitude, même si l’employeur a engagé antérieurement à son encontre une procédure de licenciement pour faute lourde.
L’avis du médecin peut-il obliger à proposer un poste de reclassement en télétravail alors que l’entreprise ne pratique pas par ailleurs le télétravail ?
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√ Oui. (Cass. soc., 29 mars 2023, n°21-15.472)
Un employeur ne peut pas se contenter d’indiquer qu’aucun poste n’est disponible en télétravail au sein de l’entreprise.
Au cas d’espèce, il s’agissait d’une assistante coordinatrice d’équipe pluridisciplinaire au sein d’un service de santé au travail déclarée inapte à son poste avec une possibilité d’occuper un poste administratif sans déplacement, en télétravail avec aménagement du poste approprié. Dans la mesure où aucun poste de télétravail n’existait, l’employeur a licencié la salariée pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
La Cour de cassation, à l’instar de la cour d’appel, estime que l’employeur n’a pas exécuté loyalement son obligation de reclassement. Elle considère notamment que les fonctions étaient compatibles avec le télétravail et que la mise en place de ce mode de travail ne nécessite pas obligatoirement l’existence un accord collectif et peut résulter d’un avenant au contrat de travail.
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L‘indemnité compensatrice égale à l’indemnité de préavis ouvre-t-elle droit à congés payés ?
X Non. (Cass. soc., 29 mars 2023, n°21-21.211)
En cas de licenciement pour inaptitude professionnelle, le salarié perçoit des indemnités et notamment une indemnité compensatrice égale à l’indemnité de préavis due en cas de licenciement. La jurisprudence est constante sur le sujet et considère que cette indemnité n’a pas la nature d’une indemnité de préavis.
Cet arrêt est ainsi l’occasion pour la Cour de cassation de rappeler que l’indemnité compensatrice égale au préavis n’ouvre pas droit à congés payés.
L’inaptitude d’un salarié peut-elle être valablement constatée alors même que le contrat de travail est encore suspendu et que c’est ce dernier qui a demandé à rencontrer le médecin du travail ?
√ Oui. (Cass. soc., 23 mai 2023, n°22-10.517).
La Cour de cassation considère qu’il importe peu que l’examen médical ait lieu pendant la suspension du contrat de travail.
La Cour de cassation s’appuie sur l’article L.4624-4 du Code du travail qui fixe les conditions de déclaration de l’inaptitude et à l’article L.4624-34 du même code dans sa rédaction issue du décret n°2016-1908 du 27 décembre 2016 qui dispose que le travailleur peut solliciter, notamment, une visite médicale, lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude.
L’employeur qui ne fait pas connaître au salarié par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement s’expose-t-il aux sanctions applicables en cas de violation de l’obligation de reclassement ?
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X Non. (Cass. Soc., 21 juin 2023, n°22-10.017)
L’absence de notification écrite des motifs s’opposant au reclassement du salarié victime d’un accident du travail n’expose pas l’employeur aux sanctions applicable en cas de violation de l’obligation de reclassement prévues par l’article L.1226-15 du Code du travail.
Il sera redevable d’une indemnité en réparation du préjudice subi qui ne se cumule pas avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il s’agit là d’une confirmation de jurisprudence.
En cas d’impossibilité de reclassement, l’employeur qui licencie au-delà du délai d’un mois, s’expose-t-il à une sanction autre que le paiement des salaires ?
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X Non. (Cass. soc., 5 juillet 2023, n°21-25.797).
Il résulte des articles L.1226-2 et L.1226-4 du Code du travail qu’en cas de licenciement pour inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel, le préavis n’est pas exécuté, et cette inexécution ne donne pas lieu au versement d’une indemnité compensatrice.
Cette règle s’applique même en cas de non reprise du paiement du salaire à l’issue du délai d’un mois.
Dès lors que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, le non-paiement des salaires au-delà du délai d’un mois ne peut être sanctionné par le versement d’une indemnité de préavis. Ce versement n’est possible que s’il est démontré que la rupture du contrat est fondée sur un manquement de l’employeur.
Le refus par un salarié d’un poste de reclassement dispense-t-il l’employeur de verser l’indemnité compensatrice de préavis au salarié inapte professionnel ?
X Non. sauf, s’il parvient à démontrer que le refus est abusif (Cass. soc., 21 juin 2023, n°22-11.489).
Le refus du salarié est rarement considéré comme abusif. La Cour de cassation décide en effet que « ne peut constituer en soi un motif une cause réelle et sérieuse de licenciement le refus par le salarié du poste de reclassement proposé par l’employeur lorsque la proposition de reclassement emporte modification du contrat de travail ou des conditions de travail ».
Il appartient dans ce cas à l’employeur de tirer les conséquences du refus du salarié soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement, soit en procédant à son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement (Cass. soc., 26 janvier 2011, n°09-43.193 ; Cass. soc., 23 mai 2017, n°16-13.222).
Depuis la loi dite Travail (Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016), l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues par le Code du travail, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.
La Cour de cassation ne s’étant pas encore prononcée à ce jour sur le point de savoir si le fait de proposer un seul emploi conforme aux préconisations du médecin du travail est suffisant, nous vous recommandons de formuler de nouvelles propositions de reclassement avant de procéder au licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Le médecin inspecteur du travail peut-il refuser de communiquer au médecin mandaté par l’employeur des éléments du dossier médical de santé au travail du salarié n’étant ni des éléments médicaux ni des éléments ayant fondé l’avis d’inaptitude contesté ?
√ Oui. (Cass. soc., 13 décembre 2023, n°21-22.401).
Dans le cadre d’une contestation d’avis d’inaptitude, un médecin mandaté par un employeur avait sollicité des documents de la part du médecin inspecteur.
L’employeur reprochait au médecin inspecteur du travail d’avoir violé le principe du contradictoire en biffant volontairement le contenu de certains commentaires au motif que ceux-ci n’avaient pas fondé l’avis du médecin du travail.
La Cour de cassation estime que « le médecin inspecteur du travail n’est tenu de communiquer au médecin mandaté par l’employeur que les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail, à l’exclusion de tout autre élément porté à sa connaissance dans le cadre de l’exécution de sa mission. »
Par cet arrêt, la Cour de cassation limite les informations auxquelles le médecin mandaté par l’employeur, dans le cadre d’un recours exercé contre un avis d’inaptitude, peut avoir accès, aux seules informations ayant fondé l’avis d’inaptitude.
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L’employeur est-il dispensé de proposer des postes de remplacement de catégorie supérieure ?
X Non. (CE, 21 juillet 2023, n°457196)
Tout poste disponible compatible avec l’état de santé du salarié inapte et comparable aux fonctions exercées par lui doit lui être proposé dans le cadre du reclassement. Le fait que ce poste relève d’une catégorie d’emploi supérieure ne permet pas à l’employeur de l’écarter d’office du champ des possibilités de reclassement.
En l’espèce, il s’agissait d’un salarié protégé et l’employeur avait écarté le reclassement des postes dont les fiches mentionnaient un statut de cadre du fait que le salarié avait un statut d’agent de maîtrise.
La Cour administrative d’appel et le Conseil d’Etat ont successivement considéré que l’employeur n’avait pas respecté ses obligations en matière de reclassement.
On le voit, l’inaptitude physique du salarié continue de susciter une abondante jurisprudence de la Cour de cassation.
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Auteurs
Damien Decolasse, Avocat associé, CMS Francis Lefebvre Avocats
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